Pages

mardi 27 mai 2025

6.40 - MON AVIS SUR LE FILM BARBARELLA DE ROGER VADIM (1968)


 Vu le film Barbarella de Roger Vadim (1968) avec Jane Fonda John Philip Law Anita Pallenberg Milo O’Shea Marcel Marceau Claude Dauphin David Hemmings Ugo Tognazzi Serge Marquand 

En l'an 40 000. Sur ordre du président de la Terre, la jeune Barbarella doit retarder ses vacances sur Vénus pour tenter de retrouver et d'arrêter le redoutable professeur Durand Durand, qui vient de mettre au point une arme effroyable : le rayon positronique, aussi appelé polyrayon 4, qui met en danger l'équilibre de l'amour universel. Un atterrissage forcé sur Lytheion lui vaut d'être capturée par deux gamines qui la livrent à des poupées-robots. 

Il y a des films qui deviennent cultes malgré eux, simplement parce qu’ils concentrent tout ce qu'une époque a pu produire de plus décomplexé, de plus outrancier, voire de plus involontairement grotesque. Barbarella en fait partie. Filmé par Roger Vadim en 1968, en pleine explosion psychédélique, ce space-opera érotico-pop, adapté de la bande dessinée de Jean-Claude Forest, est un ovni que certains adorent pour son esthétique délirante, mais qui, à mes yeux, frôle plutôt le désastre cosmique. 

L’histoire – enfin, ce qui en tient lieu – est d’une simplicité affligeante : en l’an 40 000, Barbarella, astronaute de charme dépêchée par le gouvernement terrien, est envoyée dans l’espace pour retrouver le mystérieux savant Duran-Duran, détenteur d’une arme absolue. En chemin, elle traverse des mondes peuplés de poupées tueuses, d’anges aveugles et de créatures lubriques, tout en multipliant les rencontres sexuelles plus ou moins consenties, dans un cosmos où la libido semble être l’unique moteur de l’univers. 

Sur le papier, cela pouvait être une fantaisie futuriste acidulée, une satire des mœurs de l’époque, un objet filmique libéré des carcans moraux et narratifs. Mais dans les faits, tout semble bricolé à la va-vite, sans réel souci de cohérence ni même de rythme. Les décors semblent sortir d’une arrière-boutique de théâtre d’amateurs, faits de plastique et de carton-pâte peints à la bombe dorée. Quant aux costumes, entre nuisettes de plumes et combinaisons en vinyle transparent, ils ressemblent à des invendus d’un vide-grenier intergalactique ou à ce qu’on trouverait chez Emmaüs un lendemain de bal masqué. 

Roger Vadim, grand amateur de femmes et de libertés cinématographiques, s’est visiblement amusé en dirigeant sa compagne de l’époque, Jane Fonda. Malheureusement, cet amusement n’est guère communicatif. Fonda, bien que superbe, semble totalement perdue dans ce magma de scènes absurdes, de dialogues niais et d’effets spéciaux poussifs. Sa performance oscille entre le désintérêt poli et l’auto-parodie non assumée. On sent qu’elle ne croit à rien de ce qu’elle joue – et nous non plus. Quant aux autres acteurs (John Phillip Law en ange aveugle, Anita Pallenberg, Milo O’Shea en Duran-Duran), leur jeu va de l’apathique au grotesque. Aucun n'a visiblement fréquenté le Conservatoire – ni même un cours de théâtre de quartier. 

On pourrait, certes, défendre le film au nom de son "style", de son "audace", de son "esprit 68", voire y voir une critique pop des conventions sexuelles et sociales. Mais ces justifications, trop faciles, ne masquent pas le fait que Barbarella est avant tout un empilement de scènes fumeuses sans réel liant, un fourre-tout d’idées mal exécutées. Le mélange entre science-fiction, érotisme et humour ne prend jamais, ou seulement de façon accidentelle, comme un vieux cocktail resté trop longtemps au soleil. 

Même sa légendaire scène d’ouverture – Barbarella en apesanteur, se déshabillant lentement dans son vaisseau – finit par lasser, tant elle incarne à elle seule le programme entier du film : une idée visuelle alléchante, mais qui tourne à vide. Au fond, Barbarella est moins un film qu’un délire de décorateur en manque de supervision, un manifeste du kitsch involontaire, et une belle démonstration de ce qu’on obtient quand un cinéaste confond audace avec laisser-aller. 

Il ne reste, pour les amateurs de nanars, qu’à rire devant certaines scènes devenues cultes pour de mauvaises raisons : le lit-orgue de Duran-Duran censé tuer par plaisir, la poupée géante aux dents métalliques, ou le vol approximatif du pauvre ange Pygar. Pour les autres, c’est 90 minutes de souffrance stellaire. 

Barbarella est donc, à mes yeux, un monument de mauvais goût – pas même un plaisir coupable, mais plutôt une curiosité embarrassante. Vadim s’est fait plaisir, oui. Mais le spectateur, lui, a subi. 

NOTE : 6.40

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire