Vu le film La Poison de Sacha Guitry (1951) avec Michel Simon Germaine Reuver Jean Debucourt Marcelle Arnold Louis de Funès Georges Bever Nicolas Amato Jacques Varrières Jeanne Fusier-Gir Albertg Duvaleix Pauline Carton Léon Walther Henry Laverhne
Paul Braconnier et sa femme Blandine n'ont qu'une seule idée en tête : trouver le moyen d'assassiner l'autre sans risque. À la suite d'une émission de radio, Paul décide de se rendre à Paris pour rencontrer un célèbre avocat spécialisé dans l'acquittement des assassins. Il fait croire à l'avocat qu'il a tué sa femme. L'avocat interroge Paul pour reconstituer les circonstances du drame. Sans le savoir, il explique, bien malgré lui, la marche à suivre pour que Paul assassine sa femme en mettant de son côté toutes les chances d'éviter la guillotine, et même d'être acquitté.
La Poison (1951) de Sacha Guitry, c’est un peu comme un tour de passe-passe théâtral filmé : on sait qu’on est manipulé, et pourtant on se laisse embarquer avec gourmandise. Tout commence avec ce générique d’anthologie : Guitry, en maître de cérémonie, nous présente ses comédiens comme on ferait une revue d’armes. L’éloge est en direct, devant les acteurs qui sourient, gênés ou ravis, comme des élèves pris à partie par le professeur. Voilà le premier mensonge assumé : flatterie, complaisance, séduction. Et tout le film suivra cette ligne : la vérité est une construction, et la rhétorique une arme plus tranchante que n’importe quel couteau de cuisine.
L’histoire est simple mais redoutablement efficace : Paul Braconnier (Michel Simon), un homme marié depuis trop longtemps à Blandine (Germaine Reuver, véritable poison en chair et en os), rêve d’échapper à son enfer conjugal. Le hic, c’est que Blandine a exactement la même idée, sauf qu’elle est passée chez le droguiste acheter de la « mort aux rats ». Le titre ne s’appelle pas Le Poison mais bien La Poison, et tout est dit : ce n’est pas la poudre qui tue, mais la femme. Finalement, Paul n’attendra pas d’être empoisonné et décidera de mettre fin à ce supplice conjugal à sa manière.
Et là, Guitry sort son arme fatale : le procès. Paul, dans une cellule qui ressemble étrangement à celle qu’occupait Guitry durant la guerre (clin d’œil autobiographique et ironique), devient maître de la situation. Au tribunal, il retourne les arguments, il joue sur les mots, il fait basculer la gravité vers l’absurde. « Si je n’avais pas tué ma femme, dit-il en substance, je ne serais pas là pour en discuter avec vous. » C’est d’un cynisme délicieux, une logique de comptoir transformée en démonstration implacable.
Michel Simon, évidemment, porte le film sur ses épaules comme un ogre débonnaire. Quelle gouaille ! Quelle puissance ! Rarement il aura été aussi drôle et aussi inquiétant, aussi bonhomme et aussi monstrueux. Chaque ligne de dialogue est un bijou, et dans sa bouche cela devient un feu d’artifice. Germaine Reuver, en harpie domestique, est parfaite dans le rôle de la mégère qu’on adore détester. Et puis, clin d’œil savoureux, dans un minuscule rôle de greffier apparaît un jeune Louis de Funès, qu’on imagine condamné à une carrière anecdotique… On se demande bien ce qu’il a pu devenir, ce petit gars nerveux (SIC).
Au fond, La Poison est un film d’une modernité insolente : une satire du mariage, une comédie noire sur la justice, un éloge de l’écriture qui transforme un fait divers en farce grandiose. On en ressort en se disant que Guitry est un escroc magnifique : il nous vend du mensonge comme d’autres vendent des assurances, mais avec un style et une virtuosité qui forcent l’admiration. C’est 85 minutes d’intelligence, de mauvaise foi et de plaisir pur.
Un chef-d’œuvre où l’humour noir se marie au génie verbal. Et surtout, un écrin pour Michel Simon, qui y signe sans doute l’un de ses plus grands rôles. Le poison, ici, ce n’est pas Blandine, ni la mort aux rats : c’est le verbe de Guitry, distillé à chaque réplique, qui nous enivre sans antidote possible.
NOTE : 14.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Sacha Guitry
- Scénario, adaptation, dialogue : Sacha Guitry
- Production : Paul Wagner, Alain Poiré
- Société de production et distribution : Gaumont
- Directeur de production : Robert Sussfeld
- Musique : Louiguy (éditions Hortensia)
- Photographie : Jean Bachelet
- Opérateur : Gustave Raulet, René Ribaud
- Montage : Raymond Lamy
- Décors : Robert Dumesnil, assisté de Jacques Brizzio
- Ensemblier : Robert Christidès
- Script-girl : Odette Lemarchand. Pendant le générique, Sacha Guitry lui demande la permission de la présenter comme script-lady
- Régisseur : Irénée Leriche, assisté de Hubert Mérial
- Date de tournage : du 10 au
- Michel Simon : Paul Louis Victor Braconnier, horticulteur
- Germaine Reuver : Blandine Braconnier, la femme de Paul
- Jean Debucourt : Maître Aubanel, le célèbre avocat
- Louis de Funès : André Chevillard, un habitant de Remonville
- Marcelle Arnold : Germaine Chevillard, la femme d'André
- Georges Bever : M. Gaillard, le pharmacien de Remonville
- Nicolas Amato : Victor Boitevin, un habitant
- Jacques Varennes : le procureur
- Jeanne Fusier-Gir : Mme Tyberghen, la fleuriste
- Pauline Carton : Mme Michaud, la mercière
- Albert Duvaleix : l'abbé Méthivier
- Léon Walther : l'avocat général
- Henry Laverne : le président du tribunal
- Harry Max : Henri, un habitant
- Jacques de Féraudy : M. Jean Brun, un homme défendu par l'avocat
- Jacques Derives : Jules Martinet, un habitant
- Robert Mercier : Fernand Gaudin, un habitant
- Yvonne Hébert : Ernestine Abajoue, une habitante
- Luce Fabiole : Amélie Berthelon, la servante du curé
- Marthe Sarbel : Julie Poitrineau, une habitante
- Max Dejean : Gustave Battendier, l'épicier
- Michel Nastorg : un gendarme
- Louis Eymond : le secrétaire de l'avocat
- André Dalibert : un gendarme
- Marie Fromet : Mlle Aubanel
- Suzanne Dantès : une voix à la radio
- Jacques Morel : une voix à la radio
- Maurice Pierrat : une voix à la radio
- Jean Toscane : le speaker de la radio
- Roger Poirier : Louis Colledepatte
- Henri Belly : Marc, un habitant
- Thérèse Quentin : Thérèse Chignol
- Emile Riandreys : le geôlier
- Bob Ingarao : un habitant qui porte Paul à la sortie du car
- Maurice Teynac : un avocat
Lors du générique apparaissent les techniciens et collaborateurs suivants :

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