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mardi 13 mai 2025

7.40 - MON AVIS SUR LE FILM CARTES SUR TABLE DE JESUS FRANCO (1966)

  


Vu le film Cartes sur Table de Jésus Franco (1966) (Vu sur Gaumont Classique) avec Eddie Constantine Sophie Hardy Fernando Rey Françoise Brion Mara Laso Ricardo Palacios Alfredo Mayo Dina Loy 

Interpol est en alerte. Depuis quelque temps, un mystérieux assassin vise les plus hautes personnalités internationales. Le tueur porte toujours d'épaisses lunettes et a une particularité physique : son groupe sanguin est extrêmement rare. 

Il fut un temps où les cinémas de quartier proposaient des programmes hétéroclites, dans lesquels on croisait à la volée du kung-fu, du western spaghetti ou du polar franchouillard. Cartes sur table, film hybride signé Jesús Franco, appartient pleinement à cette époque révolue. Pas de chef-d'œuvre ici, mais une curiosité qu’on regardait sans trop de prétention, le plaisir étant souvent ailleurs que dans la qualité formelle. 

Le film repose sur une idée étrange mais amusante : intégrer Eddie Constantine, ex-Lemmy Caution à la française, dans un scénario d'espionnage tirant vers le fantastique de série Z, avec savants fous, robots et gadgets improbables. L'intrigue tient sur un fil : une organisation criminelle veut prendre le contrôle du monde grâce à des esclaves lobotomisés. Constantine, ou du moins son double à peine modifié, est chargé de faire le ménage. 

Ce qui frappe, c’est le ton volontairement décalé, sans que l’on ne sache jamais si c’est voulu ou subi. Les gadgets bricolés, les décors carton-pâte, les effets spéciaux dignes d’un laboratoire de lycée... tout respire le cinéma bis, avec une sincérité maladroite qui peut évoquer les bricolages version ibérico-française. Le film lorgne parfois vers la parodie involontaire, avec ses hommes de main costumés comme des danseurs de cabaret futuriste et ses dialogues parfois absurdes. 

Eddie Constantine, dont le jeu n’a jamais brillé par sa finesse, semble ici perdu dans une intrigue qui le dépasse. Moins à l’aise qu’à l’accoutumée, peut-être gêné par le tournage en espagnol, il alterne entre sérieux excessif et décontraction forcée. Il y a quelque chose de presque pathétique dans son regard : celui d’un acteur dépassé, mais qui continue à faire le boulot. C’est aussi ce qui rend son personnage vaguement attachant. 

Françoise Brion, dans le rôle de la James Bond girl à la française, fait ce qu’elle peut dans un univers qui frôle l’amateurisme. Son élégance détonne un peu avec le reste du casting, comme une erreur de casting ou un ajout pour séduire le marché français. À ses côtés, Fernando Rey, futur Buñuelien de génie, compose ici un méchant scientifique au bord du ridicule, sorte de docteur Mabuse en peignoir de chambre. Il cabotine allègrement, ce qui contribue au charme cheap du film. 

À défaut d’être palpitant, le film amuse par ses maladresses, ses faux-raccords (dont un ou deux franchement hilarants), ses scènes d’action tournées avec trois figurants et demi, et surtout une blague finale bien sentie, qui sauve presque l’ensemble du naufrage. On se prend à sourire, non pas de l’humour mais du ton décalé, et on finit par s’attacher à cet objet bancal, témoin d’un certain cinéma populaire où l’on osait tout, même avec peu de moyens. 

Cartes sur table n’est ni un bon film, ni un vrai pastiche, ni un thriller réussi. Mais il est tout cela à la fois, une capsule d’une époque où les films se regardaient avec indulgence, où le cinéma de quartier formait les cinéphiles sans prétention. Un nanar ? Oui, probablement. Mais un nanar sympathique, bricolé avec enthousiasme, et qui mérite d’être vu au moins une fois, ne serait-ce que pour se rappeler que le plaisir de cinéma peut surgir là où on ne l’attend pas.

NOTE : 7.40

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