Vu le film Les Assassins de l’Ordre de Marcel Carné 1971) avec Jacques Brel Michel Lonsdale Charles Denner Didier Haudepin Paola Pitaghora François Cadet Serge Sauvion Catherine Rouvel Harry Max Roland Lesaffre Boby Lapointe
L'action se déroule dans une petite ville près de Marseille, la semaine de Noël. Un ancien repris de justice repenti, père de famille travaille comme mécanicien dans un garage. Un matin, il est réveillé aux aurores par deux policiers de façon musclée.
Ceux-ci l'accusent d'être l'auteur d'un « casse »au chalumeau, survenu la nuit même chez son employeur. Ils se fondent sur les empreintes digitales et, surtout, sur le fait qu'il a été condamné cinq ans auparavant pour une affaire similaire. Ils l'emmènent au commissariat d'où il ressortira à treize heures, soit quelques heures plus tard, mais pour être conduit à la morgue. Sa veuve porte alors plainte. Le film est adapté du roman de Jean Laborde ancien Chroniqueur Judiciaire qui avait suivi l'Affaire Dominici, le roman est librement inspiré d'une histoire vraie.
Il y a des films qu’on voit trop tôt, et d’autres qu’on découvre trop tard. Les Assassins de l’Ordre fait partie de ceux qu’on attend, parfois frustré — comme moi — de s’en voir refuser l’accès jeune, tant leur sujet touche une zone brûlante de la réalité. Marcel Carné, dans l’un de ses derniers longs-métrages, quitte les brumes du réalisme poétique pour se plonger dans la sécheresse d’un drame judiciaire, nourri d’un fait divers réel (évoquant l’affaire Lucien Léger ou l’affaire Dominici), et adapté du roman de Jean Laborde, chroniqueur judiciaire averti.
Le film commence par un fait brutal : un homme meurt en garde à vue. Le juge instruit, mais découvre très vite que son dossier sent le soufre. Toute une institution — police, hiérarchie, administration — œuvre pour que l’affaire soit enterrée. Mais le juge, campé avec une sobriété exemplaire par Jacques Brel, refuse de plier. On sent chez Carné une volonté presque documentaire de montrer les rouages d’une justice cernée, non pas par l’erreur, mais par la pression. Pas de grande envolée lyrique, ici, pas de musique démonstrative. Juste le silence, le regard, la peur sourde.
Brel, qu’on n’imaginait pas dans ce rôle, étonne par sa retenue. Il incarne un juge seul contre tous, honnête mais conscient du prix de cette honnêteté. À ses côtés, Charles Denner, Didier Haudepin, Catherine Rouvel, Michel Lonsdale et Pierre Maguelon composent une galerie de figures bien ancrées dans le réel : fonctionnaires, épouses inquiètes, policiers ambigus, tous porteurs d’un doute, d’une tension, d’un renoncement.
Le film se distingue par son refus de simplifier. Les policiers ne sont pas tous des brutes, les juges pas tous des héros. Il n’y a pas de message politique appuyé, mais une exploration honnête des zones grises : la peur du scandale, la pression hiérarchique, le silence institutionnel, autant de réalités qui font écho à des affaires encore récentes.
On est dans l’esprit de films comme Le Juge Fayard, Adieu Poulet ou Une Femme flic, mais Les Assassins de l’Ordre va encore plus loin dans la rigueur, sans emphase, avec une sobriété presque ascétique. Pas de slogan, pas de morale plaquée : le spectateur est libre de juger — ou de ne pas juger. Ce qui en fait une œuvre exigeante, mais nécessaire.
Les thématiques du film résonnent toujours : violences policières, indépendance de la justice, pressions politiques… Rien n’a changé, sinon la viralité instantanée des réseaux sociaux. Ce film, sans haine, sans exagération, laisse place à la pensée — et au doute. Un film qui devrait être vu aujourd’hui pour comprendre d’où l’on vient, et pourquoi on en est toujours là.
NOTE : 13.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Marcel Carné (assisté de Paul Feyder et Antoine Jacquet)
- Scénario (adaptation) : Marcel Carné et Paul Andréota
- Dialogues : Paul Andréota
- Directeur de la photographie : Jean Badal
- Montage : Henri Rust
- Son : René Longuet
- Décors : Rino Mondellini (en)
- Musique : Pierre Henry et Michel Colombier
- Producteur délégué : Michel Ardan
- Directeur de production : Jean Kerchner
- Société de production : Les Productions Belles Rives et West Film
- Pays de production :
France et
Italie - Société de Distribution : LCJ Éditions et Productions
- Jacques Brel : le juge d'instruction Bernard Level
- Didier Haudepin : le fils du juge
- Paola Pitagora : Laura, la maîtresse du juge Level
- Michael Lonsdale : le commissaire Bertrand
- François Cadet : l'inspecteur Rabut
- Serge Sauvion : l'inspecteur Bonetti
- Pierre Maguelon : le planton du commissariat
- Charles Denner : maître Graziani, avocat des policiers
- Catherine Rouvel : Danielle Lebègue, une prostituée
- Harry-Max : le greffier secrétaire du juge Level
- Françoise Giret : Geneviève Saugeat, l'épouse de la victime
- Roland Lesaffre : Michel Saugeat, la victime
- Boby Lapointe : Louis Casso, un cafetier, témoin
- Henri Nassiet : le président du tribunal
- Luc Ponette : Maître Rivette, avocat de Mme Saugeat
- Jean-Roger Caussimon : Lagache, le commissaire divisionnaire
- Marius Laurey : Un prisonnier au commissariat
- Jacques Legras : l'inspecteur, au magasin de Laura
- Lucien Barjon : Ernest Mauvoisins, le clochard
- Jean Franval : Sabatier, le médecin légiste (non crédité)
- René Lefèvre-Bel : l'avocat général (non crédité)
- Charles Bayard : un assesseur (non crédité)
- Luc Merenda : Marco, le souteneur de Danielle Lebègue (non crédité)
- Marc Arian : un journaliste (non crédité)
- Maurice Favières : le speaker (non crédité)
- Jean Panisse : le pompiste (non crédité)
- Katia Tchenko : l'assistante de maître Graziani (non créditée)
- Tania Busselier (arz) : une étudiante au « saloon » (non créditée)

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