Vu le Film Le Grand Déplacement de Jean Pascal Zadi (2025) avec Jean Pascal Zadi Lous and the Yakusa Reda Kateb Fadily Camara Fary Jean Claude Muaka Claudia Tagbo Deborah Lukumuena Eric Judor (voix)
Alors que la Terre se meurt, des pays africains s'associent pour organiser la première mission spatiale africaine, persuadés que les autres pays vont délaisser leur continent.
L’équipage, issu de plusieurs pays africains, doit atteindre une exoplanète baptisée Nardal. L'équipe a pour mission de s'assurer que la planète est habitable pour y déplacer tous les Africains quand la Terre deviendra inhabitable.
Jean-Pascal Zadi revient avec Le Grand Déplacement, comédie de science-fiction qui raconte la première mission spatiale africaine, envoyée sur la planète Nardal pour y préparer l’exode des Africains si la Terre devenait invivable. Un point de départ audacieux, presque absurde, où l’on sent la volonté d’en faire un geste politique, une farce symbolique. Mais à l’arrivée, l’objet filmique reste indéfinissable : ni satire aboutie, ni vraie comédie, ni cinéma tout court — une sorte de brûlot sans flamme.
Deux lectures s’imposent.
Première option : au premier degré.
Zadi et ses auteurs semblent vouloir provoquer et choquer, et dans ce cas ils y parviennent — mais sans art, sans tenue, sans idée de cinéma. Si le but était de déranger, il est atteint, mais la question demeure : déranger pour quoi ? Le Grand Déplacement n’ouvre aucun débat, ne nourrit aucune réflexion ; il ne fait qu’agiter les symboles pour le plaisir d’agiter. Les acteurs, pourtant nombreux et souvent talentueux ailleurs, semblent ici abandonnés à eux-mêmes. On ne sait jamais s’ils jouent sérieusement la comédie ou s’ils improvisent un sketch mal tenu. On y croise un équipage bariolé, censé représenter l’Afrique dans toute sa diversité, mais réduit à des stéréotypes de sitcom. La direction d’acteurs est inexistante : chacun surjoue, bafouille, cabotine. C’est un chaos filmé sans regard.
Zadi, en capitaine d’un vaisseau sans cap, filme la provocation pour la provocation, un pamphlet déguisé en farce spatiale. Sous couvert d’humour, il signe un brûlot politique désordonné, sans aucune construction, ni émotion, ni cohérence. Tout semble sacrifié au profit d’un mot d’ordre : choquer. Le cinéma, lui, reste sur le pas de la porte.
Deuxième option : au second degré.
On pourrait croire que Zadi joue la carte de la parodie, qu’il ironise sur les clichés, qu’il pousse volontairement le mauvais goût pour révéler la vacuité du discours ambiant. Mais le film ne donne jamais les clés de cette lecture. L’humour, ici, n’est ni percutant ni réflexif : il s’écrase sous son propre bruit.
Dans Tout simplement noir, Zadi avait réussi un équilibre rare : parler de la condition noire avec une légèreté déconcertante, utiliser la banalité du quotidien pour toucher à des sujets profonds. La spontanéité de la mise en scène, le format quasi documentaire, la succession de sketches formaient un tout organique, une radiographie vive de la société française.
Dans Le Grand Déplacement, tout cela s’inverse. Le film fonce tête baissée dans des sujets à résonance politique — écologie, identité, panafricanisme, colonisation, masculinité — mais les disperse dans un scénario bancal, une conquête spatiale incohérente, et un goût du pastiche qui ne s’assume jamais. La parodie s’effondre faute d’ironie véritable. Zadi filme comme s’il montait un clip de propagande comique : beaucoup d’agitation, peu de direction.
Le spectateur reste embarrassé devant cette avalanche de gags jamais drôles, cette logorrhée de bons mots qui tombent à plat, cette volonté d’être impertinent sans jamais être intelligent. Le comique repose sur des cris, des mimiques, des situations grotesques, mais sans rythme, sans invention. À cela s’ajoute une interprétation désastreuse : surjeu permanent, absence d’écoute, et cette impression tenace que personne ne sait vraiment ce qu’il joue. Le film devient pénible à suivre tant il s’enferme dans sa cacophonie.
Même visuellement, rien ne vient sauver l’ensemble. La mise en scène est plate, les décors artificiels, la lumière criarde ; on ne sent aucune recherche plastique, aucun regard sur le cadre. Le montage accumule les ruptures de ton, les séquences juxtaposées sans logique — comme si l’on avait monté des sketchs filmés au hasard dans l’espace.
Le Grand Déplacement aurait pu être un ovni audacieux, une satire cosmique, un geste politique détourné. Mais il n’en reste qu’un brouillon hypertrophié, un projet qui confond provocation et pensée, excentricité et art. Zadi veut déranger, mais il oublie de construire. Résultat : un film qui prétend viser les étoiles et s’écrase sur le plancher des vaches.
NOTE : 5.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Jean-Pascal Zadi
- Scénario : Jean-Pascal Zadi et Hélène Bararuzunza
- Musique : Guillaume Roussel
- Décors : Maamar Ech-Cheikh
- Costumes : Maïra Ramedhan Levi
- Photographie : Antoine Roch[3]
- Production : Sidonie Dumas, Camille Moulonguet et Rémi Cervoni
- Sociétés de production : Douze Doigts Productions, Umedia et Gaumont, avec la participation de France 2 Cinéma
- Société de distribution : Gaumont (France)
- Budget : 17,1 millions d'euros
- Jean-Pascal Zadi : Pierre Blé
- Reda Kateb : Abdel Souya
- Lous and the Yakuza : Wangari Tamaï
- Fadily Camara : Mariama N'Diaye
- Fary : Frantz Dubois
- Jean-Claude Muaka : Armand
- Déborah Lukumuena : Simone Mounié
- Claudia Tagbo : Madame Zokou
- Alassane Diong : Demba Camara
- Edgar-Yves : Patrice Emery
- Josh Casaubon : journaliste américain
- Aïssatou Diallo Sagna : collaboratrice UNIA
- Sidiki Bakaba : Djimé Bakara
- Djimo
- Observateur Ébène
- Jackee Toto : Roger Milla
- Gbi de Fer : invité africain
- Éric Judor : Roger 1000 bras (voix)

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