Vu le Film Topaze de Marcel Pagnol (1951) avec Fernandel Hélène Perdrière Marcel Vallée Jacques Morel Pierre Larquey Jacqueline Pagnol Jacques Castelot Milly Mathis
Professeur de morale à la pension Muche, Topaze est aussi sincère et sérieux que naïf. Il est secrètement amoureux d'Ernestine, la fille du directeur. Mais lorsque Topaze refuse de remonter les notes d'un élève de bonne famille qui ne le mérite pas, ce dernier le licencie sur-le-champ.
Topaze est alors engagé par Régis de Castel-Vernac, un politicien véreux arrondissant ses fins de mois par le détournement de marchés publics. Entraîné malgré lui dans des affaires louches, Topaze se rend peu à peu compte que la vie est bien différente dans les affaires de celle qu'enseignaient ses cours de morale, et se fait l'élève de Castel-Vernac.
Topaze de 1951, réalisé par Marcel Pagnol lui-même, est une adaptation fidèle et jubilatoire de sa propre pièce, avec Fernandel dans le rôle titre. C'est cette mouture que vous évoquez, et elle brille par sa fidélité à l'esprit satirique de l'œuvre, sans les clichés provençaux de la Canebière ou du pastis – juste un accent chantant chez Fernandel qui sert à merveille le personnage. Loin d'un simple film théâtral pour la TV, c'est une œuvre cinématographique taillée pour l'écran, subversive pour l'époque en questionnant la morale quand l'amour et l'ambition entrent en jeu. Un honnête instituteur amoureux de la fille de son directeur : est-ce vraiment moral ? Le cinéma actuel, trop lisse, gagnerait à s'en inspirer pour sa verve corrosive.L’Histoire Albert Topaze, instituteur modèle dans une école privée, incarne la vertu absolue : il enseigne la morale avec une naïveté désarmante, refusant de truquer les notes du petit-fils d'une baronne influente. Ce geste d'honnêteté lui coûte son poste, orchestré par le directeur Muche, un opportuniste sans scrupules. Amoureux d'Ernestine Muche, la fille du directeur, Topaze est manipulé dans sa vulnérabilité. Il tombe ensuite sous l'influence du conseiller municipal corrompu Castel-Bénac et de sa maîtresse Suzy Courtois, qui l'utilisent comme homme de paille pour une affaire frauduleuse. De candide professeur, Topaze devient un homme d'affaires véreux, embrassant la corruption qu'il combattait. Ce parcours en deux actes – l'innocent chuté, puis le rusé triomphant – est une satire impitoyable des hypocrisies sociales, où l'amour non réciproque accélère la bascule morale. Fidèle à la pièce, l'histoire respecte les personnages : Topaze le parangon de vertu, Muche le profiteur, Castel-Bénac le politicien pourri, Suzy la séductrice calculatrice, et Ernestine l'instrument cynique.
Un casting truculent et un Fernandel au sommet Fernandel est impérial en Albert Topaze, au zénith de son art : son visage expressif, son accent provençal malicieux et sa gestuelle fluide transforment ce rôle en un chef-d'œuvre de comédie dramatique. Il passe de la candeur touchante à la crapulerie jubilatoire avec une aisance qui rend chaque réplique inoubliable – qui d'autre que lui pour ce virage hilarant et poignant ? Entouré d'une brochette d'acteurs truculents, le film vit de leurs échanges électriques. Jacqueline Pagnol, en Ernestine Muche, est délicieusement perfide, usant de son charme pour exploiter l'amour de Topaze avec une froideur exquise.
Jacques Morel, parfait en Castel-Bénac, incarne le politicien véreux avec une arrogance gouailleuse et une roublardise qui vole la vedette dans les scènes de manipulation. Marcel Vallée, en directeur Muche, apporte une mesquinerie autoritaire et hypocrite, rendant son personnage odieusement crédible. Sans oublier Hélène Perdrière en Suzy Courtois, séductrice fatale au sourire carnassier, ou Pierre Larquey en Pinchon, le fidèle adjoint qui tempère le chaos avec une bonhomie attendrissante. Chacun, des seconds rôles comme Milly Mathis (la baronne) ou Jacques Castelot (le majordome) aux figurants, insuffle une énergie palpable, faisant du casting un atout majeur qui élève le film au rang de classique.Mise en scène et scénario : une alchimie parfaiteLa mise en scène de Pagnol, ancrée dans ses racines théâtrales, est un modèle d'efficacité : plans fixes mais expressifs, décors intérieurs sobres qui focalisent sur les visages et les dialogues, créant une intimité presque claustrophobique pour accentuer la tension morale. Le découpage en deux parties – Topaze l'idéaliste brisé, puis Topaze le requin impitoyable – est un coup de maître, chacune gorgée de scènes cultes et de répliques ciselées (« L'honnêteté, c'est comme un parapluie : on l'ouvre quand il pleut, mais on le ferme vite quand ça brille ! »). Le scénario, fidèle à l'original, déploie son ironie avec une précision diabolique, explorant les failles humaines sans manichéisme. C'est subversif : montrer un homme vertueux sombrer par amour et ambition, dans une France d'après-guerre obsédée par la reconstruction, c'est oser critiquer le système avec un humour grinçant qui masque une profondeur philosophique.Un film subversif et jubilatoireVotre avis sur sa subversion résonne pleinement : à une ère où la morale était sacrée, Topaze révèle que l'honnêteté est un luxe fragile face aux tentations. Le parcours de cet instituteur, de la vertu naïve à la vénalité assumée, est un plaisir rare, jouissif dans sa lucidité. Positif et intemporel, ce film, avec ses acteurs inoubliables, sa mise en scène ciselée et son scénario mordant, reste une leçon pour le cinéma d'aujourd'hui. Une redécouverte impérative pour rire, réfléchir et applaudir Fernandel et sa troupe !
NOTE : 14.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation, scénario et dialogues : Marcel Pagnol d'après sa pièce Topaze
- Assistant réalisateur : François Gir
- Décors : Hugues Laurent, Roger Jodelay et Robert Giordani pour les maquettes
- Costumes et robes d'Hélène Perdrière : Schiaparelli
- Photographie : Philippe Agostini
- Cadreur : Jean-Marie Maillols, assisté de Pierre Ancrenoy et Clément Maure
- Montage : Monique Lacombe, assistée de Jacqueline Bultez
- Musique : Raymond Legrand
- Son : Marcel Royné, assisté de Barthelmy et Henry Girbal
- Directeur de production : Jean Martinetti
- Maquillage : Nicole Bouban et Ralph
- Photographe de plateau : Igor Kalinine
- Assistante rédacteur : Jacqueline Bultez
- Scripte : Régine Hernou
- Secrétaire de production : Annette Millet-Julian
- Régisseur : Marcel Bryau et Georges Baze
- Régisseur extérieur : Géo Saudry
- Accessoiriste : Dubouilh et Max Lecointre
- Société de production : Les Films Marcel Pagnol
- Format : Noir et blanc — 35 mm — 1,37:1 — Son mono
- Système sonore Western Electric
- Laboratoire G.T.C Saint-Maurice
- Tournage du au à Franstudio à Saint-Maurice
- Fernandel : Albert Topaze, professeur à la pension Muche
- Hélène Perdrière : Suzy Courtois
- Marcel Vallée : M. Muche, le directeur de la pension ; Marcel Vallée tient le même rôle 18 ans plus tôt dans l'adaptation de Louis J. Gasnier.
- Jacqueline Pagnol : Ernestine Muche, sa fille
- Pierre Larquey : Tamise, un professeur ; Pierre Larquey a tenu le même rôle 18 ans plus tôt dans l'adaptation de Louis J. Gasnier.
- Jacques Morel : Régis de Castel-Vernac
- Jacques Castelot : Roger Gaëtan de Bersac
- Milly Mathis : la baronne de Pitart-Vergniolles
- Yvette Étiévant : la dactylo de Topaze
- Robert Moor : le vénérable vieillard
- Rivers Cadet : l'agent de police
- Marcel Loche : un domestique
- Georges Montal

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