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mardi 6 mai 2025

14.20 - MON AVIS SUR LE FILM LE PERE TRANQUILLE DE RENE CLEMENT (1946)


 Vu Le Père Tranquille de René Clément (1946) avec Noël Noël, Paul Frankeur, Jean Lara, Nadine Alari, José Arthur, Claire Olivier, Maurice Chevit, Howard Vernon et Roger Pierre 

En France pendant la Seconde Guerre mondiale, sous l'occupation allemande, Édouard Martin qui a toute l'apparence d'un « père tranquille », est un chef important de la résistance à l'insu de sa famille. Il est secondé par Simon et Pelletier qui est secrètement amoureux de sa fille Monique. Celle-ci découvre les activités de son père et voit naître son amour pour Pelletier. Alors que se prépare une action sur l'usine voisine, le jeune Pierre Martin s'enfuit de la maison pour rejoindre le maquis. Pour éloigner sa famille et les voisins du bombardement de l'usine, Édouard Martin organise les fiançailles de Pelletier et de sa fille en ville, ce qui alerte la police allemande qui l'arrête. Blessé mais sauvé par les maquisards, le père tranquille est reconnu avec fierté par son fils. 

Le Père Tranquille s’inscrit dans une période charnière de l’histoire du cinéma français : celle de la reconstruction, à la fois matérielle et morale, après les ravages de la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agissait pas seulement de relancer une industrie meurtrie, mais aussi de redonner une image digne et héroïque d’un pays profondément divisé pendant l’Occupation. En ce sens, le film de René Clément – ou plutôt le film de Noël-Noël, tant sa patte y est omniprésente – joue un rôle fondamental dans la reconstitution du récit national. 

Car si Clément signe officiellement la réalisation, Le Père Tranquille est d’abord le projet personnel de Noël-Noël, grande vedette d’avant-guerre. Il en est le scénariste, le co-réalisateur officieux, l’interprète principal, et même l’auteur de l’affiche. Inspiré par une histoire vraie, celle de Jean-Ernest Kempnich, horticulteur mosellan et résistant discret, Noël-Noël transpose ce destin dans une petite ville de province sous l’Occupation. Il en fait une fable patriotique, sincère, modeste et touchante, au service d’une mémoire encore vive. 

L’intrigue suit Édouard Martin, paisible fleuriste en apparence, qui élève ses orchidées et mène une vie rangée. Mais derrière cette façade tranquille, il est en réalité le chef local d’un réseau de résistance. L’originalité du film réside dans cette opposition entre le personnage bonhomme, presque terne, et son engagement clandestin d’une efficacité redoutable. Ce « père tranquille » incarne le héros ordinaire, l’homme de l’ombre, celui qui agit sans bruit, sans panache, mais avec détermination. 

Face à lui, toute une galerie de personnages représente la France de cette époque : les profiteurs, les attentistes, les collaborateurs discrets, les jeunes idéalistes comme son fils (interprété par un tout jeune José Arthur, futur pionnier de la radio), les voisins inquiets ou indifférents. Cette peinture sociale donne au film une valeur quasi documentaire, une carte postale fidèle – parfois un peu édulcorée – de la France occupée. 

Le moment le plus marquant du film reste sans doute cette scène où, pour sauver son village d’un bombardement qu’il a lui-même sollicité, Édouard Martin organise le mariage de sa fille loin des lieux visés. Un acte d’amour et de sacrifice silencieux, qui illustre la noblesse discrète du personnage. Les Allemands, dupés jusqu’au bout, n’auront jamais percé son secret. 

La performance de Noël-Noël est centrale. Loin de ses rôles comiques d’avant-guerre, il compose ici un homme d’une dignité simple, un père exemplaire, un citoyen courageux. Il donne au personnage une humanité sans effet, une sincérité qui traverse l’écran. En cela, Le Père Tranquille est probablement le sommet de sa carrière. 

Tout n’est pas parfait : certaines scènes sentent la reconstitution, quelques dialogues manquent de naturel, et le film n’échappe pas à une forme de manichéisme propre à l’après-guerre. Mais ces défauts sont largement compensés par l’émotion qui se dégage du récit, par la justesse de ton, par cette volonté d’honorer les humbles, les vrais résistants, ceux qu’on oublie souvent derrière les grandes figures historiques. 

René Clément, qui signera quelques années plus tard des chefs-d’œuvre comme Jeux interdits ou Le Jour et l’Heure, commence ici à affirmer une mise en scène discrète mais précise, attentive aux visages, aux silences, aux détails du quotidien. 

Le Père Tranquille est un film de transmission. Il ne cherche pas à révolutionner le langage cinématographique, mais à apaiser les consciences, à consoler, à réhabiliter. Il s’inscrit dans une démarche de mémoire collective, sans solennité, sans emphase. Un beau film, profondément humain, à (re)découvrir pour comprendre une certaine idée de la Résistance – modeste, efficace, et profondément française. 

NOTE : 14.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

et les acteurs non crédités


 

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