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mercredi 22 octobre 2025

14.80 - MON AVIS SUR LE FILM L'ENIGME VELASQUEZ DE STEPHANE SORLAT (2024)

 


Avis sur le film L’Enigme Velasquez de Stéphane Sorlat (2024) Voix de Vincent Lindon  Isabel Coixet Agustin Diaz Yanes 

Diego Velázquez, peintre des rois et des humbles, maître de l'hors-champ et des mises en abyme, se trouve au cœur d’un voyage cinématographique défiant les conventions. De la profondeur hypnotique des Ménines aux niveaux de lecture vertigineux des Fileuses, L’ÉNIGME VELÁZQUEZ s’attache à élucider une question troublante : comment cet artiste, admiré par des génies tels que Manet et Dalí, demeure-t-il si souvent en marge de la mémoire collective ? Guidé par le fil symbolique de l’eau, métaphore du mouvement et de la réflexion, le film traverse les siècles et les continents, mêlant avec audace récits d’historiens, interprétations contemporaines et méditations sur l’héritage universel d’un maître inégalé. 

"L'énigme Velázquez" clôt une trilogie entamée avec "Le Mystère Jérôme Bosch » et "L'Ombre de Goya". 

Je n’ai jamais prétendu connaître les peintres,leurs tableaux  ni leurs techniques, ni la profondeur de leurs vies. Pourtant, j’ai ce plaisir simple et têtu : m’asseoir devant un grand tableau, surtout au Louvre, et laisser mon regard fouiller la toile comme on fouille un secret. On observe un repli d’ombre, un éclat de lumière posé là comme un clin d’œil, un détail que le peintre n’a offert qu’aux spectateurs patients. Alors, oui, sans en avoir la certitude, je me suis probablement déjà assis devant un Velázquez, happé par son mystère. Et ce que j’aime dans L’Énigme Velázquez, c’est justement que Stéphane Sorlat filme ce mystère et nous y invite, sans jamais prétendre tout résoudre. 

Après L’Ombre de Goya, dont il fut le producteur, Sorlat passe cette fois derrière la caméra pour interroger un autre géant espagnol : Diego Velázquez, peintre du Siècle d’or, témoin autant qu’acteur d’une Espagne obsédée par la représentation du pouvoir et le poids de l’Église. Le documentaire déroule son récit avec une fluidité rare. On navigue entre les œuvres, les spécialistes de l’artiste, l’histoire politique du XVIIᵉ siècle et les traces laissées dans la culture moderne, de Michel Foucault à Salvador Dalí en passant par Picasso et Francis Bacon. Et même lorsque Sorlat ose certaines comparaisons avec des artistes mineurs, dont la confrontation avec Velázquez paraît inégale – son audace reste assumée. Elle témoigne d’un regard, pas d’un catalogue. 

Le film ne cherche pas l’exhaustivité universitaire. Sorlat privilégie une approche claire, lisible, presque pédagogique. Il évoque les techniques de Velázquez, mais sans jargon : l’économie du geste, la précision du regard, l’art de l’ombre, cette façon unique de faire vibrer la présence humaine. Pas de démonstration pesante, pas de cours magistral, mais un chemin guidé dans l’œuvre. On retrouve Les MéninesLes Fileuses, les portraits royaux, les nains, les bouffons, et peu à peu se dessine ce mélange troublant d’élégance et de cruauté, caractéristique de la Cour d’Espagne. 

Le documentaire a aussi l’intelligence de replacer Velázquez dans son époque : la monarchie espagnole, la décadence politique, la puissance religieuse, les tensions sociales. Ce contexte n’est pas un décor : il explique la peinture et parfois la contredit. Sorlat montre comment Velázquez fut à la fois serviteur du pouvoir et témoin lucide de ses failles. On découvre un homme discret, secret, dont la vie intime demeure en pointillés, mais dont chaque toile parle avec force. 

Visuellement, le film est très classieux : beaux cadres, rythme posé, montage élégant, musique mesurée. Jamais bavard, jamais écrasant. On se laisse porter. Et surtout, il donne envie de retourner voir les toiles, de s’asseoir à nouveau devant elles, de chercher ce fameux détail que l’œil n’avait pas vu la première fois. 

Sans être un spécialiste, j’ai trouvé là un documentaire intelligent, clair, vivant et respectueux, capable d’éveiller la curiosité sans l’étouffer. L’Énigme Velázquez ne prétend pas résoudre son sujet, mais il nous apprend à mieux regarder. Et rien que pour cela, il mérite d’être vu. 

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