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mardi 14 octobre 2025

13.10 - MON AVIS SUR LE FILM CHAPPIE DE NEIL BLOMKAMP (2015)

 


Vu le Film Chappie de Neil Blomkamp (2015) avec Hugh Jackman Dev Patel Shartlo Copley Sigourney Weaver Jose Pablo Cantillo Anri du Toit Watkin Tudor Jones 

Chaque enfant entre dans le monde avec plein de promesses, et Chappie ne fait pas exception: il est doué et spécial, un vrai prodige. Comme n'importe quel enfant, Chappie sera influencé par les gens de son entourage. 

Dès les premières minutes de Chappie, on redoute un film de robots tapageur à la sauce Transformers ou Real Steel, plein de tôles froissées et de circuits en furie. Mais Neill Blomkamp, fidèle à l’esprit de District 9, détourne rapidement le genre pour en faire une fable à la fois politique et sentimentale. Derrière les exosquelettes et les armes automatiques, il y a ici une réflexion sur la conscience, l’apprentissage et la violence du monde humain. Loin du spectacle hollywoodien pur, Chappie trouve sa force dans son regard : celui d’un enfant artificiel découvrant la cruauté et la beauté d’un univers qui ne lui veut pas forcément du bien. 

L’histoire se déroule à Johannesburg, dans un futur proche. Les forces de police utilisent des robots pour rétablir l’ordre dans les bidonvilles. L’un d’eux, endommagé, est récupéré par Deon Wilson (Dev Patel), un ingénieur brillant travaillant pour la société Tetra Vaal. Deon parvient à y implanter une intelligence artificielle capable d’apprendre seule, de ressentir, et peut-être de rêver. Mais avant qu’il n’ait pu en faire un projet officiel, il se fait kidnapper par un trio de marginaux – Ninja, Yolandi et Amerika – qui veulent utiliser son robot pour commettre des braquages. Le robot, baptisé Chappie, grandit ainsi dans un environnement de gangsters paumés, à la fois tendres et dangereux, mi-parents, mi-bourreaux. 

C’est dans cette tension – entre innocence et délinquance – que le film trouve sa justesse. Chappie est un enfant métaphorique, une conscience naissante dans un monde brisé. Il doit apprendre à marcher, à parler, à survivre, et à comprendre la contradiction des adultes : ceux qui l’aiment l’exploitent, ceux qui le rejettent le craignent. Comme E.T. ou Frankenstein, le film parle de la peur de la différence et de l’échec de l’humanité à protéger ce qu’elle crée. 

La mise en scène de Blomkamp est d’une nervosité remarquable. Il filme la ville sud-africaine comme une jungle urbaine post-apocalyptique, saturée de couleurs, de graffitis, de déchets et d’énergie punk. La caméra à l’épaule, les cadres serrés et la photographie crue renforcent cette impression d’immersion dans un monde à la fois réaliste et délirant. Loin du vernis des productions américaines, Chappie respire la poussière et la sueur, avec une énergie brute qui rappelle les films de série B intelligents. 

Mais c’est surtout le personnage de Chappie lui-même qui fascine. Entièrement recréé en motion capture par Sharlto Copley, il impressionne par son naturel. Pas d’humain dans un costume, pas de robot réel : tout est numérique, mais d’une fluidité et d’une expressivité étonnantes. Copley lui insuffle une gestuelle enfantine, maladroite, puis de plus en plus affirmée, traduisant à merveille son évolution morale. Ce petit robot sans visage devient incroyablement émouvant — preuve que la performance capture, bien dirigée, peut donner vie à une âme artificielle. 

Le casting autour fonctionne à merveille. Dev Patel apporte son humanité inquiète, tout en incarnant un créateur dépassé par sa création. Hugh Jackman, en militaire borné et brutal, se glisse dans la peau d’un antagoniste caricatural mais efficace, sorte de mélange entre bureaucrate fanatique et soldat frustré. Sigourney Weaver, en directrice froide et pragmatique, complète cette galerie d’humains déshumanisés. Mais la vraie trouvaille, c’est le duo formé par Ninja et Yolandi Visser, membres du groupe Die Antwoord, qui jouent une version décalée d’eux-mêmes. Leur univers trash, leur langage de rue et leur naïveté absurde forment le contrepoint parfait à la pureté du robot. Ils deviennent, malgré eux, les parents déglingués de cette créature de métal — figures d’un amour bancal mais sincère. 

Le scénario, s’il suit une trame classique d’apprentissage, aborde avec intelligence les questions d’identité, de transmission et de survie. Blomkamp y injecte ses obsessions : la misère des townships, la privatisation du pouvoir, la violence policière et le désordre d’un monde livré à la technologie. Chappie, au fond, c’est District 9 revu à travers le regard d’un enfant-robot. Un conte cyberpunk sur la fragilité de l’humain dans la machine, mais aussi sur la possibilité de la tendresse dans le chaos. 

Bien sûr, tout n’est pas parfait : certaines scènes virent à la caricature, l’émotion est parfois forcée, et les effets numériques, pourtant impressionnants, écrasent parfois la mise en scène. Mais on pardonne ces excès tant le film possède une personnalité rare. Il dégage une sincérité, une fougue, un mélange d’innocence et de brutalité qui le rendent unique. 

Chappie n’est pas un simple film de science-fiction. C’est une fable sur la naissance de la conscience dans un monde en ruine, sur l’apprentissage de la douleur et du libre arbitre. Et même si le film trébuche parfois, il reste profondément touchant — un rêve de métal et de poussière, illuminé par la poésie d’un petit robot qui voulait juste comprendre ce que signifie « être vivant ». 

NOTE : 13.10

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