Vu le film L’Art d’être Heureux de Stefan Liberski (2025) avec Benoit Poelvoorde Camille Cottin Gustav Kervern François Damiens Laurence Bibot Lorella Cravotta Marine Dandoy Ambre Grouwels
Un plasticien, artiste conceptuel et professeur d'art à Bruxelles, Jean-Yves Machon (Benoît Poelvoorde) remet en cause sa pratique de l'art du vide pour tenter de renouveler sa vie en faisant table rase de son art. Malheureux, il part s'installer à Mers-les-Bains en Picardie sur la falaise, face au Tréport impressionniste et normand, dans une maison-soucoupe vintage héritée des rêves d'avant-garde des années 1960. Là il rencontre des artistes locaux, naïfs et rêveurs qui tentent de vivre pleinement l'instant présent. Il est pris dans une suite de quiproquos. Après quelques péripéties, Machon finit par retrouver sa fille élevée en Chine à Qingdao après sa séparation.
L’Art d’être heureux de Stefan Liberski est un titre qui sonne comme une promesse, mais qui se transforme vite en ironie. Du début à la fin, le film ne fait qu’aligner des scènes où la tristesse domine, où les personnages semblent prisonniers d’une mélancolie qu’ils ne savent ni assumer ni sublimer. Malgré un casting de qualité, on a l’impression d’assister à une longue dérive sans direction.
L’histoire, censée suivre un petit groupe d’anciens artistes, se déroule dans un décor qui pourrait être attachant : des intérieurs marqués par le temps, des lieux où la mémoire des années 70 flotte encore. Ces personnages sont censés questionner la notion de bonheur, mais leur quête se réduit à des beuveries, des discussions pompeuses et des gesticulations mal cadrées. Chacun se débat dans son coin, entre nostalgie et perte de repères, mais jamais cela ne devient vraiment touchant. Le spectateur reste à distance, incapable de s’attacher à eux.
Le problème est double : d’une part, un manque cruel de fil conducteur. Le film avance par à-coups, sans logique claire, accumulant des séquences décousues qui ne construisent ni un récit ni une émotion durable. D’autre part, un ton pesant, comme si Liberski confondait lenteur et profondeur. Résultat : l’ensemble est confus, inepte, et finit par donner l’envie de lever les yeux au ciel.
On s’attendait à ce que le réalisateur, aussi auteur de bande dessinée, sache au moins insuffler une respiration graphique, un souffle, une bulle de plaisir — quelque chose qui ferait dire qu’on prend goût à ce qu’on voit. Or rien de tout cela n’arrive. La mise en scène est terne, sans éclat. Les personnages parlent, mais leurs mots coulent comme de la pluie dans un caniveau : ils s’excitent parfois comme des escargots dans un bocal, puis s’effondrent dans des discours qui donnent des envies de fenêtre ouverte et de saut dans le vide.
Le casting, pourtant excellent sur le papier, devient une galerie de pantins désarticulés. On sent que les comédiens essaient, mais ils semblent perdus dans la direction d’acteurs. Aucun ne parvient à tirer son épingle du jeu. Les scènes collectives ne dégagent pas d’énergie, et les scènes intimes ne révèlent aucune vérité émotionnelle. Ce qui aurait pu être un portrait touchant de vieux paumés de l’art conceptuel des années 70 tourne au grotesque désabusé.
On ressort du film avec l’impression d’avoir vu une œuvre inutilement pesante, incapable de faire naître la moindre étincelle. La recherche du bonheur, thème annoncé, se transforme en constat : celui d’une incapacité à saisir le présent et à rendre hommage à un passé créatif. Liberski avait les moyens de nous donner une fresque tendre, mais il nous livre au contraire un récit terne, où l’on cherche en vain un fil rouge.
Au final, L’Art d’être heureux est un titre trompeur. Ce film ne fait ni rire, ni réfléchir, ni vibrer. Il laisse indifférent, totalement. Et si l’on doit en retenir quelque chose, c’est que malgré la sympathie qu’on pouvait avoir pour le projet, il se perd dans une confusion totale. Pesant, décousu, sans message clair, il s’efface aussitôt qu’il s’achève. Un film qui ne restera pas dans les mémoires — sinon comme la preuve qu’on peut rater le coche même avec un bon casting et un beau sujet.
NOTE : 5.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Stefan Liberski
- Musique : Casimir Liberski
- Décors : Maude Piette
- Costumes : Claire Dubien
- Photographie : Hichame Alaouie
- Son : Thomas Gastinel, Maud Lombart et Laure Arto
- Montage : Frédérique Broos
- Production : Patrick Quinet et Bertrand Faivre
- Sociétés de production : Le Bureau, Artémis Productions, KMBO
- Société de distribution : KMBO
- Benoît Poelvoorde : Jean-Yves Machond
- Camille Cottin : Cécile Fouasse-Demaupré, galeriste
- François Damiens : Claude Fouasse, médecin et époux de Cécile
- Gustave Kervern : Bagnoule
- Laurence Bibot : Le Homet
- Lorella Cravotta : Macha Moniak
- Marine Dandoy : Déborah
- Ambre Grouwels : Ambre

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