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jeudi 1 mai 2025

12.10 - VU LE FILM BRULE LE SANG DE AKAKI POPKHADZE (2024)

 


Vu le Film Brûle le Sang de Akaki Popkhadze (2024) avec Nicolas Duvauchelle Finnegan Oldfield Florent Hill Sandor Funtek Denis Lavant David Ayala Temiko Chichinadze 

Dans les quartiers populaires de Nice, un pilier de la communauté géorgienne locale se fait assassiner. Son fils Tristan, qui aspire à devenir prêtre orthodoxe, se retrouve seul avec sa mère en deuil. C'est alors que réapparaît Gabriel, le grand frère au passé sulfureux, qui revient d'un long exil dans le but de se racheter en lavant l'honneur de sa famille. 

Dans Brûle le Sang, Akaki Popkhadze tente un coup audacieux : faire porter à des comédiens français des rôles de jeunes Géorgiens de banlieue, à la frontière entre drame identitaire et récit criminel. Ce parti pris aurait pu faire naître un pont stimulant entre deux cinémas – l’un social, à la française, et l’autre plus âpre, plus rugueux, à l’est-européenne. Hélas, la greffe ne prend pas complètement, en particulier à cause de l’interprétation de certains acteurs, à commencer par Nicolas Duvauchelle. Il semble contraint de forcer un accent et une posture de "racaille" qui ne lui vont guère, et son jeu souvent nerveux finit par tourner à vide. Finnegan Oldfield, qui a pourtant su dans d'autres rôles trouver de subtiles nuances dans la violence intérieure, peine ici à moduler ses émotions. Il s’épuise dans une interprétation monolithique, où la tension devient un bruit de fond sans crescendo dramatique. 

Ce qui sauve pourtant le film d’une certaine raideur, ce sont les présences inattendues et magistrales de Sandor Funtek et Denis Lavant. Funtek, en particulier, impressionne une fois encore par sa diction ciselée et une intensité maîtrisée qui tranche avec l’agitation des autres. Son personnage, énigmatique et presque spectral, agit comme un révélateur des failles du groupe. Denis Lavant, quant à lui, continue de fasciner : il suffit qu’il entre dans le champ pour que le film gagne en densité, en étrangeté. Il habite son rôle avec ce mélange de retrait et d’excès maîtrisé qui le rend toujours aussi captivant. 

L'histoire elle-même suit un groupe de jeunes hommes issus de l'immigration géorgienne, tiraillés entre la violence du présent et les fantômes d’un passé familial pesant. Tristan, personnage principal, navigue entre fidélité à ses "frères" et désirs d’émancipation. Le film commence avec une altercation mineure qui dégénère et devient une chaîne d’événements tragiques. Meurtres, trahisons, descentes aux enfers… Popkhadze construit un récit en spirale, où chaque acte semble rendre le suivant inévitable. La découverte du corps de Gabriel marque une rupture brutale dans la narration, et donne au film un moment de grâce macabre, presque suspendu. 

Le rythme est l’une des grandes réussites du film. Il ne laisse que peu de répit, et tient le spectateur dans une forme de tension continue. Contrairement à beaucoup de films de genre, Brûle le Sang évite la tentation du spectaculaire creux. La violence, bien que présente, n’est jamais gratuite. Elle est sèche, parfois dérangeante, et souvent révélatrice des failles morales des personnages. 

Mais ce souffle se heurte à une écriture qui s’éparpille. Trop de personnages secondaires, pas toujours bien dessinés, viennent encombrer le récit. On aurait aimé que Popkhadze resserre davantage autour de son noyau dur, quitte à perdre un peu en ambition mais gagner en clarté. De même, le personnage de Tristan manque cruellement d’aspérités. Ses revirements éthiques ne sont pas suffisamment préparés, et sa trajectoire, qui devrait être celle d’une chute ou d’une rédemption, reste floue, presque indécise. 

Esthétiquement, le film est sombre, presque poisseux, avec une belle utilisation de la lumière nocturne et des intérieurs exigus, qui renforcent le sentiment d’étouffement. La mise en scène est souvent tendue, nerveuse, bien qu’elle frôle parfois la pose gratuite. Certaines scènes auraient gagné à être plus silencieuses, plus lentes, pour contrebalancer le tumulte général. 

Brûle le Sang est un film qui porte en lui une énergie indéniable, un désir de raconter la fureur d’une jeunesse coupée entre deux mondes. Mais il trébuche parfois sur son propre trop-plein, sur des choix de casting discutables, et un manque de subtilité dans la direction d’acteurs. Il reste cependant, grâce à Sandor Funtek, Denis Lavant et quelques séquences marquantes, un film à voir pour ce qu’il tente – plus que pour ce qu’il réussit. 

NOTE : 12.10

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Akaki Pophadze
  • Scénario : Akaki Pophadze et Florent Hill
  • Musique : Guillaume Ferran
  • Décors : Thibault Pinto
  • Costumes : Tiphaine Ressort
  • Photographie : Justin Vaudaux
  • Montage : Mathieu Toulemonde
  • Production : Leslie Jacob et Sébastien Aubert
  • Sociétés de production : Adastra Films, Beside Productions et Ellly Films
  • Sociétés de distribution : ARP Sélection (France), Urban Sales (international)[]
  • Budget : 3 millions d'euros[]
  • Pays de production : Drapeau de la France FranceDrapeau de la Belgique BelgiqueDrapeau de la Géorgie Géorgie et Drapeau de l'Autriche Autriche

DISTRIBUTION

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