Vu le film 7 ans de Réflexion de Billy Wilder (1955) avec Marilyn Monroe Tom Ewell Sonny Tufts Evelyne Keyes Robert Strauss Marguerite Chapman Victor Moore Oskar Omolka
Richard Sherman, marié et père de famille délaissé pour les vacances, voit bien vite sa solitude troublée par sa charmante voisine, une blonde capiteuse et ingénue, qui ne mesure pas l'effet de l'oscillation de ses hanches sur l'esprit des hommes. Soudain guilleret, Richard rêve de séduire la belle, mais entre ses désirs les plus fous et la plus prosaïque réalité, il y a un grand fossé, que les vapeurs d'alcool, qui sait, lui permettront peut-être de franchir.
Voici un film qui, en apparence, semble n’être qu’une comédie légère sur la tentation masculine, le fantasme du voisin charmant et la chaleur estivale qui échauffe les sens. Et pourtant, Sept ans de réflexion, derrière son vernis hollywoodien, cache un regard d’une extrême acuité sur la frustration, le conformisme, et les travers de l’homme moderne, pris entre ses pulsions et ses principes.
L’histoire ? Richard Sherman (Tom Ewell), new-yorkais rangé et éditorialiste coincé, voit sa femme et son fils partir en vacances d’été. Resté seul dans leur appartement, il commence à fantasmer sur sa voisine du dessus, une magnifique jeune femme (Marilyn Monroe), tout juste installée, libre, drôle, innocente… et sensuelle. La chaleur monte, au propre comme au figuré, et Richard, dans une série de monologues intérieurs aussi farfelus qu’hallucinés, combat tant bien que mal ses pulsions. Le titre du film fait référence à une théorie selon laquelle, après sept ans de mariage, l’homme moyen ressent un pic d’insatisfaction sexuelle : tout un programme.
Billy Wilder, comme toujours, se joue du décor. Il filme un New York suffocant comme un théâtre de la tentation. L’essentiel du film se déroule à l’intérieur d’un appartement transformé en cocotte-minute psychologique. L’écriture est au cordeau, les dialogues ciselés, et chaque détail compte. Le cadre est précis, la lumière joue avec la chaleur, les accessoires deviennent des objets de désir ou de refoulement (le piano, la chaise longue, le frigo…). Et au centre, deux acteurs que tout oppose : Tom Ewell, petit bourgeois flippé, incarnant la culpabilité et l’autocensure, face à une Marilyn solaire, libre et provocante sans jamais être vulgaire.
Évidemment, on ne peut évoquer le film sans parler de la scène mythique de la bouche d’aération du métro, devenue une image iconique du cinéma mondial. Marilyn, robe blanche envolée, se transforme en déesse pop, entre innocence candide et sexualité radieuse. Ce plan a traversé les époques, mais il est aussi, paradoxalement, symptomatique du tiraillement du film : la scène suggère un désir incandescent… mais ne va jamais jusqu’au bout. Et c’est là, peut-être, que le bât blesse.
Car Wilder, en 1955, devait jongler avec une censure très présente. L’adultère, sujet central du film, est suggéré, rêvé, contourné… mais jamais consommé. Le personnage de Marilyn ne franchit jamais la ligne, et celui d’Ewell non plus — du moins pas devant la caméra. C’est un jeu de miroir permanent : ce que le spectateur imagine, ce que le personnage pense, et ce que la réalité montre. Et tout cela rend la fin du film assez frustrante. On s’attend à un basculement, un acte, une transgression… mais non. Le film se referme sur une morale ambiguë, presque forcée. Richard retourne auprès de sa femme, la tentation n’a été qu’un rêve éveillé. On reste sur notre faim, comme si l’histoire avait été amputée de sa dernière bobine. Et pourtant, c’est sans doute là toute la subtilité wilderienne : ne pas dire, mais laisser deviner.
Wilder corrigera le tir en 1964 avec Embrasse-moi, idiot, bien plus explicite sur les infidélités conjugales, mais aussi moins poétique. Car Sept ans de réflexion, avec ses limitations, parvient à conserver un charme fou. Le film est un jeu de suggestion, un exercice d’équilibriste, un théâtre de l’imaginaire masculin, mis en scène avec une précision presque maniaque.
Et puis, il y a Marilyn. Elle n’a jamais été aussi radieuse, aussi présente, aussi évanescente. Elle joue la naïveté sans jamais sombrer dans la bêtise. Son personnage est libre, affranchi des règles, presque extraterrestre. Elle boit du champagne avec des chips, se balade en culotte dans l’appartement, parle de Rachmaninov avec une sensualité naturelle. Elle n’est pas bête : elle est ailleurs. Elle incarne une forme de liberté qui dérange autant qu’elle attire. Le Concerto n°2 de Rachmaninov, obsession de Sherman, devient un thème récurrent du désir refoulé : après ce film, il devient presque impossible de l’écouter sans penser à Marilyn debout devant le piano, cheveux lâchés, un soda à la main.
Sept ans de réflexion est une œuvre en équilibre : entre désir et retenue, humour et frustration, classicisme et modernité. Une œuvre de suggestion plus que de transgression. Un Wilder plus retenu, peut-être, mais toujours maître de sa mise en scène et de son ironie mordante.
NOTE : 13.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Billy Wilder
- Scénario : Billy Wilder et George Axelrod, d'après la pièce de ce dernier
- Photographie : Milton R. Krasner
- Montage : Hugh S. Fowler
- Son : Harry M. Leonard (en) et E. Clayton Ward
- Direction artistique : Stuart A. Reiss et Walter M. Scott
- Costumes : Travilla et Charles Le Maire
- Musique : Alfred Newman, avec des extraits du concerto pour piano no 2 de Rachmaninov
- Producteurs : Charles K. Feldman, Billy Wilder et Doane Harrison (associé)
- Société de production : 20th Century Fox
- Marilyn Monroe (VF : Claire Guibert) : la jeune femme (« the girl »)
- Tom Ewell (VF : Roger Tréville) : Richard Sherman
- Evelyn Keyes (VF : Jacqueline Ferrière) : Helen Sherman
- Sonny Tufts (VF : Claude Bertrand) : Tom MacKenzie
- Robert Strauss : M. Kruhulik, le concierge
- Oscar Homolka (VF : Raymond Rognoni) : le docteur Brubaker
- Marguerite Chapman : Miss Morris, la secrétaire
- Victor Moore (VF : Mario Painvin) : le plombier
- Donald MacBride (VF : Claude Péran) : M. Brady
- Carolyn Jones : Miss Finch, l'infirmière de nuit
- Mary Young : une passagère à la gare (non créditée)
- Doro Merande : la serveuse du restaurant végétarien (non créditée)
- Tom Nolan (acteur) (en) : Ricky Sherman (non crédité)

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