Vu le Film Santosh de Sandhya Suri (2024) avec Shahana Goswani Nawal Shukla Sanjay Bishnoi Kushal Dubey Shashi Beniwal Pratibha Awasthi
À la mort de son mari, tué lors d'une émeute dans un quartier musulman, Santosh (Shahana Goswami) hérite de son emploi au sein de la police indienne, en vertu de la loi de « recrutement compassionnel » en vigueur dans le pays. Sous l'uniforme, elle découvre le sexisme au sein de la police. Elle se retrouve à enquêter sur la disparition d'une jeune paysanne de la caste des Intouchables. Avec le soutien bienveillant et intéressé de sa supérieure hiérarchique Sharma (Sunita Rajwar (en)), elle remonte jusqu'à un potentiel suspect. Son enquête se heurte toutefois à la violence du système de castes et des conflits entre communautés religieuses[
Santosh impressionne par son mélange de polar et de chronique sociale. On découvre l’Inde rurale à hauteur de femme, loin des clichés et sans vernis folklorique. La réalisatrice met en scène un pays où castes, misogynie, corruption et violence institutionnelle s’entremêlent dans le quotidien le plus banal, et c’est précisément ce réalisme sec qui frappe. On plonge dans un monde qu’on ne connaît pas, on y croit, et on en sort plus lucide.
L’enquête policière sert de porte d’entrée, jamais de prétexte. Rien n’est didactique : les injustices s’imposent d’elles-mêmes, par les gestes, les regards, l’humiliation publique, les abus policiers, le poids écrasant des traditions. La mise en scène est sobre, élégante, presque feutrée, et c’est ce contraste entre douceur formelle et brutalité sociale qui rend le film percutant. Jamais démonstratif, jamais surligné.
Les actrices portent le film avec une force tranquille. Le personnage principal incarne une femme prise dans un système qui l’écrase, mais qu’elle regarde en face. Les figures féminines qu’elle croise ne sont pas des symboles faciles : chacune se débat avec ce qu’elle peut, comme elle peut. Il y a, dans ces portraits, une vérité rare et sans emphase.
Santosh montre un pays malade de ses castes et de ses hiérarchies, mais il le montre sans discours et sans rage factice. Le film raconte simplement comment on survit dans un ordre injuste — et c’est précisément ce calme, ce refus du spectaculaire, qui crée son intensité. Un polar modeste en surface, profondément politique en profondeur, et surtout humain.
Ce qui frappe enfin, c’est la cohérence de l’ensemble : découpage, direction d’acteurs, atmosphère, lumière, rythme — tout sert le même geste artistique. L’élégance de la forme n’annule jamais la brutalité du fond, et cette friction crée une œuvre puissante, lucide et nécessaire. On pense à Satyajit Ray, mais débarrassé d’une part de douceur humaniste : ici, l’Inde est filmée frontalement, sans apaisement possible, avec une lucidité contemporaine.
NOTE : 14.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Sandhya Suri (en)
- Musique : Luisa Gerstein
- Direction artistique : Parvindar Singh
- Décors : Devika Dave
- Costumes : Bhagyashree Dattatreya Rajurkar
- Photographie : Lennert Hillege
- Son : Etienne Haug
- Montage : Maxime Pozzi-Garcia
- Production : James Bowsher, Balthazar de Ganay, Mike Goodridge, Alan McAlex
- Sociétés de production : Good Chaos, en coproduction avec Haut et Court, Razor Film Produktion GmbH, British Broadcasting Corporation (BBC) et British Film Institute (BFI)
- Shahana Goswami : Santosh Saini
- Sunita Rajwar (en) : Geeta Sharma
- Nawal Shukla : l'inspecteur Thakur
- Sanjay Bishnoi : Beniwal
- Kushal Dubey : Vikram
- Shashi Beniwal : Amit Kohli
- Pratibha Awasthi : Priya

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire