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mardi 27 mai 2025

11.40 - MON AVIS SUR LE FIM COEUR DES LILAS DE ANATOLE LITVAK (1932)

 


Vu le film Coeur des Lilas de Anatole Litvak (1932) avec Marcelle Romée André Luguet Jean Gabin Madeleine Guitty Pierre Labry Lydie Villars Frehel Fernandel Marcel Delaitre Georges Paulais Paul Amiot René Maupré 

Novion, un directeur d'usine, est assassiné sur les fortifications. Le gant de « Lilas » Couchoux, une prostituée du coin, est trouvé près du cadavre. La police a un suspect, Jean Darny, mais l'inspecteur André Bardon le croit innocent et va s'infiltrer dans le milieu, en se disant placier en acier, afin de mener l'enquête. Lilas tombe amoureuse de l'inspecteur qui finit par la croire innocente. Apprenant que l'homme qu'elle aime est un policier déguisé à la recherche de l'assassin, Lilas va se livrer elle-même à la police. 

Film rare, Cœur des Lilas est une de ces pépites oubliées de l’entre-deux-guerres qui ressuscite un Paris populaire en clair-obscur, encore nourri de l’expressionnisme allemand et déjà traversé par les accents gouailleurs du réalisme poétique à venir. Nous sommes en 1931. Litvak, encore jeune réalisateur mais déjà affûté, adapte une pièce à succès de Charles-Henry Hirsch avec un sens du décor et de l’atmosphère qui dépasse largement les attendus du théâtre filmé. 

L’histoire, au fond, est assez ténue : une enquête policière, une romance contrariée, une jeune fille soupçonnée de meurtre, un substitut du procureur en mission sous couverture dans un quartier mal famé. Le tout prend place dans ce Paris interlope, celui des faubourgs encore pavés, des cafés-concerts poisseux, des cabarets, des ruelles en pente qui semblent ne jamais finir. C’est cette partie, cette traversée des limbes urbaines, qui donne au film sa vraie dimension visuelle et poétique. 

André Luguet, tout en raideur élégante, joue ce substitut envoyé au cœur de la zone pour séduire puis confondre la mystérieuse Lilas – incarnée par la magnétique Marcelle Romée, qui mourra tragiquement l’année suivante à l’âge de 28 ans. Leur romance, certes mélodramatique, fonctionne comme une parabole sociale : lui, l’homme de loi, s’enfonce dans les marges et en ressort changé, amoureux d’une figure féminine qui incarne autant la perdition que la pureté. 

Mais la grande affaire du film, c’est l’ambiance. On est ici dans un entre-deux esthétique fascinant : encore influencé par les lumières tranchées du cinéma allemand (ces escaliers sans fin, ces ombres portées à la Caligari), Litvak injecte pourtant déjà une veine musicale et triviale typiquement française. Le caf’conc n’est pas une toile de fond, c’est un personnage à part entière. On chante, on picole, on tape du pied, on vit en diagonale, entre la mélancolie et la gueule de bois. Fréhel, bouffie par l’alcool et la douleur, y pousse une chanson d’une intensité brute, tandis qu’un très jeune Fernandel apparaît fugacement, l’œil encore modeste, avant que ne viennent ses années de gloire. 

Et puis il y a Jean Gabin, pas encore le monstre sacré du cinéma français, mais déjà magnétique, dans un rôle de voyou plein de gouaille. Il chante (oui, La môme caoutchouc !), il fanfaronne, il danse presque, et l’on sent déjà poindre cette gravité de la rue qui sera la marque du Gabin des années Quai des brumes ou Pépé le Moko. On ne le sait pas encore, mais ce cinéma-là annonce toute une esthétique du réalisme français à venir. 

Malgré tout, Cœur des Lilas n’est pas sans défaut. Litvak, sans doute trop attaché à la pièce d’origine, laisse parfois son récit s’enliser, notamment dans une scène de mariage bien trop étirée, qui brise l’élan. Le rythme patine, la mise en scène se fige. Le film aurait gagné à être plus resserré, plus nerveux. 

Mais ce que l’on retient, c’est ce portrait pittoresque, vivant, à la fois trivial et poétique, d’un Paris populaire où le crime, la misère et la tendresse se tiennent par la main. Un monde où l’on chante pour oublier, où l’on aime à la va-comme-je-te-pousse, et où le drame côtoie la chanson réaliste dans un même soupir. 

Cœur des Lilas est donc un précieux témoin d’une époque et d’un style. Une archive vivante, à la fois datée et pourtant moderne dans sa façon d’embrasser le réel. Un film qui sent la bière tiède, le maquillage de pacotille et les cœurs cassés – bref, du vrai cinéma populaire. 

NOTE : 11.40

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION


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