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vendredi 16 mai 2025

13.10 - MON AVIS SIR LE FILM EAT THE NIGHT DE CAROLINE POGGI ET JONATHAN VINEL (2024)

 


Vu le Eat the Night de Caroline PoggiJonathan Vinel (2024) avec Théo Cholbi Erwan Kepoa Falé Lila Guenau Mathieu Perotto 

Pablo et sa petite sœur Apolline (qu'il appelle Apo) jouent depuis leur enfance à un MMORPG qui s'appelle Darknoon et oublient leur quotidien grâce à ce jeu. Cependant, Pablo, qui est devenu dealer, fait la rencontre de Night qu'il initie à ses petits trafics. Pablo s'éloigne de plus en plus de sa sœur, encore adolescente. Alors que le jeu annonce sa fermeture définitive, les deux garçons provoquent la colère d'une bande rivale. 

Eat the Night, premier long métrage en duo de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, est une œuvre rare, inattendue, qui réussit à capter quelque chose de profondément contemporain tout en restant profondément sensible. Le film suit deux jeunes hommes, Pablo et Night déshumanisée, ils errent entre parkings, centres commerciaux, appartements sans chaleur et écrans de jeux vidéo. Ils rêvent d’un ailleurs, d’un amour fort, pur, et d’une échappée possible dans un monde qui semble ne rien vouloir leur offrir. 

Le scénario est simple : deux garçons, une romance, une quête d’émancipation, un besoin d’exister. Mais cette simplicité n’est qu’apparente. Poggi et Vinel, déjà remarqués dans le court-métrage (Tant qu’il nous reste des fusils à pompe, Notre héritage), livrent ici un film dont chaque plan respire une urgence, une mélancolie et une rage sourde. Pablo, incarné par Théo Cholbi (déjà remarquable dans Continuer de Joachim Lafosse), et Night, joué par le très prometteur Erwan Kepoa Fallé, forment un duo à la fois tendre, électrique et imprévisible. Leur amour, jamais surjoué ni plaqué, s’impose avec une évidence désarmante. 

La grande force du film réside dans son atmosphère : un mélange unique d’onirisme numérique et de réalisme brut. Les réalisateurs intègrent à leur narration des séquences issues de jeux vidéo, non comme un simple gadget formel, mais comme un miroir de l’intériorité de leurs personnages. Ces mondes virtuels viennent dire ce que les garçons n’expriment pas toujours : leurs désirs d’héroïsme, de violence, d’évasion. Le montage alterne avec fluidité entre l’hyperréalisme des zones périurbaines et l’imaginaire vidéoludique, sans jamais perdre le spectateur. 

On pense à Larry Clark, à Gus Van Sant, mais sans la pose : ici, tout est incarné. La caméra, souvent proche des corps, capte les silences, les tensions, les élans. La bande-son électronique, pulsatile, hypnotique, accompagne cette errance entre nuit, béton et néons, et donne au film une respiration presque musicale. C’est une odyssée intime à hauteur de regard, celle de deux garçons qui refusent les cadres imposés et tentent d’inventer leur propre manière de vivre et d’aimer. 

Si le film tient autant, c’est grâce à ses deux comédiens. Théo Cholbi confirme tout le bien qu’on pensait de lui : présence brute, regard habité, justesse sans effets. Et Erwan Kepoa Fallé, qu’on découvre ici, est une révélation : à la fois fragile et intense, mutique et incandescent. Leur complicité crève l’écran. On y croit, tout simplement. Et c’est sans doute la plus belle chose qu’on puisse dire d’un film d’amour. 

Eat the Night est une pépite indé, oui, mais pas un film confidentiel. Il parle à tout le monde, même à ceux qui ne touchent jamais une manette. Car au fond, il parle d’un besoin universel : celui de fuir l’assignation, de rêver plus grand, et surtout, d’aimer librement. La dernière scène, à la fois sublime et suspendue, laisse le spectateur dans un état d’émotion rare. On en ressort remuer, un peu sonné, et avec le sentiment d’avoir vu naître deux cinéastes au regard singulier. 

Une très belle surprise, viscérale, habitée, et à ne pas rater. 

NOTE : 13.10

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