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dimanche 25 mai 2025

17.20 - MON AVIS SUR LE FILM BEAUTIFUL THINGS DE HETTIE MCDONALD (1996)

 


Vu le film Beautiful Things de Hettie MacDonald (1996) avec Glenn Berry Scott Neal Linda Henry Ben Daniels Tameka Empson Gary Cooper Daniel Bowers 

 

Un été long et chaud dans le sud de Londres. Jamie est rejeté par ses camarades de classe, Ste se fait battre par son père, et Leah s’évade dans l’univers musical des Mamas and Papas. Sandra, la mère de Jamie, généreuse et enjouée, se démène, aussi bien sur le plan professionnel qu’affectif, tout en essayant d’être au plus près de son fils. Pour échapper à la violence des siens, Ste trouve de plus en plus souvent refuge chez Sandra où il partage la chambre de Jamie. De cette promiscuité naît une amitié, puis une ambiguïté. Une aventure nouvelle débute alors pour Jamie et Ste… 

 

Beautiful Thing (1996) de Hettie MacDonald est l’un de ces films discrets mais profondément marquants qui continuent à vivre dans le cœur de ceux qui l’ont vu. Adapté de la pièce de théâtre éponyme de Jonathan Harvey, le film s’inscrit dans cette veine du coming of âge queer des années 90, au même titre que My Own Private Idaho, Les Roseaux sauvages ou Edge of Seventeen, mais avec une tonalité résolument optimiste et tendre, sans jamais tomber dans le misérabilisme. 

L’histoire est simple, et c’est cette simplicité qui fait sa force. Jamie (Glenn Berry), adolescent doux et réservé, vit avec sa mère Sandra (Linda Henry), une femme brutale mais pas dénuée d’amour, dans une cité de la banlieue sud de Londres. Il partage une complicité silencieuse avec Ste (Scott Neal), son voisin de palier, sportif, victime de violences paternelles, plus effacé mais d’une sensibilité à fleur de peau. Peu à peu, dans les silences, les regards, les frôlements, une histoire d’amour naît entre les deux garçons, avec une délicatesse rare à l’écran. Tout est suggéré, tout est pudique, et pourtant tout est ressenti. 

Ce qui distingue Beautiful Thing, c’est son absence totale de cynisme. Le film n’est pas là pour faire la leçon, ni pour pointer du doigt, mais pour offrir un regard lumineux, bienveillant, sur ce que signifie aimer quand on est jeune, vulnérable et que l’on se découvre différent. L’amour entre Jamie et Ste se déploie dans les marges — les baisers furtifs, les mains qui s’effleurent, les silences chargés — et dans un décor urbain rugueux, qui pourtant ne parvient jamais à étouffer cette bulle d’intimité qu’ils construisent ensemble. 

La musique des Mamas and the Papas, omniprésente, agit comme une respiration, une bouffée de liberté dans un monde oppressant. Elle rythme les scènes avec une légèreté presque irréelle, apportant une touche de comédie douce-amère, un contrepoint lumineux à la grisaille londonienne. La dernière scène, sur "Dream a Little Dream of Me", où les deux garçons dansent dans la rue, les doigts entrelacés sous le regard de Sandra, est un moment de cinéma inoubliable, un des plus beaux gestes d’acceptation qu’on ait pu voir. C’est une fin ouverte, mais qui dit déjà tout. 

La mise en scène de Hettie MacDonald, modeste, presque télévisuelle, ne cherche jamais l’esbroufe. Elle capte l’essentiel : les visages, les silences, les respirations. Ce qui aurait pu être un défaut — une réalisation discrète, un montage un peu daté — devient ici une force : cela laisse toute la place aux personnages, à leurs émotions, à leur lente émergence. 

Les interprètes sont tous bouleversants de sincérité. Glenn Berry et Scott Neal ne sont pas des acteurs flamboyants, mais ils jouent avec une vérité rare, sans fard. Ils n’essaient pas de "jouer gay", ils sont ces adolescents qui tâtonnent, qui doutent, qui s’apprivoisent. Linda Henry, en mère brutale mais touchante, livre une performance pleine de contradictions, sans jamais tomber dans la caricature. Son personnage, tout en tension, finit par révéler une tendresse inespérée. 

Le film propose aussi une galerie de personnages secondaires hauts en couleur, notamment Leah, la voisine excentrique qui vénère Mama Cass, ou encore les clients d’un cabaret gay, où Jamie et Ste découvrent un monde où ils peuvent enfin respirer. Ces scènes sont pleines de fantaisie, presque irréelles, mais elles participent de cette volonté du film de peindre une communauté, des solidarités inattendues, des refuges possibles. 

Ce qui rend Beautiful Thing si précieux, c’est qu’il a permis à beaucoup d’adolescents de l’époque — et sans doute encore aujourd’hui — de se reconnaître, de se sentir moins seuls. Ce film est, pour les jeunes Anglais, ce que Les Roseaux sauvages fut pour les Français : un espace de représentation, de réconfort, un miroir tendre dans lequel on peut se voir sans honte. Il ne cherche pas à faire œuvre politique, et pourtant il l’est profondément, par son humanisme, par la douceur qu’il accorde à ceux qu’on voit rarement heureux à l’écran. 

Il faut insister aussi sur la foi immense qu’a ce film dans les êtres humains. Tout pourrait mal finir, mais non. L’amour l’emporte. Pas de drame inutile, pas de trahison, pas de rejet final. Le film croit en ses personnages, il croit en leur capacité à s’aimer, à évoluer, à comprendre. C’est une œuvre de résistance par la tendresse. Et cela, en soi, est déjà une révolution. 

Beautiful Thing est un petit bijou, sans éclat tapageur, mais dont la lumière douce continue d’éclairer ceux qui le croisent. Un film qui reste dans le cœur, longtemps, comme un premier amour qu’on n’oublie jamais. 

NOTE : 17.20

FICHE TECHNIQUE


  • Réalisation : Hettie Macdonald (en)
  • Scénario : Jonathan Harvey, d'après sa pièce éponyme (1993)
  • Musique : John Altman
  • Direction artistique : Chrysoula Sofitsi
  • Décors : Mark Stevenson
  • Costumes : Pam Tait
  • Photographie : Chris Seager
  • Montage : Don Fairservice
  • Production : Tony Garnett et Bill Shapter
  • Sociétés de production : Channel Four Films et World Productions
  • Sociétés de distribution : FilmFour Distributors (Royaume-Uni), Diaphana Distribution[] (France, 1996), Splendor

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