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vendredi 30 mai 2025

14.80 - MON AVIS SUR LE FILM QUE LA BETE MEURE DE CLAUDE CHABROL (1969)


Vu le film Que la Bête Meure de Claude Chabrol (1969) avec Jean Yanne Michel Duchaussoy Maurice Pialat Caroline Cellier Stéphane di Napoli Anouk Ferjac Marc di Napoli Lorraine Rainer Dominique Zardi 

Pour venger la mort de son fils, tué par un chauffard, un homme se lance sur la piste du coupable. Parvenant bientôt à retrouver sa trace et devenant un proche de sa famille, il comprend que l'homme qu'il recherche s'avère être un être abject haï de tous. 

Un enfant meurt, fauché par un chauffard qui prend la fuite. Son père, Charles Thénier, écrivain veuf, dévasté, ne peut se résoudre à laisser la justice piétiner le drame. Il entame alors une enquête solitaire, rongée par le chagrin, portée par une volonté implacable de vengeance. Cette quête de vérité le conduit dans une petite ville bretonne, où il rencontre une comédienne, Hélène, compagne du suspect qu’il recherche : Paul Decourt, un garagiste brutal, odieux, détesté même de sa propre famille… L’un est calme, cultivé, rongé par le deuil ; l’autre est un monstre quotidien, ordinaire, abject jusqu’à la moelle. Leur affrontement silencieux sera celui du masque et du vice, du deuil et de la haine. 

Avec Que la bête meure, Claude Chabrol touche au sommet de son art. Polar psychologique d’une noirceur glaçante, adapté du roman de Nicholas Blake, le film s’impose comme l’un des plus grands thrillers du cinéma français. Ce n’est pas un polar d’action, mais de tension : une lente montée vers une vérité enfouie sous les silences, les non-dits, la couardise provinciale. On reconnaît d’emblée l’empreinte chabrolienne : le poison diffus d’une bourgeoisie refermée sur elle-même, où les crimes se perpétuent dans l’indifférence polie, pourvu que le scandale ne fasse pas de bruit. 

Dans cette ambiance trouble, tout le talent de Chabrol s’exprime par une mise en scène au scalpel, sans esbroufe, mais d’une efficacité redoutable. Il ne sacrifie rien à la facilité, ni au suspense factice. Chaque scène pèse, chaque regard soupèse une vérité tue. La province, filmée avec distance et cruauté, devient le théâtre d’une tragédie morale : jusqu’où peut-on aller quand la justice échoue ? Et peut-on tuer sans devenir soi-même une bête ? 

Mais ce sont surtout ses interprètes qui donnent à ce film sa force inaltérable. Michel Duchaussoy, immense de retenue, compose un père digne, effondré, presque neutre en apparence, mais dont la résolution glacée émeut profondément. Il n’a jamais été meilleur, et jamais plus inquiétant non plus. Face à lui, Jean Yanne est hallucinant de vulgarité, de cynisme, de sadisme presque jouissif. Ce n’est pas un salaud romanesque, c’est un salaud réel, un type qu’on a tous croisé un jour, et qu’on espère voir puni. Le génie du film, c’est qu’il ne nous offre pas la satisfaction facile de cette punition : Chabrol nous laisse seuls face à nos désirs de vengeance, à notre propre ambiguïté. 

Le titre, Que la bête meure, prend alors une résonance biblique, primitive, et le film semble invoquer une malédiction plus qu’un dénouement. Même la musique de Pierre Jansen, stridente, discrète mais lancinante, contribue à cette impression de malaise grandissant. Le film, passé de nombreuses fois à la télévision (souvent le dimanche soir, où il a traumatisé bien des spectateurs), n’a rien perdu de sa puissance. Il hante encore, longtemps après, comme un cauchemar qui laisse une trace de froid sur la nuque. 

Un très grand Chabrol, oui. Un film sur la vengeance, mais surtout sur l’indifférence. Et sur le monstre qui sommeille dans les hommes tranquilles. 

Dans le rôle du flic qui va interroger Decourt on reconnaitra Maurice Pialat, et également les deux frères Di Napoli

NOTE : 14.80

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