Vu le Film Pris au Piège de Darren Aronofsky (2025) avec Austin Butler Zoe Kravitz Matt Smith Bas Bunny Liev Schreiber Nikita KouKouchkine Action Bronson Regina King Carol Kane Griffin Dune Vincent d’Onophrio
Hank Thompson a été un joueur de baseball prodige au lycée, mais désormais il ne peut plus jouer. À part ça, tout va bien. Il sort avec une fille géniale, il est barman la nuit dans un bar miteux à New York, et son équipe préférée, donnée perdante, est en train de réaliser une improbable remontée vers le titre. Quand son voisin punk lui demande de s'occuper de son chat pendant quelques jours, Hank ignore qu'il va se retrouver pris au milieu d'une bande hétéroclite de redoutables gangsters.
Pris au Piège de Darren Aronofsky est un objet filmique inattendu, presque un ovni dans sa carrière. Quand on pense au cinéaste, on imagine plutôt des fresques hallucinées comme Requiem for a Dream, des plongées dans l’obsession (Black Swan), ou des méditations mystiques comme The Fountain. Le voir se lancer dans un polar d’action nerveux, peuplé de flingues, de caisses qui explosent et de courses-poursuites saturées d’adrénaline, c’est comme croiser un philosophe dans une rave-party : surprenant, mais pas nécessairement déplacé. Le film, mine de rien, porte encore la marque de son auteur : une énergie fiévreuse, un montage qui coupe dans la chair, et une volonté de mettre le spectateur en tension permanente.
L’histoire suit Eddie (Austin Butler), un jeune type qui se retrouve embarqué dans une spirale infernale après un braquage raté. Eddie, loin d’être un héros badass à la Guy Ritchie, est un corps meurtri, un esprit fragile, constamment sur la défensive. Aronofsky prend plaisir à le malmener, à l’entraîner dans une succession de traquenards et de coups tordus. Le spectateur, loin de jubiler, finit par éprouver une empathie réelle pour ce personnage : son visage tuméfié, sa fatigue nerveuse, son regard qui supplie, tout cela nous le rend profondément humain. Butler, dans ce rôle, ne cabotine pas : il incarne la douleur dans ce qu’elle a de plus tangible.
Autour de lui gravite une galerie de personnages savoureux. Zoë Kravitz, dans le rôle de sa petite amie, incarne une présence à la fois rassurante et désespérée. Elle croit encore en lui, mais l’ombre du désastre plane sur leur relation, et chaque retrouvaille ressemble à une fuite en avant. Matt Smith, en voisin punk déjanté, amène une touche de folie douce, comme un écho aux seconds rôles mémorables des frères Coen : imprévisible, inquiétant, parfois comique malgré lui. Quant à Griffin Dunne, il campe un patron cynique, un homme qui semble toujours avoir une longueur d’avance sur Eddie, et qui manipule son entourage comme un joueur d’échecs fatigué mais dangereux. Les antagonistes, disséminés tout au long du récit, sont volontairement caricaturaux : trafiquants véreux, flics borderline, caïds imprévisibles. Aronofsky se permet même quelques clins d’œil tarantinesques dans les dialogues et dans la manière de filmer des scènes de violence qui flirtent avec le grotesque.
Visuellement, on retrouve par moments la grammaire Aronofsky : caméras accrochées aux personnages, gros plans hallucinés, montage syncopé. Mais il se laisse aussi aller à des compositions plus "cool", avec des ralentis, des plans-séquences élégants dans des parkings ou des arrière-salles crades. L’ambiance fin des années 90 est parfaitement restituée : musique électro-rock, téléphones portables à clapet, fringues délavées, voitures tunées. On se croirait parfois dans un cousin américain de Snatch, mais avec une noirceur plus existentielle.
Le film fonctionne parce qu’il ne se contente pas d’être une copie. Là où Guy Ritchie aurait misé sur l’humour et le fun, Aronofsky injecte une dose de malaise et d’angoisse. Là où les Coen auraient cherché le burlesque, lui appuie sur la douleur physique et morale. Et dans cette alchimie bancale mais fascinante, on se retrouve avec une œuvre hybride, à mi-chemin entre le polar pop-corn et le drame existentiel.
Alors oui, on peut s’interroger : qu’est-ce qui pousse Aronofsky à tourner un tel film ? Des impôts à payer, une envie de respirer en sortant de ses grands projets métaphysiques, ou simplement un défi personnel ? Qu’importe : le résultat est plus qu’honorable. On en ressort étonné, parfois dubitatif, mais jamais ennuyé.
Pris au Piège est un film nerveux et cool, qui porte la patte de son auteur tout en flirtant avec des univers qui ne sont pas les siens. Aronofsky y réussit une greffe improbable : celle de la réflexion existentielle et du film d’action survitaminé. Grâce à Austin Butler, véritable colonne vertébrale du récit, le film garde une intensité émotionnelle qui l’élève au-dessus du simple exercice de style.
NOTE ; 12.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Darren Aronofsky
- Scénario : Charlie Huston
- Musique : Idles
- Direction artistique : Laura Ballinger
- Décors : Mark Friedberg
- Costumes : Amy Westcott
- Montage : Andrew Weisblum
- Photographie : Matthew Libatique
- Production : Darren Aronofsky, Jeremy Dawson, Dylan Golden, Ari Handel et Ann Ruark
- Sociétés de production : Protozoa Pictures
- Sociétés de distribution : Sony Pictures Releasing (États-Unis), Sony Pictures Releasing France (France)[
- Austin Butler (VF : Marc Arnaud) : Henry « Hank » Thompson
- Zoë Kravitz (VF : Émilie Rault) : Yvonne
- Regina King (VF : Virginie Emane) : l'inspectrice Roman
- Matt Smith (VF : Anatole de Bodinat) : Russ
- Liev Schreiber (VF : Guillaume Orsat) : Lipa
- Vincent D'Onofrio (VF : Gilles Morvan) : Shmully
- Griffin Dunne : Paul
- Will Brill (en) : Jason
- Benito Martínez Ocasio (VF : Emmanuel Garijo) : Colorado
- Carol Kane (VF : Blanche Ravalec) : Bubbe
- Tenoch Huerta : le barman de Tulum
- D'Pharaoh Woon-A-Tai (en) (VF : Kévin Goffette) : Dale
- Action Bronson : Amtrak
- George Abud (en) : Duane
- Iouri Kolokolnikov (VF : Sergeï Philippenko) : Aleksei
- Nikita Kukushkin : Pavel
- Laura Dern (VF : Nathalie Homs) : la mère de Hank (caméo non crédité)

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