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dimanche 25 mai 2025

16.20 - MON AVIS SUR LE L'EVADE D'ALCATRAZ DE DON SIEGEL (1979)


 Vu le film L’Evadé d’Alcatraz de Don Siegel (1979) avec Clint Eastwood Patrick McGoohan Robert Blossom Fred Ward Jack Thibeau Paul Benjamin Larry Hankin Frank Ronzio David Creyer Blair Burrows 

Au début de l'année 1960Frank Morris (Clint Eastwood), un criminel avec un QI exceptionnel qui s’est déjà enfui de plusieurs autres établissements pénitentiaires, arrive à la prison de haute sécurité sur l’île d'Alcatraz dans la baie de San Francisco en Californie. Peu de temps après son arrivée, il est convoqué dans le bureau du directeur (Patrick McGoohan), qui l’informe qu’Alcatraz est unique dans le système carcéral américain pour son niveau de sécurité extrêmement élevé et qu’aucun détenu ne s’en est jamais échappé avec succès. Au cours de la conversation, le directeur ne remarque pas que Morris vole l’un des coupe-ongles sur le bureau. 

L’Évadé d’Alcatraz est plus qu’un simple film de prison. C’est une leçon de tension, de rigueur et de cinéma. Sous la direction maîtrisée de Don Siegel, Clint Eastwood troque son légendaire Magnum .44 pour des instruments de fortune : lime, pince à ongles, papier mâché, tout devient arme, outil, espoir. Dans ce huis clos carcéral, l’arme ultime, c’est l’intelligence. 

Basé sur une histoire vraie, celle de Frank Morris et des frères Anglin, le film adapte un fait divers fascinant : l’évasion de trois détenus d’Alcatraz en 1962, une prison réputée inviolable, construite sur une île battue par des courants glacés. Officiellement, ils ne furent jamais retrouvés. Sont-ils morts ? Ont-ils réussi ? Ce mystère hante le film, comme un écho obsédant. 

Siegel, fidèle à sa sobriété narrative, filme cette histoire avec un sens quasi documentaire. Il évacue le sensationnel, refuse les effets faciles. La caméra reste à hauteur d’homme, traquant les gestes, les regards, les silences. Pas de musique omniprésente, peu de dialogues. Ce qui fait monter la tension, c’est la lenteur même de la préparation, cette mécanique de l’évasion qui se met en place jour après jour, nuit après nuit, dans une minutie à la MacGyver, mais avant l’heure. 

Eastwood, impassible, mutique, irradie. Il incarne la ténacité, la ruse, la solitude d’un homme déterminé, sans jamais surjouer. C’est l’un de ses rôles les plus intériorisés. Pas besoin de fusillades ou de punchlines : son regard suffit. On retrouve ici toute la classe tranquille d’un acteur en pleine maîtrise. Il se fond dans le décor gris, dans la pierre, dans les couloirs suintants de cette forteresse. 

Face à lui, Patrick McGoohan, glaçant en directeur de prison, figure de l’ordre arbitraire et satisfait. Un homme qui croit tout contrôler, jusqu’au moment où le doute s’insinue. Les seconds rôles sont excellents : Fred Ward, Larry Hankin, Jack Thibeau composent des codétenus attachants, tous très bien caractérisés sans qu’un mot ne soit de trop. Mention spéciale à Roberts Blossom (Doc), vieux détenu sensible et tragique, qui donne au film une profondeur émotionnelle inattendue. 

Le film épouse les contraintes de l’univers carcéral : temps long, répétition, enfermement physique et mental. Mais loin d’être ennuyeux, il en tire sa force. Le spectateur est enfermé avec Morris. Il gratte les murs avec lui. Il observe, ruse, attend. On devient complice, on espère. Et lorsque l’évasion se déclenche enfin, on est tendu comme une corde de piano. 

Il ne s’agit pas seulement de s’évader d’une prison, mais d’un système. Siegel, qui fut souvent un cinéaste de la marginalité (on lui doit Dirty Harry mais aussi Les Proies ou L’Invasion des profanateurs), filme ici la résistance calme d’un homme contre une machine impitoyable. Pas de rédemption facile, pas de discours politique appuyé, mais un regard lucide sur l’Amérique et ses institutions. 

L’Évadé d’Alcatraz est l’un des meilleurs films jamais tournés sur l’univers carcéral. Pas d’hystérie, pas de violence gratuite, mais une tension sourde, implacable. L’évasion devient un acte de liberté pure, presque philosophique. 

Et ce final… Quelle intelligence de ne pas tout dire. Le spectateur reste avec le doute, comme l’administration pénitentiaire. Ont-ils réussi ? Se sont-ils noyés ? Ce flou, ce vertige du possible, achève de faire du film un chef-d’œuvre silencieux, tendu, captivant. 

 

Un film sec, tendu, précis, comme un plan d’évasion gravé dans le roc. Une œuvre de résistance muette, magnifiée par la prestance d’Eastwood et la rigueur de Siegel. Un classique. 

NOTE : 16.20

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