Vu le film Ari de Léonore Seraille (2025) avec Andranic Manet Pascal Reneric Théo Delezenne Ryad Ferrad Eva Lallier Juan Lomande de Dietrich Sophie Cattani Audrey Bonnet Vincent Colombe
Ari, 26 ans, réussit contre toute attente son concours de professeur des écoles. Neuf mois plus tard, fragilisé par des débuts difficiles dans une maternelle lilloise, il craque en pleine classe et se retrouve à l'hôpital. Son père, que ce énième échec rend furieux, le chasse du domicile familial. Fébrile et ébranlé, traversé de visions étranges, Ari erre dans la ville et se lance malgré lui dans une suite de retrouvailles.
Ari de Léonor Serraille est un film d’une pudeur douloureuse, un portrait de crise intérieure aussi fragile que son héros. Ari, jeune professeur remplaçant, pensait avoir réussi ses examens — une erreur qui bouleverse d’un coup son équilibre déjà instable. Il n’est pas prêt. Ni pour enseigner, ni pour affronter le monde. Face à une classe de maternelle où l’innocence des enfants contraste avec sa propre fébrilité, il craque doucement. Le film épouse cette dérive : tout tremble, tout vacille, à commencer par lui.
Quand son père le met dehors, Ari erre dans la ville comme un fantôme vibrant. Il croise Jonas, Clara — des rencontres charnelles, éphémères, maladroites — des visages à la fois réels et flous, comme les reflets d’un miroir qu’il ne parvient plus à fixer. La normalité, chez lui, n’a jamais été un refuge. Elle l’effraie. Il y a dans cette errance un souffle électrique : la ville devient un corps nerveux, parcouru de sons crus, de néons, de pluie. Les trottoirs suintent la solitude, les intérieurs se font cages. La caméra, à fleur de peau, hésite avec lui, recule parfois, comme pour le laisser respirer avant la chute.
Léonor Serraille filme la fragilité comme un état d’être, jamais comme une faiblesse. Ari, c’est la nervure à vif d’une génération qui ne sait plus comment grandir, ni pourquoi. Un regard qui fuit, une main tremblante sur le tableau, suffisent à raconter ce naufrage doux. Rien n’est démonstratif, tout est sensoriel, tendu vers l’intime.
Et si le film tient, s’il émeut à ce point, c’est par la grâce d’Andranic Manet, lumineux et écorché. Découvert dans Le Roman de Jim, confirmé dans Fario et Rabia, il incarne ici un mélange rare de vulnérabilité et de retenue. Son Ari est à la fois un enfant perdu et un homme en sursis. Il ne joue pas : il vacille, il respire à contretemps du monde. Dans chaque geste, chaque silence, il y a une vérité.
Ari est un film sur la peur d’exister, sur le vacillement d’un jeune homme que tout menace mais que la caméra, miraculeusement, comprend sans jamais le juger. Un film fiévreux et tendre, où le réel semble constamment sur le point de s’effondrer — et où, pourtant, un battement de cœur persiste. Une œuvre fragile, comme un souffle qu’on n’ose pas troubler.
NOTE : 12.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Léonor Serraille
- Costumes : Céline Brelaud
- Photographie : Sébastien Buchmann
- Son : Pierre Bariaud, Niels Barletta, Charlotte Butrak et Anne Dupouy[]
- Production : Grégoire Debailly et Sandra Da Fonseca
- Co-production : Benoît Roland[]
- Sociétés de production : Blue Monday Productions et Geko Films, en co-production avec Arte France et Wrong Men[]
- Société de distribution : Condor Entertainment[
- Andranic Manet : Ari[]
- Pascal Rénéric : le père d'Ari[]
- Théo Delezenne : Jonas[]
- Ryad Ferrad : Ryad[]
- Eva Lallier Juan : Clara[]
- Lomane de Dietrich : Aurore[]
- Mikaël-Don Giancarli : le jardinier[]
- Clémence Coullon : Irène[]
- Sophie Cattani[]
- Audrey Bonnet
- Vincent Colombe

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