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mercredi 7 mai 2025

16.10 - MON AVIS SUR LE FILM HUNGER DE STEVE MCQUEEN (2008)

 


Vu le film Hunger de Steve McQueen (2008) avec Michael Fassbender Liam Cunningham Stuart Graham Liam MacMahon Lalor Roddy Laine Megaw Helena Bereen Aaron Goldring 

Dans les années 1970, des prisonniers de l'IRA et de l'INLA mènent une grève de l'hygiène à la prison de Maze en Irlande du Nord. Cette action a pour but de faire reconnaître par le gouvernement britannique un statut politique à leur détention. Le rapport de force qui s'accentue encore quand Bobby Sands, meneur du mouvement, décide d'entamer une grève de la faim en 1981 

Hunger retrace l’histoire vraie de Bobby Sands, membre de l’IRA provisoire, emprisonné dans la prison de Maze en Irlande du Nord au début des années 1980. Refusant de porter l’uniforme carcéral pour revendiquer son statut de prisonnier politique, il participe à la « blanket protest », puis mène une grève de la faim jusqu’à la mort. Steve McQueen choisit d'aborder cette lutte à travers un angle avant tout sensoriel et humain. Le film ne suit pas une narration classique centrée sur Bobby Sands dès le départ, mais dépeint d'abord l’univers carcéral à travers les gestes, les souffrances, les silences et la lente dégradation physique et morale des corps. 

 
Il faut du courage pour traiter frontalement un événement aussi tragique et controversé que la grève de la faim de 1981. Steve McQueen n’apporte ni jugement ni didactisme. Il ne cherche pas à convaincre, mais à faire ressentir. Il confronte le spectateur à la radicalité du choix de Sands, sans en atténuer la violence ni la portée. Cela confère à Hunger une puissance politique paradoxale : elle naît du refus de l’argumentation, du repli dans la chair et le silence. 

 
Dès les premières images, McQueen impose un style visuel hypnotique. Les plans sont longs, composés comme des tableaux, souvent fixes, presque méditatifs. Le spectateur est placé face à l’attente, la répétition, la lenteur du supplice. Ce choix radical peut déranger, mais il participe à l’éthique du film : ne pas divertir, mais forcer à voir. L'une des scènes les plus marquantes reste ce plan-séquence de 17 minutes, en champ fixe, où Sands discute avec un prêtre. Rare moment de dialogue dans le film, d’une intensité théâtrale et métaphysique saisissante. C’est le cœur battant de Hunger : une joute verbale sur le sacrifice, la foi, la légitimité de la souffrance. 

 
Le choix de minimiser les dialogues accentue la place du corps comme langage. On entend les râles, les coups, le souffle court, les bruits de la chair qui s’abîme. La bande-son, quasi-absente, laisse place aux silences pleins, oppressants. Le film devient ainsi une sorte de requiem visuel. 

 
C’est peu dire que Hunger a lancé la carrière de Fassbender. Son investissement est total, jusqu’à une perte de poids extrême qui transforme son corps en témoin vivant de la déchéance physique. Mais au-delà de la performance physique, il incarne Bobby Sands avec une intensité presque ascétique. Il n’est pas là pour séduire, encore moins pour susciter la pitié. Il reste distant, opaque, insaisissable. Ce détachement du personnage rend l’identification difficile, mais renforce paradoxalement l’impact : Bobby Sands n’est pas une figure héroïque classique, c’est une énigme de chair et de foi. Fassbender le joue comme tel, avec une retenue impressionnante. 

 
Hunger n’est pas un film confortable. Il ne cherche pas à plaire. Il ne ménage pas. Il use de la lenteur, de la répétition, de la douleur comme autant d’outils de mise en scène. C’est un film sur la résistance du corps, sur l’enfermement, sur la volonté qui pousse un homme à se laisser mourir pour une idée. La beauté plastique de l’image ne fait qu’accentuer le contraste avec la laideur de la condition humaine dépeinte. 

 
On peut en effet penser à Au nom du père, mais McQueen va plus loin encore dans l’épure. Il se rapproche davantage d’un Bresson ou d’un Haneke dans sa manière de filmer la souffrance sans l’expliquer. Ce n’est pas un film "à message", c’est un film-révélation, au sens presque religieux. 

 
Premier film et déjà coup de maître. Steve McQueen pose dès Hunger les fondements de son cinéma : une radicalité esthétique, une fascination pour les corps, et une volonté de faire du cinéma une expérience viscérale. Le film est lent, oui. Mais cette lenteur est une forme de respect. Elle force à regarder ce que l’on ne veut pas voir. Hunger est un cri silencieux, un chant funèbre sculpté dans la chair et la pierre. 

NOTE : 16.10

FICHE TECHNIQUE


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