Vu le Film Portugais Loup et Chien de Claudia Varejäo (2022) avec Ana Cabral Cristiana Branquinho Ruben Pimenta Marlene Cordeiro Joao Tavares
Ana grandit sur l'île de São Miguel, dans l'archipel des Açores, encore marquée par les traditions portugaises et la religion catholique. L'adolescente passe beaucoup de temps à rêver d'un monde meilleur avec Luis, son ami queer. Sa rencontre avec la lumineuse Cloé va lui permettre d'assumer son identité...
Découvrir Chien et Loup, c’est s’ouvrir à un cinéma et à une culture que je ne connaissais pas : celle des Açores, cette terre à la fois isolée et poétique, filmée avec un réalisme teinté de douceur. Cláudia Varejão y déploie une œuvre à la frontière du documentaire et de la fiction, où le quotidien devient peu à peu une expérience sensorielle. On suit Ana, jeune femme vivant sur l’île de São Miguel, entre traditions religieuses, rigidité d’un monde ancien et désir de liberté. L’arrivée de Cloé, revenue du Canada, vient bouleverser son équilibre. À travers cette rencontre et la découverte d’une communauté queer insulaire, Ana s’éveille à elle-même, à ses désirs, à ce qu’elle veut devenir — sans jamais renier la beauté de ce qui l’entoure.
Le film est un vrai voyage initiatique. On y perçoit la confrontation des générations, des regards, des croyances. Les anciens s’accrochent à leurs coutumes, à la religion, pendant que les jeunes, souvent en marge, cherchent à respirer, à aimer, à s’inventer un avenir différent. La caméra de Varejão capte cela sans jugement, avec une attention sincère aux visages, aux silences, à la nature. On sent dans sa mise en scène la rigueur du documentaire : une lumière naturelle, des gestes simples, une écoute attentive du réel. Ce réalisme donne au film une force rare, presque hypnotique.
Les acteurs, pour la plupart non professionnels, dégagent une authenticité bouleversante. Ana Cabral, dans le rôle principal, exprime beaucoup avec très peu : un regard, une hésitation, un sourire. Ruben Pimenta, qui joue Luis, son ami queer, est tout aussi émouvant dans sa manière de vivre sa différence avec courage et douceur. Cloé, quant à elle, apporte la brise du large — celle qui pousse Ana à regarder autrement son île, sa vie, son avenir.
On est souvent frappé par la beauté des images : le vent, la mer, les couleurs du soir. Tout semble respirer la vérité d’un lieu et de ses habitants. Le film donne le temps de contempler, d’écouter, de sentir — et c’est ce rythme lent, parfois trop lent, qui fait à la fois sa richesse et sa limite. Certaines scènes paraissent un peu étirées, comme si la réalisatrice tenait à ne rien couper du réel, quitte à perdre un peu de tension. Mais ces lenteurs n’enlèvent rien à la sincérité de l’ensemble.
Chien et Loup est avant tout une histoire d’émancipation, un cri calme, discret, porté par une jeunesse qui rêve d’être elle-même, sans honte ni peur. C’est un film sur la liberté, sur la découverte de l’autre et de soi, sur la possibilité d’aimer différemment dans un monde encore verrouillé par les habitudes. Ce mélange entre fiction et documentaire, entre réalité et poésie, rend le film profondément humain.
Un film surprenant, sensible et nécessaire — qui élargit le regard et le cœur. Malgré quelques longueurs, c’est une œuvre à conseiller vivement : elle témoigne d’une nouvelle génération du cinéma portugais, audacieuse, libre, et en plein essor.
NOTE : 9.50
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire