Vu le film Foutain of Youth de Guy Ritchie (Films 2025)(sur Apple+) avec Natalie Portman Eiza Gonzalez John Krasinski Domhnall Gleeson Stanley Tucci Carmen Ejogo Arian Moyaed Laz Alonzo
Un chasseur de trésors chevronné rassemble une équipe pour une aventure qui bouleversera sa vie. Afin de déjouer les pièges qui se dresseront sur sa route et pour trouver la mythologique fontaine de jouvence qui confère l'immortalité à ceux qui y boivent, il aura besoin de sa sœur.
On aurait tant aimé retrouver l’énergie frondeuse du Guy Ritchie d’Arnaques, Crimes et Botanique, de Snatch, voire même de Sherlock Holmes, période où le cinéaste, alors adulé pour son style graphique nerveux et ses dialogues percutants, réinventait le film de gangster britannique en patchwork ludique. Mais avec Fountain of Youth, nouveau-né de son pacte avec la plateforme Apple TV+, il faut se rendre à l’évidence : ce Ritchie-là a rangé les gants. On n'est plus dans le ring, mais sur un tapis moelleux aux couleurs pastels, au cœur d'une chasse au trésor aseptisée et formatée.
Le pitch pourtant, sur le papier, avait de quoi séduire : deux anciens camarades d’unité spéciale, incarnés par John Krasinski (plutôt fade) et Natalie Portman (étonnamment peu investie), se retrouvent embarqués dans une course contre la montre pour retrouver une légendaire source de jouvence, poursuivis par des ennemis mercenaires et un mystérieux inspecteur Abbas, censé représenter la loi… ou du moins ce qu’il en reste. L’action nous transporte de la jungle amazonienne à un temple englouti sous les sables africains, en passant par des bases secrètes dignes d’un Mission: Impossible du pauvre. Mais à l’image de ses personnages qui manquent de chair, le film reste désespérément creux.
La vraie question devient vite : mais où est passé le Guy Ritchie de nos jeunes années ? Celui qui osait des scénarios tordus, des montages syncopés et des envolées visuelles iconoclastes ? Ici, à peine reconnaît-on sa patte dans quelques transitions comiques, souvent forcées, et dans deux ou trois effets de caméra qui surnagent, comme pour rappeler qu’il fut un temps où il dictait la cadence. Le reste ? Une platitude visuelle, un découpage paresseux, un récit qui avance par automatismes, sans fièvre, sans nerf.
Le personnage de l’inspecteur Abbas, censé dynamiter les lignes avec sa verve et son flair à la Colombo sauce orientale, devient au contraire l'un des éléments les plus irritants du film. Présenté comme un génie de la déduction, il surgit à chaque étape du périple comme par magie, sans qu’aucune logique scénaristique ne vienne étayer ses apparitions. Il semble doté d’un GPS divin, et agit souvent avec un mépris absolu pour la procédure ou la légalité, flirtant parfois avec le ridicule. Dans un film plus loufoque ou plus assumé, cela aurait pu passer pour un trait d’humour noir, mais ici, tout semble simplement mal écrit.
Les dialogues, eux, sont expédiés, banals, sans le mordant qui faisait autrefois le sel du cinéaste. Même les confrontations verbales, autrefois croustillantes chez Ritchie, tombent à plat. À aucun moment on ne ressent l’adrénaline d’une bonne joute verbale, ni la tension d’un affrontement bien construit. C’est comme si tout avait été conçu pour ne heurter personne, pour cocher des cases dans un cahier des charges pré-établi par les services de contenu d’Apple. Le film avance comme une brochure touristique, chaque lieu visité semblant vidé de substance, réduit à un décor de carte postale sans mystère.
Là où Snatch nous éblouissait par son montage kaléidoscopique, où Rock’n Rolla dynamitait les conventions par une narration éclatée, ici Fountain of Youth déroule une trame plate, linéaire, sans risque. On sent l’envie de créer un divertissement familial, un peu dans l’esprit des anciens Indiana Jones ou Benjamin Gates, mais sans l’âme, sans la fougue, sans même une bande-son digne de ce nom pour soutenir l’action. Même les scènes dites “climatiques” (l’effondrement du temple, la révélation de la source) tombent comme des pétards mouillés, sans intensité dramatique ni vrai enjeu émotionnel.
Au final, le film ressemble davantage à un pilote de série trop longue qu’à un long-métrage de cinéma. La patte de Ritchie semble ici bridée, comme si le contrat passé avec Apple l’avait privé de tout élan personnel. On comprend que les plateformes offrent des budgets confortables, mais si c’est pour accoucher d’un produit aussi tiède, aussi dépersonnalisé, le prix à payer est lourd : celui de la disparition d’un style.
Il reste peut-être à Ritchie quelques éclairs — une ou deux scènes d’action sont correctement menées, quelques traits d’humour surnagent — mais cela ne suffit pas à raviver la flamme. Fountain of Youth n’est ni honteux ni totalement raté, c’est bien pire : c’est fade. Et d’un cinéaste comme Guy Ritchie, qu’on aimait pour ses excès, ses outrances et ses coups de poker stylistiques, c’est presque une trahison.
Ce film donne l’étrange impression d’un réalisateur qui, au lieu de boire à la source de jouvence, s’est endormi à son bord.
NOTE : 8.70
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Guy Ritchie
- Scénario : James Vanderbilt
- Musique : Christopher Benstead
- Décors : Martyn John
- Costumes : Loulou Bontemps
- Photographie : Ed Wild
- Montage : James Herbert
- Production : Ivan Atkinson, Ritchie Atkinson, David Ellison, Dana Goldberg, Don Granger, Jake Myers, Guy Ritchie, William Sherak et Tripp Vinson
- Producteurs délégués : Matt Bettinelli-Olpin, Tyler Gillett, Paul Neinstein, James Vanderbilt et Chad Villella
- Coproducteurs : Siobhan Boyes et Max Keene
- Sociétés de production : Apple Studios, Skydance Media, Vinson Films, Toff Guy Films, Project X Entertainment et Radio Silence Productions (en)
- Société de distribution : Apple TV+
- John Krasinski (VF : Stéphane Pouplard) : Luke Purdue
- Natalie Portman (VF : Sylvie Jacob) : Charlotte Purdue
- Eiza González (VF : Claire Morin) : Esme
- Domhnall Gleeson (VF : Jean-Pierre Michaël) : Owen Carver
- Arian Moayed (VF : Nessym Guetat) : l'inspecteur Jamal Abbas
- Laz Alonso (VF : Jean-Baptiste Anoumon) : Patrick Murphy
- Carmen Ejogo (VF : Annie Milon) : Deb McCall
- Stanley Tucci (VF : Bernard Alane) : l'Ancien
- Benjamin Chivers : Thomas
- Michael Epp : Praeger
- Steve Tran (VF : lui-même) : Kasem
- Daniel de Bourg : Harold Cross
- Perdita Weeks (VF : Verena Walden) : l'avocate de Harold

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire