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dimanche 26 octobre 2025

11.40 - MON AVIS SUR LE FILM LA PEAU

 


Vu le Film La Peau de Liliana Cavani (1981) avec Marcello Mastroianni Burt Lancaster Alexandra King Carlo Giuffré Yann Babilée Jeanne Valérie Liliana Tari Ken Marshall Claudia Cardinale 

 

Le personnage central est un officier de liaison italien auprès des Alliés, à Naples, fin 1943, au début de la campagne d'Italie. Entre la misère et les décombres d'une ville qui vient de sortir de la guerre, le peuple de Naples tente de continuer à vivre. 

Des prisonniers allemands vendus au poids, un char américain démonté pour être vendu, des enfants donnés aux soldats nord-africains pour être abusés, une "sirène" servie au cours d'un dîner « Renaissance », et de nombreuses autres scènes de la folie ordinaire de cette guerre, dont l'apothéose est la tragique éruption du Vésuve. 

Avec La Peau, Liliana Cavani adapte Curzio Malaparte sans filtre et sans ménagement. Elle ne fait pas dans la demi-mesure — ce n’est pas son style et cela se voit. Ici, tout est outrancier, frontal, insoutenable : qu’il s’agisse d’horreurs de guerre, de violences sexuelles ou de la marchandisation absolue des corps. La réalisatrice filme la libération de Naples comme un cauchemar éveillé, un moment où la barbarie continue sous un autre drapeau. Pas d’héroïsme, pas de gloire, pas de lumière : seulement la « libération » comme contre-sens historique. Et Cavani ne nous épargne rien. 

Tout le monde en prend pour son grade : les Américains sûrs de leur victoire et avides de chair fraîche, les Italiens soumis, humiliés, les civils corrompus, les soldats aveuglés. L’ennemi allemand est à peine montré, car le propos est ailleurs : la violence ne disparaît pas quand on change de uniforme. Les jeunes femmes presquent blondes deviennent marchandise, bétail humain, vendues et consommées par les libérateurs. Les jeunes garçons sont livrés aux pulsions d’Américains qui paient et se servent. Un civil écrasé sous un char passe dans l’indifférence générale : la marche en avant vaut plus que la vie. 

Au centre, le capitaine Malaparte observe et raconte, témoin désabusé, cynique, presque fataliste. Il nous guide dans ce musée des infamies, filmé par Cavani comme un documentaire glauque, froid, clinique. Pas de guimauve : seulement la distance glaçante des faits. La Peau rappelle que l’Histoire n’est pas qu’un récit de vainqueurs mais un charnier où la dignité humaine s’effondre. La mise en scène est sèche, implacable, sans envolée esthétique. La caméra ne tremble pas, ne détourne jamais le regard, et c’est précisément ce qui nous choque. 

Cette froideur peut être un atout — ou un défaut, selon la sensibilité du spectateur. Mais l’objectif est clairement atteint : on est révulsé, retourné, mis face à ce qu’on ne voulait pas voir. Parfois, on en rit de dépit, parce que l’horreur devient absurde, obscène. Cavani cherche le malaise et elle l’obtient, scène après scène, en refusant tout refuge émotionnel. Il n’y a pas d’air dans ce film, et c’est volontaire. 

Les acteurs portent puissamment ce dispositif. Marcello Mastroianni incarne un Malaparte cynique, lucide, presque spectral. Burt Lancaster, en militaire sûr de son bon droit, représente l’aveuglement des vainqueurs. Les deux donnent au film une force supplémentaire : leur présence suffit à rendre la monstruosité encore plus dérangeante, parce qu’elle est dite sans hystérie, comme une banalité. 

La Peau est un film provocateur, violent, dérangeant, à déconseiller aux âmes sensibles. Mais il reste unique. Cavani signe une œuvre qui ne cherche pas à plaire : elle cherche à marquer, à ironiser, à dénoncer. Ici, la chair est viande, l’Italie est un corps, la guerre une boucherie, et la libération un marché. On ne ressort pas indemne : on ressort sali, secoué, écœuré — exactement comme Cavani l’a voulu. 

 NOTE : 11.40

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Liliana Cavani

Scénario : Liliana Cavani, Robert Katz, Catherine Breillat, d’après le roman de Curzio Malaparte

Musique : Lalo Schifrin

Photographie : Armando Nannuzzi

Montage : Ruggero Mastroianni

Décors : Dante Ferretti

Costumes : Piero Tosi et Ugo Pericoli

Production : Renzo Rossellini, Manolo Bolognini, Alain Poiré

Sociétés de production : Opera Films Produzione (Rome), Gaumont

DISTRIBUTION


 

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