Vu le Film César de Marcel Pagnol (1936) avec Raimu Orane Demazis Fernand Charpin Pierre Fresnay Millys Matthis Marcel Maupi André Foucher Alida Rouffe Edouard Delmont Rellys Paul Dulac et Doumel
Vingt années ont passé, Césariot est doué dans les études ; il pourrait sortir major de l'école Polytechnique. Il a été élevé à grands frais par le généreux Panisse et croit sincèrement que ce dernier est son père biologique. Le poids des ans fait que Panisse, très âgé, va bientôt mourir. Le curé exigeant que la vérité soit révélée à Césariot, Panisse obtient que Césariot n'apprenne la vérité sur ses origines qu'après son enterrement
Avec César, Marcel Pagnol referme sa Trilogie Marseillaise en cinéaste, après en avoir été l’auteur et l’âme. Dernier chapitre, dernier souffle sur la Canebière, et déjà une atmosphère différente : le film s’ouvre et s’étire comme un adieu. On quitte même Marseille, fait inédit, comme si l’histoire, arrivée à maturité, avait besoin de prendre l’air du large pour mieux revenir au port. La comédie solaire des débuts s’efface ; restent les remords, les aveux, les retrouvailles manquées et l’espoir fragile. L’émotion prend le pas sur la galéjade, et Pagnol, au lieu de forcer la truculence, choisit la gravité.
L’histoire, désormais connue et pourtant toujours poignante, pousse ses derniers nœuds. Panisse, vieillissant, quitte ce monde et ses parties de cartes, laissant Fanny veuve et Césariot orphelin – du moins en apparence. Car le secret, le fil dramatique qui tenait déjà Fanny, arrive ici à son point de rupture : Marius est le véritable père. Tout le film organise, dans la plus pure théâtralité marseillaise, la série de confrontations qui en découlent : Césariot face à Marius, Césariot face à César, puis César face à Marius, tandis que Fanny, ombre discrète et digne, veille, endure, comprend et apaise. Ces scènes, qu’on devine à l’avance, n’en ont pas moins la force des fatalités antiques.
Raimu, monumental, porte le film comme César porte le Bar de la Marine : avec orgueil, tendresse et tyrannie mêlés. Jamais il n’a été aussi royal, à la fois colosse et enfant blessé, drôle malgré lui, tragique par pudeur. Face à lui, Pierre Fresnay fait un Marius plus grave, assombri par l’exil et la culpabilité ; et Orane Demazis apporte à Fanny ce mélange de douceur résignée et de courage silencieux qui donne au film sa respiration émotive. Quant au jeune André Fouché, il incarne un Césariot naïf, maladroit, parfois insolent, mais bouleversant lorsqu’il découvre la vérité : c’est par lui que la trilogie se dépasse, ouverte vers un avenir incertain.
La mise en scène de Pagnol, souvent jugée simple, me touche au contraire par sa sincérité. Pas d’affèteries, pas d’angles virtuoses : il place sa caméra comme on ouvre des fenêtres, pour laisser entrer les acteurs, les voix, la lumière du Midi et la vérité brute des sentiments. César repose sur les dialogues, oui — mais quels dialogues ! Pagnol dirige ses scènes comme des duels d’âmes. Le scénario, limpide, ne cherche ni la surprise ni le spectaculaire : il organise un adieu. Tout converge vers ce point où chacun doit poser son fardeau et, malgré tout, continuer à vivre.
Le film est sans doute le plus triste des trois, car il ne rit plus des faiblesses humaines : il les accepte. Panisse s’en va, Marius revient trop tard, César se brise sans le dire, et Fanny, comme tant de femmes, ramasse les morceaux. Mais loin de sombrer, César éclaire — d’une lumière crépusculaire, certes, mais splendide. Au dernier regard de Raimu, silencieux, la trilogie se ferme comme une porte qu’on sait ne plus rouvrir.
Avé César, donc. Et merci.
NOTE : 16.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Marcel Pagnol, assisté de Pierre Méré et Pierre Arnaudy[]
- Scénario : Marcel Pagnol
- Photographie : Willy Faktorovitch
- Montage : Suzanne de Troeye[], assistée de Jeannette Ginestet
- Décors : Marius Brouquier
- Son : Georges Gérardot[]
- Musique : Vincent Scotto[]
- Production : Marcel Pagnol pour Les Films Marcel Pagnol
- Tournage : extérieurs à Marseille, Toulon et Cassis ; intérieurs dans les studios Marcel Pagnol à Marseille, entre mai et août 1936
- Raimu : César Ollivier, patron du Bar de la Marine
- Pierre Fresnay : Marius Ollivier, son fils
- Orane Demazis : Fanny Panisse
- Fernand Charpin : Honoré Panisse, mari de Fanny
- André Fouché : Césariot Panisse, fils de Fanny et de Marius
- Alida Rouffe : Honorine Cabanis, mère de Fanny
- Milly Mathis : Claudine Foulon, tante de Fanny
- Paul Dullac : Félix Escartefigue, ancien capitaine du ferry-boat
- Robert Vattier : Aldebert[8] Brun dit « Monsieur Brun », vérificateur des douanes à la retraite
- Marcel Maupi : Innocent Mangiapan, le chauffeur du ferry-boat
- Édouard Delmont : Dr Félicien Venelle
- Jean Castan : l'enfant de chœur
- Robert Bassac : Pierre Dromard, ami parisien de Césariot
- Rellys : l'employé de Panisse
- Odette Roger : la bonne de l'hôtel
- Doumel : Fernand, l'associé de Marius.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire