Vu le film La Lumière d’en Face de Georges Lacombe (1956) avec Brigitte Bardot Raymond Pellegrin Roger Pigaut Claude Romain Jean Debucourt Antonin Berval Guy Pierault Christine Gouze-Rénal Daniel Ceccaldi
Georges Marceau est conducteur de poids lourds. Il doit épouser la sensuelle Olivia. Un grave accident le contraint à une vie chaste. En dépit des circonstances et fidèle à sa promesse, Olivia l'épouse. Le couple ouvre un restaurant de routiers. L'infirmité de Georges, la beauté troublante d'Olivia, et la proximité d'autres hommes dont le pompiste Piétri, provoqueront le drame. Psychologiquement fragile, devenant fou de jalousie, Georges blessera Piétri, chez qui Olivia s'était réfugiée, puis se fera renverser par un camion qu'il cherchera à stopper en pensant que c’était celui qui fut le sien. Blessé il s'en sortira et le couple en survivra.
À première vue, La Lumière d’en face s’inscrit dans la tradition du mélodrame rural et sensuel à la française, une veine typique des années 50 qui préfère au tumulte des villes les passions souterraines des campagnes écrasées de soleil. Mais au fil des plans, c’est bien plus qu’un simple triangle amoureux qui se dessine : c’est la cartographie d’un amour abîmé par les silences, les frustrations et l’épreuve du réel.
Dans un petit coin du sud de la France, perdu sur une nationale où passent des camions pleins de poussière et de solitude, Georges Marceau (Raymond Pellegrin) et Olivia (Brigitte Bardot) tiennent un relais routier. Elle, libre et lumineuse, il l’a arrachée à une vie de misère, espérant lui offrir mieux. Lui, taciturne et marqué par un accident qui l’a laissé partiellement impotent, semble croire qu’ouvrir un restaurant et vivre calmement suffiront à étancher les soifs d’amour. Mais Olivia, belle comme une vendange et jeune comme un matin, a besoin de plus : de désir, d’étreintes, d’ivresses. En face du relais, comme un miroir cruel tendu par le destin, il y a la station-service où travaille Piétri (Roger Pigaut), un jeune pompiste à la beauté sèche, à l’animalité tranquille.
Là où Marceau est entravé dans son corps, Piétri est à l’aise dans le sien. Et Olivia, qui ne veut pas trahir mais finit par céder à ce que sa jeunesse réclame, glisse peu à peu dans une relation secrète. Le film n'accuse personne : il observe. Il laisse les non-dits prendre la place des dialogues, et les regards en disent souvent plus que les mots. Quand Marceau comprend, sa douleur est immense. Non pas par orgueil, mais parce qu’il sent que quelque chose lui échappe irrémédiablement, qu’un lien est en train de se rompre. La scène où il frappe Piétri n’est pas un éclat de violence gratuite : c’est l’échec d’un homme bon, brisé par une souffrance trop longtemps tue.
Ce que Lacombe capte avec finesse, c’est que l’amour ne suffit pas toujours, surtout quand il se heurte aux corps empêchés, au besoin de vivre pleinement. Et pourtant, dans un élan poignant, le couple tente une réconciliation après un nouvel accident. Un retour à l’intimité, à la tendresse fragile, comme un sursis accordé à deux êtres que la vie n’a pas gâtés. Jusqu’à quand cela durera ? Le film ne tranche pas. Il laisse ses personnages suspendus à ce moment rare où tout peut basculer — dans le bon sens ou vers l’échec.
Le trio d’acteurs est remarquable. Raymond Pellegrin, tout en intériorité, donne à Marceau une humanité douloureuse ; Roger Pigaut, à l’opposé, incarne la tentation simple, directe, sans artifice. Et Brigitte Bardot, encore au seuil de sa carrière internationale, est bouleversante. Moins icône que présence physique, elle est cette femme prise entre deux hommes, entre deux formes d’amour, entre la promesse d’un avenir paisible et l’appel du désir.
La mise en scène est sobre mais expressive, jouant habilement des contrastes de lumière (la clarté écrasante du midi contre l’ombre des chambres closes), et des espaces (la route, passage permanent, face aux lieux d’ancrage que sont le relais et la station).
La Lumière d’en face est donc plus qu’un drame sentimental : c’est une chronique d’un amour menacé, un regard lucide sur la fragilité des liens quand les corps ne suivent plus le cœur. Un film qui a le goût doux-amer de la vie vraie, celle où les silences pèsent plus lourd que les cris, et où l’amour, même sincère, peut s’éroder sans qu’on sache comment le retenir.
NOTE : 12.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Georges Lacombe
- Ass. réal. : Serge Vallin, Pierre Blondy
- Scénario : Jacques Gauthier
- Adaptation et dialogues : Louis Chavance, René Masson, Jacques Gauthier
- Dialogues : Jacques Gauthier, René Lefèvre
- Producteur : Jacques Gauthier
- Décors : Alexandre Trauner
- Ass. déc. : J. Forestier
- Directeur de la photographie : Louis Page
- Opérateur : André Dumaître
- Musique : Norbert Glanzberg
- Montage : Raymond Leboursier
- Son : Antoine Archimbaud
- Maquillage : Hagop Arakelian
- Photographe de plateau : Serge Beauvarlet
- Script-girl : Jeanne Witta
- Régisseur : Jean Pieuchot
- Administrateur : Christine Gouze-Rénal
- Production : Entreprise Générale Cinématographique (Jacques Gauthier), Les Films Fernand Rivers, Général Productions
- Directeur de production : Fred Surin
- Distribution : Les Films Fernand Rivers
- Raymond Pellegrin : Georges Marceau, conducteur de poids lourds
- Roger Pigaut : Piétri, le pompiste
- Brigitte Bardot : Olivia Marceau, la femme de Georges
- Claude Romain : Barbette
- Jean Debucourt : le professeur Nieumer
- Antonin Berval : Albert
- Guy Piérauld : Antoine
- Lucien Hubert : Gaspard
- Daniel Ceccaldi : l'amoureux en panne
- Christine Gouze-Rénal : l'inconnue en voiture
- Joe Davray : un consommateur
- Jacques Gauthier : le docteur
- Hennery :
- Jean-François Martial :

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