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jeudi 23 octobre 2025

14.40 - MON AVIS SUR LE FILM ENZO DE LAURENT CANTET ET ROBIN CAMPILLO (2025)

 


Vu le Film Enzo de Laurent Cantet et Robin Campillo (2025) avec Eloy Pohu Maksim Slivinskyi Elodie Bouchez Pier Francesco Favino Nathan Japy Vladyslav Holyk Malou Khebizi Philippe Petit 

Enzo grandit avec sa famille dans une élégante villa à La Ciotat. Contre toute attente, le jeune homme de 16 ans décide un jour d'entamer une formation de maçon. Cette décision choque sa famille, qui avait imaginé une vie plus prestigieuse pour leur fils. Les tensions s'accroissent alors dans le foyer familial, ce qui pèse sur Enzo. En revanche, sur le chantier, il fait la connaissance de Vlad, un ukrainien charismatique. Son collègue de travail fait sortir Enzo de sa zone de confort et bouleverse son monde. Très vite, Enzo se rend compte que la vie lui offre des possibilités inattendues. 

Il est impossible d’entrer dans Enzo sans ressentir d’abord l’émotion de son geste. Ce film est un passage de relais, un adieu et une promesse. Laurent Cantet l’avait initié ; Robin Campillo, ami de trente ans, compagnon de pensée et de combat artistique, en a repris le fil après sa disparition. On ne pouvait rêver plus juste pour porter à terme ce récit de trouble intime, de regards perdus et de jeunesse en suspens. On sent, plan après plan, l’élégance de Cantet et la sensibilité vibrante de Campillo se rejoindre : c’est un film à deux respirations, mais une seule âme. 

Enzo, incarné par Eloy Pohu, est un garçon comme il y en a beaucoup, et pourtant comme il y en a si peu au cinéma : pudique, traversé par des émotions trop grandes pour être dites, d’une lucidité presque douloureuse. Il ne “découvre” pas une sexualité : il découvre un vertige. Celui d’aimer sans retour, celui d’être bouleversé sans mode d’emploi. Son coup de foudre pour Vlad (Maksym Slivinskyi), rencontré sur un chantier, ne relève pas du manifeste ni du récit d’initiation flamboyant : c’est une fissure. Et Campillo filme cette fissure avec une douceur désarmante. 

Le scénario repose sur cette idée simple et rare : le cœur s’emballe parfois dans le vide. Pas de scène spectaculaire, pas de crise hypertrophiée, pas de psychologie démonstrative. L’émotion circule autrement : par l’eau des piscines où Enzo s’échappe, par la brutalité douce d’un corps qui ne répond pas, par des silences qui pèsent lourd. La mise en scène adopte le geste de Cantet — caméra proche, écoute, pas de sur-signal — tout en y glissant le regard Campillo : sensoriel, attentif, presque fraternel. On sent combien il connaît ces vertiges, combien il les comprend. 

Le duo Pohu / Slivinskyi fonctionne à merveille. L’un retient tout, l’autre irradie sans le vouloir. La distance entre eux devient le véritable espace dramatique du film. En face, Élodie Bouchez et Pierfrancesco Favino composent un couple crédible, épuisé, aimant mais démuni : leurs réactions ne hurlent jamais, elles tremblent. Leur écoute imparfaite est d’un réalisme saisissant. 

La présence de la guerre en Ukraine, en arrière-plan, ne vient jamais forcer le trait : elle miroirise le chaos intérieur du héros. L’intime et le monde se répondent, sans discours. Car Enzo est avant tout un film sur ce moment de la vie où l’on ne sait pas encore qui l’on devient, et où aimer peut faire plus peur que l’avenir. 

 Enzo bouleverse précisément parce qu’il refuse le spectaculaire. Il capte l’indéfinissable : la naissance d’un trouble, la douleur d’un désir non partagé, la solitude invisible des garçons qui ne savent pas comment se dire. C’est un film simple, doux, humain. Un hommage digne à Cantet, et l’un des plus beaux gestes de mise en scène de Campillo depuis 120 battements par minute. Un film qui reste, longtemps, après l’écran noir — comme un souffle, comme un souvenir qu’on n’a pas vu venir. 

NOTE : 14.40

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

  • Eloy Pohu : Enzo
  • Élodie Bouchez : Marion, la mère d’Enzo et Victor
  • Pierfrancesco Favino : Paolo, le père d’Enzo et Victor
  • Maksym Slivinskyi : Vlad
  • Nathan Japy : Victor, le frère aîné d’Enzo
  • Vladyslav Holyk : Miroslav, le collègue ukrainien de Vlad
  • Malou Khebizi : Amina, l’amie d’Enzo
  • Philippe Petit : Corelli, le patron du chantier

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