Vu le Film Moon de Duncan Jones (2010) avec Sam Rockwell Robin Schalk Kevin Spacey Dominique McElligott Kaya Scodellario Rosie Chow Matt Berry Benedict Wong Malcom Stewart
Lors d'une sortie hors de la base lunaire en astromobile, déconcentré par l'une de ses hallucinations, Sam percute une moissonneuse. Blessé, il perd connaissance. Il se retrouve ensuite à l'infirmerie, sous la surveillance de GERTY, qui lui apprend qu'il a eu un accident. Sam surprend une communication entre le robot et l'entreprise Lunar, alors que les messages directs ne sont plus censés fonctionner depuis un étrange incident technique affectant une antenne. Suspicieux à l'égard du robot, Sam apprend qu'il a interdiction de sortir de la base avant l'arrivée d'une équipe de réparation envoyée pour la moissonneuse.
Moon, premier long-métrage de Duncan Jones (fiston de l’icône David Bowie) a tout du film-satellite devenu comète : discret dans sa diffusion mais brillant dans son essence. Que ce bijou de science-fiction n’ait jamais connu chez nous une véritable sortie en salles demeure une aberration industrielle. On parle tout de même d’un film multiprimé en festival, resté trop longtemps cantonné au statut d’œuvre confidentielle alors que son ambition, sa maîtrise et sa portée philosophique méritaient une tout autre exposition. Mais parfois, la distribution dort, tandis que le cinéma, lui, veille. Moon appartient à ces œuvres qui se réveillent, lentement, dans l’esprit de ceux qui ont la chance de les voir.
Duncan Jones choisit d’emblée l’épure. Pas de space opera, pas de surenchère, pas de foire aux effets spéciaux. Moon raconte l’histoire de Sam Bell, employé de la société Lunar Industries, seul sur une base située sur la face cachée de la Lune. Sa mission : superviser l’extraction d’hélium-3, ressource énergétique censée sauver la Terre. Son seul compagnon : Gerty, un robot d’assistance à la voix monocorde et au sourire pixellisé. Cette solitude en milieu lunaire n’est pas un décor mais une condition dramatique, une pression atmosphérique sur l’âme. Dans ce silence blanc, Sam se délite peu à peu. Le réel se fissure. L’enfermement devient miroir. Et lorsque l’intrigue bascule vers la révélation du clone, Moon ne cède jamais au twist-spectacle : il préfère le vertige intime.
Le scénario est d’une remarquable intelligence. Sous son apparente simplicité, il questionne l’identité, la mémoire, la valeur d’une vie et le droit fondamental à l’existence. Duncan Jones interroge l’humain par la science-fiction, non la science-fiction par l’humain — nuance rare. La mise en scène, d’une sobriété presque hypnotique, enferme Sam dans des couloirs où chaque porte semble mener à lui-même. Les décors, minimalistes et palpables, rappellent que la SF peut être un cinéma de maquettes, d’ombre et de claustrophobie, loin du tout-numérique sans âme.
Visuellement, Moon est splendide. La lumière froide, la photographie laiteuse, l’esthétique rétro-futuriste : tout participe à créer une atmosphère unique, mélancolique, suspendue. La musique, lyrique mais discrète, enveloppe l’ensemble d’un voile en apesanteur, même si elle reste parfois trop en retrait pour porter certaines scènes comme on l’aurait rêvé. Mais l’émotion, la vraie, ne vient pas des notes — elle vient d’un acteur.
Car Moon, c’est avant tout Sam Rockwell. Dans un rôle quasi unique, il signe une performance vertigineuse, jouant face à lui-même, affrontant son double, son reflet, son espoir et sa décomposition. Il alterne lassitude, folie, fragilité, révolte et tendresse avec une précision de funambule. Son jeu donne chair au concept, souffle à la base lunaire, humanité au vide. Sans lui, Moon serait un excellent film. Avec lui, il devient un choc.
Peut-être que le rythme, parfois trop étiré, empêche l’œuvre de toucher au pur chef-d’œuvre. Mais qu’importe. Moon reste un film précieux, fascinant, dense, qui croit à l’intelligence du spectateur et refuse les facilités du genre. Un film de science-fiction qui pense, qui regarde l’homme droit dans les yeux, et qui ne s’oublie pas.
NOTE : 13.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Duncan Jones
- Scénario : Duncan Jones, d'après une histoire de Nathan Parker
- Musique : Clint Mansell
- Direction artistique : Hideki Arichi
- Décors : Tony Noble
- Costumes : Jane Petrie
- Photographie : Gary Shaw
- Montage : Nicolas Gaster
- Production : Stuart Fenegan et Trudie Styler (producteurs), Julia Valentine (producteur exécutif), Trevor Beattie, Bil Bungay, Michael Henry et Bill Zysblat (producteurs délégués), Justin Lanchbury (producteur associé)
- Sociétés de production : Sony Pictures Classics, Stage 6 Films (en), Liberty Films, Xingu Films
- Société de distribution : Sony Pictures Classics (États-Unis), Sony Pictures Releasing (France, Royaume-Uni), Métropole Films (Québec)
- Budget : 5 000 000 $ US
- Sam Rockwell (VFB : Sébastien Hébrant ; VQ : Gilbert Lachance) : un clone de Sam Bell
- Robin Chalk (en) (VQ : Daniel Picard) : un autre clone de Sam Bell
- Kevin Spacey (VF : Gabriel Le Doze ; VQ : Pierre Auger) : voix de GERTY
- Dominique McElligott (VFB : Valérie Muzzi ; VQ : Geneviève Désilets) : Tess Bell
- Kaya Scodelario (VFB : Maia Baran ; VQ : Aline Pinsonneault) : Eve Bell, adolescente
- Rosie Shaw (VFB : Marcha Van Boven ; VQ : Léa Roy) : Eve Bell, enfant
- Benedict Wong (VQ : François Godin) : Thompson
- Matt Berry (VQ : Denis Michaud) : Overmeyers
- Malcolm Stewart (en) : le technicien

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