Vu le Film A Big Bold Beautiful Journey de Kogonada (2025) avec Collin Farrel Margot Robbie Kevin Kline Phoebe Waller Bridge Jodie Turner Smith Lily Rabe Billy Magnusen Brandon Perea Chloe East
David se rend à un mariage dans sa vieille voiture équipée d'un GPS unique. En chemin, il rencontre Sarah, et ensemble, ils embarquent pour un voyage suggéré par le GPS. Ils confrontent leur passé et explorent des paysages peints, menant à un lien plus profond. Alors qu'ils envisagent leur avenir, ils sont confrontés à une décision cruciale concernant leur relation.
Un grand de Kogonada est un film d’une grâce rare, mais aussi d’une fragilité assumée. Le cinéaste, qu’on connaît pour ses essais vidéo sur la forme et la structure du cinéma, transpose ici son regard analytique à une fiction : chaque plan, chaque mouvement, chaque silence semble réfléchi comme un élément d’un tout. L’histoire paraît simple : David (Colin Farrell), un homme solitaire, se rend à un mariage, tandis que Sarah (Margot Robbie) suit son propre chemin, avec ce détachement lumineux de ceux qui ne veulent plus croire aux contes. Leur rencontre paraît d’abord anodine, puis devient la clé d’un étrange voyage, où la route qu’ils empruntent leur permet de revisiter leur passé, d’ouvrir des portes sur des fragments de vie oubliés. Le film suggère qu’en revivant nos moments fondateurs, il serait peut-être possible de transformer ce que nous deviendrons.
Au début, l’ensemble paraît flottant, presque abstrait. Kogonada impose un rythme contemplatif, déconcertant : on ne comprend pas tout, on cherche les règles du jeu, on assemble les indices comme un puzzle lentement révélé. Puis quelque chose s’ouvre. On saisit la logique interne, la poésie du montage, la précision du découpage. Le film prend soudain des airs de fable moderne, presque comme si Eternal Sunshine of the Spotless Mind rencontrait une comédie musicale suspendue dans le temps. David et Sarah deviennent les deux pôles d’un même désir : comprendre ce que le passé a fait d’eux, et si l’amour peut survivre aux corrections du souvenir.
Visuellement, Kogonada prouve une nouvelle fois qu’il sait filmer l’espace et le silence comme peu d’autres. Les routes deviennent des rubans de mémoire, les reflets sur les vitres évoquent des strates de temps superposées. Chaque plan a quelque chose de pictural, parfois jusqu’à la préciosité. La mise en scène a des allures de peinture impressionniste : touche après touche, une émotion finit par émerger. C’est beau, c’est délicat, mais cela demandera de la patience à ceux qui attendent une narration classique. Le rythme est parfois trop uniforme, trop monocorde ; certaines séquences semblent s’étirer, se contempler elles-mêmes au lieu de vibrer. Mais c’est aussi cette lenteur qui permet à l’émotion de s’infiltrer.Joe Hisaishi n’est pas un simple accompagnateur ici, mais véritablement l’ossature émotionnelleton film,Une grande beauté audacieuse, il agit comme un narrateur invisible : c’est sa musique qui guide les personnages, qui relie les fragments de mémoire, qui donne à la mise en scène de Kogonada cette dimension presque spirituelle.
Dès les premières notes, on sent qu’il ne s’agit pas d’une partition d’illustration, mais d’un langage parallèle.
Ils gazouillent, les cordes diaphanes, les motifs en spirale rappellent ses plus belles collaborations avec Miyazaki, mais dans un registre plus mélancolique, plus adulte. Ici, il n’y a pas de féerie, pas de magie manifeste : seulement l’écho d’un rêve passé. Et c’est justement ce contraste — cette pureté mélodique face à la complexité du récit — qui fait naître la beauté du film.
On pourrait presque dire que A Big Bold Beautiful Journey s’écoute autant qu’il se regarde sonate cinématographique, où chaque mouvement correspond à une étape intérieure : la rencontre, la perte, la mémoire, la renaissance.
Sans cette partition, l’œuvre risquerait sans doute de paraître trop conceptuelle, trop cérébrale. Mais Hisaishi humanise tout : il insuffle au film ce que les mots n’arrivent pas à dire. Dans les regards de Colin Farrell et Margot Robbie, la musique agit comme un souvenir qui affleure, comme une promesse de douceur au cœur de la confusion.
Ce que j’en retiens, c’est la délicatesse. Kogonada ne cherche pas à bouleverser : il cherche à faire ressentir. Le film ne crie jamais, il chuchote. On peut lui reprocher son côté trop lisse, sa retenue, son absence de véritable tension dramatique. Mais il y a dans cette pudeur quelque chose d’apaisant. Le voyage de David et Sarah, c’est celui que chacun porte en soi : un retour vers ce qui fut, non pour le corriger, mais pour l’accepter. Et de cette acceptation naît une forme de beauté simple, presque naïve, mais profondément sincère.
Un film imparfait, lent, parfois frustrant — mais aussi un film rare, humble et lumineux. On sort de A Big Bold Beautiful Journey avec la sensation d’avoir traversé un songe doux-amer, à mi-chemin entre la mémoire et l’avenir. Et si tout cela n’était qu’une façon de dire que nos vies, elles aussi, sont des œuvres en cours, toujours prêtes à être réécrites ?
NOTE / 11.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Kogonada
- Scénario : Seth Reiss
- Directrice artistique : Mary Florence Brown
- Décors : Katie Byron
- Costumes : Arjun Bhasin
- Photographie : Benjamin Loeb
- Montage : Susan E. Kim
- Musique : Joe Hisaishi
- Producteurs : Dan Friedkin, Ryan Friedkin, Youree Henley, Seth Reiss et Bradley Thomas
- Producteurs exécutifs : Ori Eisen, Gino Falsetto, Ilene Feldman et Kogonada
- Sociétés de production : Columbia Pictures, Imperative Entertainment, 30West, Original Films et Chapel Place Productions
- Société de distribution : Sony Pictures Releasing
- Margot Robbie (VF : Dorothée Pousséo) : Sarah
- Colin Farrell (VF : Boris Rehlinger) : David
- Kevin Kline : le mécanicien
- Phoebe Waller-Bridge : la caissière
- Jodie Turner-Smith : la voix du GPS
- Lily Rabe : la mère de Sarah
- Billy Magnussen : l'homme
- Sarah Gadon : l'ex-fiancée de David
- Brandon Perea : Mike
- Chloe East : Cheryl
- Hamish Linklater : le père de David
- Yuvi Hecht : David jeune
- Jennifer Grant : la mère de David
- Brooke Maroon : Amy Moore
- Jacqueline Novak : Stacy Dunn
- Calahan Skogman : le garçon d'honneur de Sarah
- Shelby Simmons (VF : Kelly Bellacci) : Régisseuse
- Lucy Thomas : Amanda

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