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dimanche 4 mai 2025

16.90 - MON AVIS SUR LE FILM FRENCH CONNECTION II DE JOHN FRANKENHEIMER (1975)


 Vu le film French Connection II de John Frankenheimer (1975) avec Gene Hackman Bernard Fresson Fernando Rey Samantha Llorens Reine Prat Philippe Léotard Alexandre Favre Jean Pierre Castaldi Raoul Delfosse Charles Millot 

Enlevé à Marseille par Alain Charnier, le chef de l'organisation, Popeye Doyle est drogué contre son gré et laissé dans un état de décrépitude totale. Libéré, il entreprend une cure de désintoxication avec ses propres méthodes avant de combiner ses forces à celle d'un collègue français pour retrouver la trace de Charnier. 

French Connection II n’est pas une simple suite hollywoodienne opportuniste. C’est une extension rugueuse, presque déviante, du chef-d’œuvre de William Friedkin (1971), qui choisit de ne pas rejouer la même partition, mais de plonger son héros dans une autre dimension — géographique, psychologique et humaine. Exit les rues grises de New York, place à la lumière brutale et trompeuse de Marseille, ville étrangère, labyrinthique, où l’inspecteur Popeye Doyle (Gene Hackman) est littéralement largué. 

L’histoire reprend là où s’arrêtait le premier opus. Doyle, toujours obsédé par le baron de la drogue Alain Charnier (Fernando Rey), est envoyé à Marseille pour participer à une traque internationale. Mais il est vite isolé, incompris, frustré par les méthodes de ses homologues français, notamment le commissaire Barthélémy (incarné par un excellent Bernard Fresson), qui tente tant bien que mal de composer avec ce bulldozer américain en terre inconnue. 

Mais Frankenheimer choisit un virage radical : ce n’est pas l’action qui prime ici, mais l’humiliation, la déchéance, la lutte intérieure. Doyle, enlevé par les hommes de Charnier, est drogué à l’héroïne pendant plusieurs jours. S’en suit une longue séquence de sevrage, douloureuse, organique, presque insupportable — une des plus puissantes de la carrière de Hackman. Ce n’est plus un flic aux nerfs d’acier que l’on suit, mais un homme vidé, humilié, réduit à l’état d’enfant hurlant et transpirant sur un matelas pourri. 

C’est dans ce gouffre que le film trouve son originalité et sa force. Le Doyle nerveux, impulsif, sûr de lui du premier épisode devient ici un survivant, un homme qui, sans jamais perdre sa rage, doit apprendre à marcher de nouveau — au propre comme au figuré. La relation ambivalente entre lui et Barthélémy, mélange de méfiance et de respect, constitue le fil émotionnel du récit, donnant lieu à quelques très belles scènes d’humanité cachée sous les dehors d’un polar dur. 

Certes, French Connection II n’a ni la musique entêtante de Don Ellis, ni les poursuites spectaculaires du film original. Les rues de Marseille sont moins cinégéniques que les métros new-yorkais, et Frankenheimer filme sans esbroufe, avec une forme de sécheresse quasi documentaire. Mais cette austérité fait mouche. Il capte une ville rugueuse, sale, humaine, grouillante, magnifiée par une distribution française impeccable : Jean-Pierre Castaldi, André Penvern, Charles Millot, tous participent à ancrer ce récit dans une France très 70s, faite de terrains vagues, de ports rouillés et de commissariats fatigués. 

La dernière partie du film, plus nerveuse, où Doyle, sobre, traque Charnier dans les docks, apporte une conclusion satisfaisante, tendue, violente. Elle n’efface pas les moments d’égarement, mais les justifie, les parachève. Hackman, Oscarisé pour le premier volet, va ici encore plus loin dans la construction d’un personnage brisé, cabossé, mais tenace. Rarement un héros de polar aura semblé aussi vulnérable, et donc, paradoxalement, aussi humain. 

 

French Connection II n'est pas une suite à la hauteur du premier sur le plan de la mise en scène ou du rythme, mais c’est une proposition singulière et courageuse. Frankenheimer transforme le thriller en étude de personnage, offrant à Hackman un rôle d’une grande amplitude dramatique. Le changement de décor, les seconds rôles français très typés et l’approche presque clinique de la dépendance en réalisent un film à part, moins culte peut-être, mais tout aussi digne. Une suite amère, rugueuse, et profondément marquante.

NOTE : 16.90

FICHE TECHNIQUE

 


DISTRIBUTION

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