Vu le Film En Première Ligne (Heldin) de Petra Volpe (2025) avec Leonie Benesch Sonja Riesen Selma Adin Jasmin Mattei Anna Katarina Muller Urs Bihler Jurg Plush
Floria est une infirmière dévouée qui fait face au rythme implacable d’un service hospitalier en sous-effectif. En dépit du manque de moyens, elle tente d’apporter humanité et chaleur à chacun de ses patients. Mais au fil des heures, les demandes se font de plus en plus pressantes, et malgré son professionnalisme, la situation commence dangereusement à lui échapper…
Il y a des films qui ressemblent à des cris du cœur, d’autres à des cris d’alarme. En Première Ligne appartient à cette seconde catégorie, et il le fait avec une intensité qui laisse rarement indemne. Tourné en Suisse, ce film s’ancre dans un sujet que l’on croit connaître de loin — la situation des infirmières dans les Ehpad — mais qu’il nous fait ressentir de l’intérieur, au ras du quotidien, jusqu’à la suffocation.
Le scénario ne s’embarrasse pas de détours : il suit Floria, une jeune infirmière, tout au long de ses journées de travail dans un établissement médicalisé. Huit heures de labeur condensées en 90 minutes. Et tout est là : les couloirs étroits, les chambres où le silence alterne avec les cris, les regards perdus des résidents. Mais aussi la fatigue qui s’accumule, la pression venue des supérieurs, le manque de moyens criant, l’absence de soutien psychologique pour ceux qui sont en première ligne face à la détresse.
Le film est construit comme un thriller : caméra au poing, rythme haletant, urgence constante. On n’a pas l’impression de regarder une fiction classique, mais plutôt d’être plongé dans un documentaire nerveux où la caméra refuse de lâcher Fiona. Le spectateur devient témoin direct, collé à son quotidien, happé par ce flux incessant de gestes, de soins, de décisions à prendre dans l’instant. Chaque séquence est tendue, chaque geste semble vital, comme si la moindre erreur pouvait tout faire basculer.
Le choix de Leonie Benesch pour incarner Floria est absolument déterminant. Déjà impressionnante dans La Salle des profs, elle confirme ici un talent rare : celui de rendre palpable l’épuisement, la pression, mais aussi l’humanité qui se niche derrière chaque regard, chaque sourire esquissé malgré la fatigue. Dans ses yeux, on lit à la fois l’empathie pour les malades et la douleur de porter, jour après jour, le poids d’un système qui craque de partout. Dans sa gestuelle, on voit la discipline du métier mais aussi la fébrilité, le risque de flancher à force d’encaisser.
L’histoire de Floria n’est pas seulement celle d’une infirmière, c’est celle d’un symbole : celui de toutes ces soignantes et soignants qui tiennent debout malgré tout. Le film montre les résidents, vieux, usés, fatigués, parfois agressifs, parfois perdus. Mais il montre surtout le lien ténu qui se crée entre eux et Floria, ce fil fragile qui fait tenir debout aussi bien les malades que l’infirmière elle-même.
Le réalisateur choisit de ne pas appuyer sur les violons. Pas de grands discours, pas de dialogues démonstratifs. Tout passe par la mise en scène : la répétition des gestes, les visages filmés de près, la respiration haletante de Floria qui court d’un lit à l’autre. On vit avec elle l’état d’urgence permanent, ce marathon quotidien où l’on ne sait jamais ce qui va arriver la minute suivante.
Ce réalisme, presque documentaire, se transforme en tension dramatique. On pense parfois à un thriller médical, mais ici les ennemis ne sont pas des tueurs en série ou des catastrophes spectaculaires. Ce sont la fatigue, la bureaucratie, le manque de temps, l’isolement, le désespoir latent. Et cette menace invisible est peut-être plus effrayante encore.
En Première Ligne est donc un film profondément politique, même s’il ne brandit pas de slogans. C’est un constat : celui d’une crise sanitaire qui se prolonge et s’amplifie, en Suisse comme ailleurs. Les Ehpad ne sont pas seulement des lieux de soins, ce sont des foyers d’urgence où tout le monde souffre, patients comme soignants.
Et c’est aussi un hommage limpide, sans détour, au travail des infirmières. Ce film ne glorifie pas, il ne mythifie pas. Il montre la réalité, et c’est justement cette réalité brute qui devient bouleversante. Dans la sueur, dans les gestes mécaniques, dans l’empathie de Fiona qui lutte contre son propre épuisement, on lit la grandeur invisible de ce métier.
Leonie Benesch porte tout cela avec une conviction rare. Elle n’a pas besoin de dialogues flamboyants pour exister : un regard suffit, une hésitation, une main posée sur une épaule. On la voit vaciller, on la voit tenir. Et cette tension intérieure, elle la communique directement au spectateur.
On sort vidé, comme Floria. Essoufflé par 90 minutes de tension, mais surtout conscient d’avoir vu un film qui compte. Un film qui ne cherche pas à faire spectacle, mais qui transforme le réel en drame puissant.
En Première Ligne est à la fois un cri d’alarme et un cri d’amour pour celles et ceux qui tiennent la barque à bout de bras. Et au cinéma, ce mélange-là est rare et précieux.
NOTE : 12.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Petra Volpe
- Scénario : Petra Volpe
- Musique : Emilie Levienaise-Farrouch
- Décors : Béatrice Schultz
- Costumes : Linda Harper
- Photographie : Judith Kaufmann
- Son : Gina Keller et Guido Keller
- Montage : Hansjörg Weißbrich
- Production : Reto Schaerli et Lukas Hobi
- Société de production : MMC Studios Köln GmbH, Zodiac Pictures International et SRG SSR
- Société de distribution : Wild Bunch Distribution
- Pays de production :
Allemagne et
Suisse
- Réalisation : Petra Volpe
- Scénario : Petra Volpe
- Musique : Emilie Levienaise-Farrouch
- Décors : Béatrice Schultz
- Costumes : Linda Harper
- Photographie : Judith Kaufmann
- Son : Gina Keller et Guido Keller
- Montage : Hansjörg Weißbrich
- Production : Reto Schaerli et Lukas Hobi
- Société de production : MMC Studios Köln GmbH, Zodiac Pictures International et SRG SSR
- Société de distribution : Wild Bunch Distribution
- Pays de production :
Allemagne et
Suisse

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