Vu le film Joli Jolie de Diastème (2024) avec Clara Luciani José Garcia Victor Belmondo William Lebghil Grégoire Ludig Vincent Dedienne Thomas VDB Jeanne Rosa Jean Jacques Vanier Frédéric Andrau Alban Lenoir
Elias Combes, écrivain en manque d'inspiration et d'argent, rencontre Léonore Alister, actrice en haut de l'affiche, lors de la Saint-Sylvestre. Elle le quitte le lendemain matin, mais ils se retrouveront bientôt sur un plateau de cinéma à Cinecittà
Le film Joli Joli de Diastème se présente comme une comédie musicale française contemporaine, volontairement située dans un entre-deux esthétique : entre l’hommage à Jacques Demy, notamment dans ses inspirations colorées et stylisées, et la filiation revendiquée à Christophe Honoré, avec ses personnages qui chantent leurs émotions dans les rues de Paris. Pourtant, malgré la recette apparente, Joli Joli rate son envol, et ce dès ses premières notes.
L'histoire, à la base, avait de quoi séduire : dans un Paris à peine réaliste, trois amis en quête de sens, de cœur ou de gloire, vivent des histoires d’amour, de désillusion et d’amitié. L’un est serveur, l’autre photographe, le troisième rêve de musique, et tous chantent leur quotidien — sur des chansons composées par Alex Beaupain, habitué des films d’Honoré. On y retrouve aussi Clara Luciani, dans une apparition qui se veut à la fois clin d'œil et caution pop. Mais le charme n'opère jamais. Pourquoi ?
Parce que là où Les Chansons d’amour (2007) de Christophe Honoré faisait vibrer une époque et une jeunesse avec une vraie mélancolie pop, Joli Joli semble suivre une partition écrite sans âme, sans chair. Il ne suffit pas de placer une comédienne à la fenêtre, de faire tomber une pluie artificielle sur le bitume ou d’écrire des dialogues en forme de vers brisés pour créer de la poésie urbaine. Il ne suffit pas de filmer Paris avec filtre rose pour en faire Montmartre vu par Carax ou Demy. Il faut que quelque chose passe à l’écran. Et ici, rien ne passe.
Le vrai problème, ce sont les comédiens : s’ils jouent avec conviction, ils ne dégagent ni le magnétisme, ni l’étrangeté touchante qu’avaient Louis Garrel, Clotilde Hesme, Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier ou Grégoire Leprince-Ringuet dans les films d’Honoré. Aucun regard qui vous reste, aucun sourire qui bouleverse. Tout semble trop propre, trop sage, trop appliqué. La comédie musicale, surtout quand elle se veut réaliste et française, demande une alchimie rare, un sens du fragile, une incarnation à la fois naïve et habitée. Ici, on assiste à un bel exercice de style sans chair.
Les chansons, elles, peinent à faire décoller les émotions. On entend souvent des voix hésitantes, justes dans l’intention mais faux dans l’exécution. Le choix de faire chanter les comédiens en direct, comme chez Honoré, est louable en soi, mais révèle cruellement les limites de chacun. Là où Beaupain savait transcender les maladresses vocales en intensité intime chez Garrel, ici ses mélodies semblent plaquées, parfois hors sujet, parfois carrément gênantes dans leur intégration. L’émotion n’émerge jamais du chant, elle s’y noie.
La mise en scène n’est pas honteuse — elle est même par moments élégante, avec quelques trouvailles plastiques, quelques jeux de reflets ou d’éclairages inspirés. Mais elle ne suffit pas à faire oublier l’absence de fond. Le film veut raconter quelque chose de l’errance sentimentale contemporaine, mais il ne propose ni point de vue fort, ni moment de bascule, ni personnage auquel se raccrocher. On regarde ces jeunes adultes chanter leur mélancolie sans jamais être affecté. Et cela, pour une comédie musicale, est fatal.
Joli Joli donne l’impression d’un collage de références, d’un film d’admirateur qui aurait confondu forme et fond, hommage et imitation. Diastème a du goût, mais le goût ne suffit pas. Il faut une âme, une voix, une vibration intime. En tentant de marcher sur les traces de Demy et Honoré, il oublie de tracer son propre chemin. Le film reste en surface, jamais incarné, jamais nécessaire.
Une comédie musicale qui se veut légère et touchante mais dont la mécanique est visible, les voix bancales, les comédiens sans éclat. Un hommage avorté, une belle idée mal servie. On peut aimer Christophe Honoré, Alex Beaupain, Paris et Clara Luciani — mais cela ne fait pas un film. Joli Joli, hélas, ne l’est pas.
On notera la présence de la muse de Diastème, Frédéric Andrau , dans beaucoup de ses projets
NOTE : 7.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Diastème
- Scénario : Diastème et Alex Beaupain
- Musique : Alex Beaupain et Valentine Duteil
- Décors : Chloé Cambournac
- Costumes : Alexandra Charles
- Photographie : Philippe Guilbert
- Son : Armance Durix, Thomas Lefèvre, Agnès Ravez et Thierry Delor
- Montage : Chantal Hymans
- Production : Mathieu Ageron, Maxime Delauney et Romain Brosseau
- Coproduction : Alexis Loizon, Bruno Amic et Patrick Raoux
- Sociétés de production : Ice Films, Nolita Cinema, Hors Champs, Les Canards Sauvages, Ugo&Play et Marcel Films
- Sociétés de distribution : Haut et Court et Ginger & Fed
- Clara Luciani : Léonore Alister, l'actrice montante
- José Garcia : Klaus, le producteur
- William Lebghil : Elias Combes, l'écrivain fauché
- Laura Felpin : Myrette, femme de ménage de Elias, puis assistante de Léonore
- Grégoire Ludig : Gabriel Faure, le metteur en scène
- Vincent Dedienne : Sacha Loyaco, l'acteur
- Victor Belmondo : Blaise, l'ingénieur du son
- Thomas VDB : l'huissier
- Alban Lenoir : le journaliste de TF1
- Jeanne Rosa : Alice, l’infirmière
- Anne Serra : Anna
- Carolina Jurczak : Caroline
- Alexis Moncorgé : L'assistant-réalisateur
- Jean-Jacques Vanier : l'exploitant de salle de cinéma
- Grégori Baquet : éboueur
- Christophe Héraut : éboueur
- Frédéric Andrau : Le caméraman

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