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dimanche 18 mai 2025

14.00 - MON AVIS SUR LE FILM MONSIEUR VINCENT DE MAURICE CLOCHE (1947)


 Vu le Film Monsieur Vincent de Maurice Cloche (1947) avec Pierre Fresnay Jean Carmet Aimé Clariond Lise Delamar Jean Debucourt Germaine Dermoz Gabrielle Dorziat Miche Bouquet Gabrielle Fontan Pierre Dux 

Ce film raconte la magnifique histoire de Saint Vincent de Paul, prêtre du xviie siècle canonisé au xviiie siècle, qui a consacré sa vie aux pauvres. 

Grand Prix à Cannes, Oscar du Meilleur Film Etranger 

Monsieur Vincent (1947) n’est pas un film à “s’éclater la bidoche de rire”, c’est certain. Il s’agit d’un film austère, grave, et frontal dans son regard sur la misère humaine. Maurice Cloche, souvent rangé dans les artisans du cinéma français, signe ici son œuvre la plus ambitieuse, une biographie stylisée mais profondément habitée de Vincent de Paul, prêtre du XVIIe siècle connu pour son engagement total envers les pauvres et les malades. 

Dès les premières images, on est saisi par la densité du propos. Le film ne cherche pas à faire joli, ni à enjoliver une époque. Il appuie là où ça fait mal, montrant sans détour une France rongée par la famine, les guerres, les épidémies, et surtout par l’indifférence des puissants. Cloche, dans une mise en scène presque janséniste, fait le choix de l’épure et de l’âpreté. Le message est limpide : la charité ne suffit pas, il faut une révolution morale, une remise en cause profonde des priorités sociales. 

Ce qui frappe, c’est la modernité de l’approche. Bien que se situant au XVIIe siècle, l’histoire résonne cruellement avec l’après-guerre (le film sort en 1947, dans une France encore affamée et meurtrie), mais aussi avec notre époque. Les visages de la pauvreté, les mécanismes de relégation, la brutalité sociale n’ont guère changé. Le film dépasse donc le simple biopic édifiant pour devenir une parabole universelle. 

Pierre Fresnay, couronné à Venise pour ce rôle, livre une interprétation d’une rare sobriété. Aucun cabotinage ici : son Vincent est à la fois sec et brûlant. Sa diction, son regard, ses silences même donnent à son personnage une intensité presque mystique. C’est un homme de foi, oui, mais aussi un homme d’action, un révolté. Il veut “sauver ses petits”, comme vous l’écrivez avec justesse, dans un sens religieux bien sûr, mais aussi profondément humain. La foi de Vincent est un levier pour changer le monde, pas pour fuir ses responsabilités. 

Autour de lui, le film ménage quelques beaux moments de grâce, notamment grâce à un jeune Jean Carmet qu’on remarque instantanément. Déjà ce visage, déjà cette vérité : il crève l’écran en quelques scènes. Il est comme un témoin du réel, l’un de ces visages sans âge que la misère traverse. 

La photographie de Claude Renoir (fils de Pierre, neveu de Jean) est d’une noirceur magnifique. Le noir et blanc ici n’est pas un effet de style mais une nécessité : il donne au film une densité charnelle, renforce les contrastes, sculpte les visages et les corps dans la boue, la sueur, la poussière. Renoir filme la pauvreté comme une matière vivante, omniprésente, presque suffocante. 

Le film, bien qu’honoré à sa sortie (Oscar du meilleur film étranger, prix à Venise), est parfois relégué au rang des œuvres pieuses ou scolaires. Ce serait une erreur. Monsieur Vincent est un film de colère, de combat, d’espérance lucide. Il refuse la facilité, ne caresse pas le spectateur dans le sens du poil, ne flatte ni l’Église, ni les élites. Il rappelle que l’humanité est une responsabilité collective, et que ceux qui détiennent le pouvoir ont un devoir de justice — pas seulement de charité. 

Maurice Cloche, sans avoir la verve d’un Clouzot ou la rigueur d’un Bresson, signe un film qui frappe encore aujourd’hui par sa sincérité et son courage. Il faudrait le montrer davantage, notamment à ceux qui croient que le cinéma français d’après-guerre ne produisait que des bluettes ou des polars. Ici, pas de divertissement facile, mais une œuvre grave, parfois rude, mais d’une nécessité rare. 

NOTE : 14.00

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DISTRIBUTION

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