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mardi 6 mai 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM GIRL DE LUKAS DHONT (2018)


 Vu le film Girl de Lukas Dhont (2018) Avec Victor Polster Angelo Thijssens Arieh Worthalter Olivier Bodart Tjimen Govaerts Sophie Huygens 

Lara, 15 ans, rêve de devenir danseuse étoile. Avec le soutien de son père, elle se lance à corps perdu dans cette quête d'absolu. Mais ce corps ne se plie pas si facilement à la discipline que lui impose Lara, car celle-ci est née garçon. 

 

Le film Girl s’inscrit dans une lignée de récits cinématographiques centrés sur la question du genre et de l’identité, évoquant immanquablement Tomboy de Céline Sciamma, La Naissance des pieuvres, ou encore Laurence Anyways de Xavier Dolan. Pourtant, Lukas Dhont s’éloigne de ces références pour proposer une approche singulière, plus sobre, plus intériorisée, presque clinique, mais profondément respectueuse. Le sujet est traité sans voyeurisme, avec pudeur et empathie, et une attention rare portée au cadre familial – aimant, présent, compréhensif – ce qui constitue déjà une prise de position originale dans un cinéma souvent porté sur le conflit. 

Girl suit le parcours de Lara, interprétée par Victor Polster, un adolescent de 15 ans assigné garçon à la naissance mais qui s’identifie comme une fille. Lara ambitionne de devenir danseuse étoile. Elle s’impose un entraînement rigoureux, souvent brutal, dans un corps qu’elle rejette, sous le regard tantôt compatissant, tantôt suspicieux, de ses camarades. Cette obsession de la danse devient une métaphore puissante de sa propre quête d’identité : souffrir pour atteindre une forme de vérité, d’harmonie, de reconnaissance. 

Le film ne se focalise pas uniquement sur la transition de genre, mais s’étend à d'autres problématiques adolescentes : la quête de perfection, la douleur du regard des autres, les troubles du corps et du désir. Lara évolue dans une famille atypique mais aimante. Il n’y a pas de mère – absente sans explication – et c’est son père (interprété avec finesse par Arieh Worthalter) qui endosse, avec une douceur bouleversante, les deux rôles. Il devient tour à tour soutien, confidente, guide et rempart contre les violences sociales. Cette relation père-fille est d’une beauté rare au cinéma, à l’opposé des figures conflictuelles chères à Dolan. Ici, l’amour circule en silence, dans les regards, dans les gestes, dans l’écoute constante. 

Lara affronte ses propres limites, son image, sa solitude, et les micro-agressions du quotidien : les remarques blessantes, les humiliations sourdes, mais aussi les premiers émois, comme ce baiser furtif d’un camarade, qui vient troubler une ligne intérieure déjà fragile. Dhont filme tout cela avec une caméra attentive mais jamais intrusive, et une mise en scène épurée qui laisse place aux silences et aux non-dits. L’émotion surgit de cette retenue. 

Mais Girl, c’est aussi une révélation : celle de Victor Polster. À seulement 16 ans, ce jeune acteur belge livre une prestation d’une justesse saisissante. Danseur de formation, il incarne Lara avec une intensité troublante, sans jamais verser dans l’imitation. Son jeu mêle fragilité et détermination, pudeur et douleur. Le choix de ne pas confier le rôle à une jeune personne trans a fait débat, mais ici, ce choix se justifie : le film raconte un moment précis, avant la transition, et Polster, tout en respect, parvient à incarner cette ambivalence avec une sensibilité rare. 

Girl est un film nécessaire. Fort sans être démonstratif, pudique sans être froid, douloureux sans jamais tomber dans le pathos. C’est aussi un grand film sur l’adolescence, sur le corps comme prison et comme rêve, et sur ce que signifie devenir soi, malgré tout. À montrer aux adolescents, mais aussi aux parents, aux éducateurs, à tous ceux qui veulent croire encore que le cinéma peut être un geste de tolérance. 

NOTE : 14.10

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