Vu le film Ponce Pilate de Gian Paolo Callegari, Irving Rapper (1962) avec Jean Marais Jeanne Crain Basil Rathbone Leticia Roman Massimo Serato Gianni Garko John Drew Barrymore (Judas et Jésus) Livio Lorenzon Charles Borromel
À Rome, en l’an 36 de l’ère chrétienne, sous le règne de Caligula, l’ancien haut fonctionnaire de l’Empire romain, Ponce Pilate (Jean Marais), tombé en disgrâce, est accusé durant son procès en présence de son César, de n’avoir pas su maintenir l’ordre dans la province de Judée en Palestine . À cette occasion, Pilate se remémore un autre procès plus dramatique auquel il participa : celui de Jésus de Nazareth.
Dans les années 60, l’âge d’or du péplum italien battait encore son plein, et Ponce Pilate (1962) s’inscrit dans cette tradition de fresques bibliques spectaculaires, tentant d’allier prestige international et production transalpine. Le résultat, hélas, confine à l’accident industriel aussi bien qu’au naufrage artistique, en dépit d’une distribution qui, sur le papier, pouvait faire rêver.
Jean Marais, monument du cinéma français, hérite du rôle-titre, mais semble étrangement étranger à l’univers qu’il traverse. Drapé dans une toge plus embarrassante que noble, il déambule raide, les bras ballants, la voix posée mais absente, comme s’il était tombé dans un film qui n’est pas le sien. Pilate, ce personnage ambivalent, qui aurait pu être le centre d’un drame moral sur le pouvoir, le doute et la responsabilité, est ici réduit à un observateur passif, voire décoratif. Il est le seul à porter le poids du titre sans jamais en assumer la densité dramatique.
L’histoire, pourtant, aurait pu ouvrir sur de riches interrogations : Pilate, homme de pouvoir romain dans une province hostile, tiraillé entre son devoir politique et sa conscience devant le sort d’un homme nommé Jésus. Mais cette complexité reste lettre morte. Chaque scène semble expédiée ou figée, les dialogues s’enlisent dans des généralités solennelles, et aucun personnage ne prend vie véritablement.
Jeanne Crain, ex-star hollywoodienne, marque son retour avec dignité mais sans éclat, prisonnière d’un rôle de matrone romaine vaguement compassionnelle. Basil Rathbone, grande figure shakespearienne, promène sa silhouette d’aristocrate las dans une Rome de carton-pâte, tandis que John Drew Barrymore se retrouve à jouer à la fois Jésus et Judas — un choix curieux, peut-être symbolique, mais jamais assumé ni exploité par la mise en scène. Était-ce une volonté de montrer les deux facettes d’une même humanité ? Le film n’en dit rien. Ce double rôle, pourtant potentiellement audacieux, reste une anecdote visuelle sans substance.
Le Caligula qu’on aperçoit ici n’est qu’une caricature grotesque, sanguinaire par réflexe mais sans réelle menace — un monstre en toc. C’est toute la galerie des figures de pouvoir ou de foi qui souffre d’un traitement à la truelle, sans finesse psychologique ni cohérence dramatique.
Quant à la mise en scène, elle ne sauve rien : tout est filmé de façon plate, comme un téléfilm religieux dominical. La caméra reste statique, les plans s’éternisent, les foules sont mal dirigées, les décors sentent le studio mal éclairé. Il n’y a ni souffle épique, ni tension narrative. On n’est ni dans l’arène ni au sommet du Golgotha, mais dans un entre-deux purgatorial d’où rien ne s’élève. La crucifixion elle-même, moment culminant de tout récit christique, est filmée sans émotion, sans enjeu, comme un passage obligé.
Un message derrière tout cela ? Peut-être une tentative de réhabilitation du personnage de Pilate, vu non comme le bourreau mais comme l’homme impuissant face à la foule et au destin. Mais ce propos reste timide, jamais affirmé, et surtout miné par l’absence de point de vue clair. Rapper, vétéran hollywoodien, et Callegari, plus technicien qu’auteur, semblent avoir chacun tiré le film dans une direction différente, sans jamais s’entendre sur une tonalité commune.
Ponce Pilate est donc un péplum raté, ni divertissant ni édifiant, une œuvre molle qui échoue à donner chair à son sujet. À trop vouloir être international, le film perd toute âme. Reste une curiosité pour amateurs de Jean Marais, qui trouveront ici un de ses rôles les plus embarrassants — mais peut-être aussi les plus révélateurs de l’écart entre star et personnage.
NOTE ; 7.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Gian Paolo Callegari et Irving Rapper
- Scénario : Oreste Biancoli, Gian Paolo Callegari, Gino De Sanctis (it), Guy Elmes (en), Ivo Perilli, Guglielmo Santangelo
- Dialogue : Josette France
- Assistants de mise en scène : Colette Larivière, Luciano Ricci et Giancarlo Romani
- Photographie : Massimo Dallamano
- Montage : Renzo Lucidi (en), Frederick Muller
- Musique : Angelo Francesco Lavagnino
- Costumes : Ugo Pericoli (it)
- Décors : Ottavio Scotti
- Ensemblier : Ugo Pericoli
- Maquillage : Anacleto Giustini
- Script-girl : Paola Salvadori
- Production : Enzo Merolle
- Directeur de production : Armando Grottini
- Assistant de production : Carmine De Benedictis
- Organisateur général : Sergio Merolle
- Co-production franco-italienne : Lux CCF (Paris) et Glomer Film (Rome)
- Jean Marais (VF : Lui-même) : Ponce Pilate
- Jeanne Crain (VF: Renée Simonot) : Claudia Procula
- Charles Borromel : Caligula
- Basil Rathbone (VF: Serge Nadaud) : Caïphe
- Roger Tréville (VF : Lui-même) : Aaron Ec Mézir
- Letícia Román (VF: Michèle Montel) : Sarah, fille d'Aaron Ec Mézir
- Livio Lorenzon (VF: Jean Violette) : Barabbas
- Massimo Serato (VF : Roland Ménard) : Nicodème
- Alfredo Varelli : Joseph d'Arimathie
- John Drew Barrymore : Judas (VF : Serge Lhorca) / Jésus
- Riccardo Garrone (VF: Michel Gudin) : Galba
- Carlo Giustini : Decius
- Gianni Garko : Jonathan
- Raffaella Carrà : Jessica
- Dante Di Paolo (VF : Jacques Thébault) : Simon
- Aldo Pini (VF : Lucien Bryonne) : Isaac
- Paul Muller : Melik
- Manuela Ballard : Esther
- Emma Baron : Dirce
- Claudio Scarchilli : Disma

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