Vu le film Le Danger Vient de l’Espace de Paolo Heusch, Mario Bava (1958) avec Madeleine Fisher Paul Hubschmid Peter Meersman Ivo Garrani Fiorella Mari Jean Jacques Delbo Annie Berval
Depuis le cap Shark, dans le désert australien, les Nations unies lancent une fusée atomique pour une mission lunaire avec équipage, mais l'un des moteurs tombe en panne. Le pilote américain, John MacLaren, désengage la capsule de sauvetage et retourne sur Terre. Cependant, la fusée atomique continue sa route et finit par exploser dans l'amas d'astéroïdes Delta. Lorsque MacLaren insiste pour rester au Cap Shark afin d'apporter son aide, sa femme Mary, qui a le mal du pays, prend leur fils et repart aux États-Unis sans lui.
Le Danger vient de l’espace (titre original : La Morte viene dallo spazio, 1958) est un OVNI cinématographique tombé tout droit d’une autre galaxie, ou peut-être simplement du cerveau fiévreux d’un producteur italien avide de surfer sur la vague de science-fiction américaine des années 1950. Officiellement réalisé par Paolo Heusch, mais souvent crédité à Mario Bava pour sa patte visuelle indéniable, ce film est un pur produit de son époque et de son pays : un mélange d’improvisation artisanale, de peur nucléaire, de carton-pâte en guise de décors futuristes, et d’une naïveté totalement désarmante — pour ne pas dire désopilante.
Résumée sans fard, semble sortie d’un journal alarmiste de la Guerre froide : un mystérieux astéroïde s’approche de la Terre. La panique monte quand on comprend que ce n’est pas un simple caillou cosmique mais une entité intelligente, magnétique, toxique, bref, maléfique. Les scientifiques italiens, avec leur blouse blanche et leur sérieux de pacotille, tentent de prévenir la catastrophe pendant que les foules courent dans tous les sens, que les militaires s'agitent, et que Rome (ou est-ce Paris ?) devient le théâtre d’un chaos à la Armageddon, version Cinecittà. Les savants sauvent-ils le monde ? Spoiler : bien sûr. Avec trois tubes à essai, une onde radio et quelques prières à la technologie, l’Humanité est tirée d’affaire.
Mais l’intérêt de ce film ne réside pas dans son intrigue. Il est ailleurs, dans ce plaisir un peu honteux — et donc profondément jubilatoire — de revoir un cinéma qui fait semblant d’y croire avec une sincérité désuète. Les maquettes de fusées en plastique suspendues à des fils visibles, les effets lumineux à base de torches et de filtres rouges, les arrière-plans peints à la main, les acteurs au jeu raide comme des planches à repasser, tout cela participe d’un charme particulier, un charme qui rappelle les rêves éveillés d’un gamin des années 60 feuilletant Pif Gadget tout en regardant Les Envahisseurs.
Certes, on pourrait tout envoyer valser et ne retenir que le ridicule : les dialogues pompeux (« L’astéroïde est peut-être une forme de conscience cosmique »), les plans interminables sur des boutons clignotants, ou la bande-son futuriste hurlante. On pourrait se moquer sans fin de ce qu’on appelle aujourd’hui, non sans une tendresse narquoise, un nanar. Mais ce serait passer à côté de l’enthousiasme quasi enfantin de ce cinéma du bricolage, du système D, où Mario Bava, même en technicien de l’ombre, fait naître de véritables visions avec trois bouts de ficelle et un brin de génie visuel. N’oublions pas que ce type de film est l’antichambre de chefs-d’œuvre comme La Planète des Vampires ou Danger : Diabolik, où Bava explose véritablement.
Il y a dans Le Danger vient de l’espace une peur sincère des conséquences de la science, un écho lointain mais réel aux préoccupations post-Hiroshima. Et pourtant, on rit. On rit des savants qui gesticulent devant des oscilloscopes, des foules filmées en accéléré, des stock-shots d’éléphants en panique (oui, des éléphants à Paris !), et de la voix off sentencieuse qui surligne chaque rebondissement comme un père solennel racontant un conte de Noël.
C’est un cinéma d’avant l’ironie, d’avant la dérision automatique. C’est du sérieux pris au sérieux, et c’est précisément ce qui le rend si plaisant à revoir aujourd’hui, comme une cassette VHS oubliée au fond d’un grenier qu’on dépoussière en se disant : mon Dieu, j’ai vraiment regardé ça étant gosse ? — et en le re-regardant avec un sourire, une pointe de nostalgie, et un plaisir coupable pleinement assumé.
Oui, Le Danger vient de l’espace est une série B intergalactique, un manuel pour apprentis complotistes, une farce cosmique qu’on regarde comme un vieux feuilleton du dimanche soir. C’est kitsch, c’est coloré, c’est bruyant, c’est naïf… et c’est précisément pour ça qu’on l’aime. Merci à Bava d’avoir saupoudré ce non-sens d’un peu de sa magie visuelle, et merci au cinéma italien d’avoir osé rêver l’espace avec les moyens du bord. Parfois, il ne faut pas plus qu’un peu de fumée, une lumière rouge, et des acteurs qui y croient pour qu’on se laisse embarquer… jusqu’aux étoiles.
NOTE : 12.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Paolo Heusch, Mario Bava
- Scénario : Marcello Coscia, Sandro Continenza, d'après une histoire de Virgilio Sabel (it)
- Photographie : Mario Bava
- Montage : Otello Colangeli
- Musique : Carlo Rustichelli
- Décors : Beni Montresor
- Producteur : Guido Giambartolomei (it), Samuel Z. Arkoff
- Société de production : Royal Film, Compagnie française cinématographique Lux
- Paul Hubschmid (VF : Roland Ménard) : John McLaren
- Fiorella Mari (VF : Marcelle Lajeunesse) : Mary McLaren
- Madeleine Fischer (VF : Paule Emanuele) : Katy Dandridge
- Ivo Garrani (VF : Jean-Claude Michel) : Prof. Herbert Weisse
- Gérard Landry (VF : Michel Gudin) : Randowsky
- Dario Michaelis (it) (VF : Paul-Émile Deiber) : Peter Leduq
- Peter Meersman (VF : Marcel Lestan) : Général van Dorff
- Jean-Jacques Delbo (VF : lui-même) : Sergueï Boetnikov
- Massimo Zeppieri : Dennis McLaren
- Annie Berval : Assistante
- Giacomo Rossi-Stuart (VF : Jacques Thébault) : Stuart
- Livio Lorenzon (VF : Henry Djanik) : Gen. Krasnov
- Gianni Solaro (VF : Georges Hubert) : le général français

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