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samedi 4 octobre 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM LAPOISON DE SACHA GUITRY (1951)


 Vu le film La Poison de Sacha Guitry (1951) avec Michel Simon Germaine Reuver Jean Debucourt Marcelle Arnold Louis de Funès Georges Bever Nicolas Amato Jacques Varrières Jeanne Fusier-Gir Albertg Duvaleix Pauline Carton Léon Walther Henry Laverhne  

Paul Braconnier et sa femme Blandine n'ont qu'une seule idée en tête : trouver le moyen d'assassiner l'autre sans risque. À la suite d'une émission de radio, Paul décide de se rendre à Paris pour rencontrer un célèbre avocat spécialisé dans l'acquittement des assassins. Il fait croire à l'avocat qu'il a tué sa femme. L'avocat interroge Paul pour reconstituer les circonstances du drame. Sans le savoir, il explique, bien malgré lui, la marche à suivre pour que Paul assassine sa femme en mettant de son côté toutes les chances d'éviter la guillotine, et même d'être acquitté. 

La Poison (1951) de Sacha Guitryc’est un peu comme un tour de passe-passe théâtral filmé : on sait qu’on est manipulé, et pourtant on se laisse embarquer avec gourmandiseTout commence avec ce générique d’anthologie : Guitryen maître de cérémonie, nous présente ses comédiens comme on ferait une revue d’armesL’éloge est en direct, devant les acteurs qui sourientgênés ou raviscomme des élèves pris à partie par le professeur. Voilà le premier mensonge assumé : flatterie, complaisance, séduction. Et tout le film suivra cette ligne : la vérité est une construction, et la rhétorique une arme plus tranchante que n’importe quel couteau de cuisine. 

L’histoire est simple mais redoutablement efficace : Paul Braconnier (Michel Simon), un homme marié depuis trop longtemps à Blandine (Germaine Reuver, véritable poison en chair et en os), rêve d’échapper à son enfer conjugal. Le hic, c’est que Blandine a exactement la même idée, sauf qu’elle est passée chez le droguiste acheter de la « mort aux rats ». Le titre ne s’appelle pas Le Poison mais bien La Poison, et tout est dit : ce n’est pas la poudre qui tuemais la femme. Finalement, Paul n’attendra pas d’être empoisonné et décidera de mettre fin à ce supplice conjugal à sa manière. 

Et Guitry sort son arme fatale : le procès. Paul, dans une cellule qui ressemble étrangement à celle qu’occupait Guitry durant la guerre (clin d’œil autobiographique et ironique), devient maître de la situation. Au tribunal, il retourne les arguments, il joue sur les mots, il fait basculer la gravité vers l’absurde. « Si je n’avais pas tué ma femme, dit-il en substance, je ne serais pas  pour en discuter avec vous. » C’est d’un cynisme délicieux, une logique de comptoir transformée en démonstration implacable. 

Michel Simon, évidemmentporte le film sur ses épaules comme un ogre débonnaire. Quelle gouaille ! Quelle puissance ! Rarement il aura été aussi drôle et aussi inquiétantaussi bonhomme et aussi monstrueuxChaque ligne de dialogue est un bijou, et dans sa bouche cela devient un feu d’artifice. Germaine Reuver, en harpie domestique, est parfaite dans le rôle de la mégère qu’on adore détester. Et puis, clin d’œil savoureux, dans un minuscule rôle de greffier apparaît un jeune Louis de Funèsqu’on imagine condamné à une carrière anecdotique… On se demande bien ce qu’il a pu devenir, ce petit gars nerveux (SIC). 

Au fond, La Poison est un film d’une modernité insolente : une satire du mariage, une comédie noire sur la justice, un éloge de l’écriture qui transforme un fait divers en farce grandiose. On en ressort en se disant que Guitry est un escroc magnifique : il nous vend du mensonge comme d’autres vendent des assurances, mais avec un style et une virtuosité qui forcent l’admirationC’est 85 minutes d’intelligence, de mauvaise foi et de plaisir pur. 

Un chef-d’œuvre  l’humour noir se marie au génie verbal. Et surtout, un écrin pour Michel Simon, qui y signe sans doute l’un de ses plus grands rôles. Le poison, ici, ce n’est pas Blandine, ni la mort aux rats : c’est le verbe de Guitrydistillé à chaque réplique, qui nous enivre sans antidote possible. 

NOTE : 14.10

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Lors du générique apparaissent les techniciens et collaborateurs suivants :

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