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samedi 10 mai 2025

16.20 - MON AVIS SUR LE FILM LE SERPENT DE HENRI VERNEUIL (1973)


 Vu le film Le Serpent de Henri Verneuil (1973) avec Philippe Noiret Henry Fonda Michel Bouquet Dick Bogarde Marie Dubois Yul Brynner Guy Tréjean Martin Held Farley Granger Virna Lisi Elga Andersen André Falcon Robert Party  

Le colonel Vlassov du KGB, en voyage en France avec son épouse, se rue lors de son départ de l'aéroport d'Orly au poste de la police de l'air, où il demande à la police française de lui donner asile et de le déposer à l'ambassade américaine. Son épouse, bien qu'elle puisse l'accompagner sans problème, décide de rentrer auprès de ses enfants en Union soviétique. 

Les chefs de la DST, le directeur Berthon et son adjoint Tavel, tentent de lui arracher un renseignement avant de le livrer aux Américains, mais le ministère des Affaires étrangères leur donne l'ordre de céder aux demandes de Vlassov, qui est donc pris en charge par l'ambassade et transféré au siège de la CIA à Langley. Après un interrogatoire afin de vérifier son identité, on le fait passer au détecteur de mensonges pour connaitre les raisons de sa fuite. 

À l’image des grands thrillers politiques des années 70, Le Serpent incarne cette époque où le cinéma savait distiller l’angoisse, la duplicité et les zones grises du monde en pleine guerre froide. Réalisé avec une précision quasi chirurgicale par Henri Verneuil, ce film se hisse aisément parmi ses plus beaux accomplissements, dans la lignée directe de I... comme Icare, mais avec une tonalité encore plus internationale, plus sombre, plus trouble. 

L’histoire débute de manière presque abstraite, froide comme un dossier top secret : un haut gradé soviétique, le colonel Zimet (Yul Brynner), fait défection et livre aux services secrets occidentaux un lot d’informations susceptibles d’ébranler les alliances les plus solides. Mais la vérité, dans cet univers opaque, est-elle vraiment ce qu’elle semble être ? Ce postulat donne le ton : méfiance absolue. Les masques tombent, mais révèlent souvent d’autres masques. 

Le scénario s’inspire de faits réels — le cas de Vladimir Boukhovsky notamment —, et l’épure du récit, son refus de tout manichéisme, renforce cette impression de réalité glaçante. Verneuil, artisan rigoureux, filme l’Europe grise et bureaucratique des services secrets avec une intelligence clinique. Les scènes d’interrogatoire, de Paris à Washington, en passant par Genève, sont parmi les plus saisissantes de ce type de cinéma : longues, tendues, silencieuses, presque étouffantes. On pense à The Spy Who Came in from the Cold ou aux débuts de Pakula. 

Le casting est un sommet en soi : Henry Fonda, d’une sobriété glaçante, incarne un chef de la CIA plus politique que guerrier. Michel Bouquet, dans un rôle parfaitement ambigu, est fascinant. Philippe Noiret, tout en subtilité feutrée, joue un diplomate piégé entre ses loyautés. Dirk Bogarde, comme souvent, trouble par sa retenue. Et Yul Brynner, en déserteur glacial, donne au film sa première impulsion dramatique. Chaque comédien semble porter le poids du monde sur ses épaules. Il n’y a ni héros ni salauds, juste des hommes englués dans des systèmes cyniques. 

La mise en scène ne cherche jamais l'effet spectaculaire : c’est l’accumulation d’indices, la tension psychologique, les gestes discrets, les regards fuyants qui composent le suspense. Verneuil filme les couloirs, les bureaux, les hôtels internationaux comme autant de scènes de crime idéologique. La musique d’Ennio Morricone, minimaliste, participe à cette atmosphère paranoïaque, rappelant les partitions les plus austères de L’Attentat ou de La Classe ouvrière va au paradis. 

La beauté du film réside aussi dans ce refus de délivrer une vérité claire. Le Serpent est une toile d’araignée où chaque fil peut être un piège. On sort du film avec des certitudes ébranlées : l’Ouest n’a rien à envier à l’Est en matière de manipulation, les idéologies sont des paravents, et l’humain n’est qu’un pion, aussi intelligent ou cultivé soit-il. La phrase empruntée à Andromaque — « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » — prend alors tout son sens : les serpents, ce sont les autres, mais aussi nous-mêmes. 

C’est un cinéma de l’ambiguïté, de la complexité, celui qui ne caresse pas le spectateur dans le sens du poil. Un film exigeant, dense, un peu oublié aujourd’hui, mais qui mérite d’être redécouvert, ne serait-ce que pour rappeler qu’un certain cinéma français savait rivaliser avec le meilleur du cinéma anglo-saxon sans jamais renier sa propre voix. 

Et puis il y a les scènes de Radio chez Europe N°1 quand elle était encore une grande radio populaire

NOTE : 16.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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