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lundi 5 mai 2025

14.30 - MON AVIS SUR LE FILM UN OURS DANS LE JURA DE FRANCK DUBOSC (2025)

 


Vu le film Un Ours dans le Jura de Franck Dubosc (2025) avec Franck Dubosc Laure Calamy Benoit Poelvoorde Emmanuelle Devos Joséphine de Meaux Mehdi Meskar Kim Higelin Timéo Mahaut Anne le Ny Louka Meliava Boris Sirven 

Michel et Cathy, vendeurs de sapins, vivent dans un petit village du Jura avec leur fils de 12 ans, Doudou. Criblés de dettes et d'autres difficultés financières, le couple se déchire petit à petit. Jusqu'au jour où, pendant qu'il rentrait chez lui, Michel évite de justesse un ours sur la route et heurte une voiture tuant sur le coup les deux passagers. Prévenant sa femme, ils décident de se débarrasser des corps mais ils trouvent dans leur coffre un sac rempli d'argent comprenant plus de 2 millions d'euros. S'ensuivent plusieurs dilemmes moraux et péripéties en tout genre. 

C’est devenu un poncif de dire que les comiques peuvent faire de grands auteurs dramatiques. Pourtant, lorsque Franck Dubosc signe Un Ours dans le Jura, on comprend qu’il ne s’agit pas d’un simple coup de poker artistique, mais d’une évolution logique dans une carrière souvent sous-estimée. Après le très réussi Tout le monde debout (2018), comédie romantique subtile et touchante, Dubosc revient derrière la caméra pour nous livrer cette fois un thriller hivernal audacieux, glacial et… étonnamment drôle. 

L’histoire s’ouvre sur une scène choc : une voiture roulant à vive allure dans une forêt jurassienne enneigée heurte un ours. La bête surgit, titanesque, brumeuse, presque mythique. À son bord, Michel (Dubosc), modeste vendeur de sapins, symbole de l’arbre qui cache la forêt — ou les secrets, en l’occurrence. Cette collision sert de déclencheur à une spirale infernale de soupçons, de mensonges, et de trahisons dans un village aussi charmant que rongé par les non-dits. L’ours, à la fois réel et métaphorique, devient l’emblème d’une violence sourde qui sommeille chez chacun. 

Dans ce thriller noir à la française, teinté d’absurde et de surréalisme, Dubosc fait preuve d’un sens du rythme et d’un art du dialogue qu’on ne lui connaissait pas à ce niveau. Il ose, il taille dans le vif. Sa mise en scène est sobre, sans afféterie, presque sèche comme le froid mordant qui irrigue chaque plan. Mais cette simplicité n'est qu’apparente : derrière les cadres fixes et les paysages figés se cache une tension latente, une ambiance poisseuse sous la neige. 

Le village jurassien devient un théâtre de folie contenue, peuplé de personnages hauts en couleur, tous un peu fêlés, un peu suspects — et c’est là que le film prend une saveur unique. On pense bien sûr à Fargo des frères Coen, à Twin Peaks ou même à Vingt Dieux !   pour ces figures rurales à la fois pittoresques et inquiétantes. Chacun cache quelque chose. Et Dubosc s’amuse avec cette galerie : la boulangère au regard perçant, le vétérinaire mutique, le curé pyromane, et bien sûr l’inspecteur Poelvoorde, hilarant et glaçant à la fois, parfait dans un rôle d’enquêteur plus perdu qu’il ne veut le faire croire. Laure Calamy, en épouse charismatique et vénéneuse, apporte une touche de sensualité trouble. Et le jeune Timéo Mahaut, bluffant, apporte l’émotion brute et la fragilité que ce monde adulte corrompu ne protège plus. 

Mais là où le film séduit vraiment, c’est dans l’écriture. Dubosc cisèle des dialogues percutants, souvent drôles sans jamais nuire à la tension. On rit, parfois à gorge déployée, tout en se demandant qui, parmi tous ces doux dingues, est capable du pire. Il parvient à allier ironie mordante et émotion sincère, ce qui donne au film un ton unique. Ni tout à fait comédie, ni entièrement polar, mais un équilibre rare, subtil et profondément personnel. 

L’ours, au fil du récit, devient une figure totémique : menace venue des bois, allégorie de la culpabilité, du refoulé ou du sauvage qui sommeille en chacun. La dernière scène, à ce titre, est une trouvaille narrative qui marquera les esprits — aussi belle que terrifiante. Dubosc ose des symboles, mais toujours au service de l’histoire. Ce n’est jamais gratuit. 

Un Ours dans le Jura est une réussite totale : un polar rural à la française, atypique, brillamment écrit, servi par des comédiens inspirés et une mise en scène aussi sobre que précise. Il confirme que Franck Dubosc, loin de n’être que l’amuseur des années Camping, est un auteur-réalisateur avec une vraie vision, une finesse d’observation et un goût sûr pour les récits décalés. Ce thriller neigeux, tragi-comique et profondément humain, est assurément l’un des meilleurs films français de genre de ces dernières années. 

NOTE : 14.80

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Franck Dubosc
  • Scénario : Franck Dubosc et Sarah Kaminsky
  • Musique : Sylvain Goldberg
  • Décors : Sébastian Birchler
  • Costumes : Isabelle Mathieu
  • Photographie : Ludovic Colbeau-Justin et Dominique Fausset
  • Son : Antoine Deflandre, Alexandre Fleurant et Fabien Devillers
  • Montage : Audrey Simonaud
  • Société de production : Gaumont
  • Sociétés de distribution : Gaumont (France), Athena Films (Belgique), JMH Distributions (Suisse), TVA Films (Québec)
  • Budget : 12,1 millions d'euros

DISTRIBUTION

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