Vu le Film Marius de Alexander Korda (1er film de la Trilogie de Marcel Pagnol (1931) avec Raimu Pierre Fresnau Orane Demazis Fernand Charpin Alida Roufle Robert Vattier Edouard Delmont Lucien Callamand Milly Mathis Paul; Dullac et Mihalesco
L'action se déroule principalement sur le Vieux-Port de Marseille et plus particulièrement dans le Bar de la Marine de César, où travaille son fils, Marius
Jeune adulte, Marius tient le comptoir du bar mais il n'a qu'un rêve, embarquer sur l'un des bateaux qui traversent le port et prendre le large vers les pays lointains. Fanny, marchande de coquillages devant le bar avec sa mère, aime discrètement Marius depuis l'enfance. Et Marius, sans l'avouer, a toujours aimé Fanny mais garde ses distances avec elle. Pour pousser Marius à lui déclarer ses sentiments, Fanny attise sa jalousie en se laissant courtiser par le quinquagénaire Panisse, riche maître voilier et vieil ami de César.
Un tiers de Fanny (Orane Demazis), un tiers de Marius (Pierre Fresnay), un tiers de Panisse (Fernand Charpin)… et un grand tiers de César (Raimu) — car Raimu, c’est lui le soleil autour duquel tourne tout le port de Marseille. Ce premier épisode de la trilogie de Pagnol, c’est la naissance d’un monde : les brumes du Vieux-Port, le bruit des verres au Bar de la Marine, les rires qui s’envolent et les rancunes qui se noient dans le pastis.
César, c’est la mauvaise foi en personne — mais une mauvaise foi tendre, humaine, celle d’un père qui cache son amour derrière des éclats de voix. Raimu y est gigantesque : il passe du tonnerre à la caresse, du juron au sanglot. On sent qu’il aime son fils plus que lui-même, mais qu’il ne sait pas le dire.
Marius, lui, rêve d’horizons. Fresnay, beau, nerveux, romantique, donne au personnage ce trouble magnifique : le goût du large et la peur de l’amour. Dans son regard, on voit déjà la mer l’appeler. Il veut partir, mais il aime — et Pagnol filme cette contradiction comme un drame grec.
Et Fanny… ah, Fanny ! Orane Demazis est bouleversante. C’est la grâce à l’état pur : elle rit d’un rire d’enfant et pleure avec la noblesse d’une tragédienne. Partagée entre Marius, qu’elle aime, et Panisse, qui la rassure, elle incarne la femme marseillaise dans toute sa vérité : courageuse, fière, blessée.
Quant à Panisse, Fernand Charpin, c’est la bonhommie incarnée. Derrière sa moustache et ses phrases rondes, il y a le cœur d’un homme qui comprend la vie mieux que tous les autres : il sait qu’on ne peut pas tout avoir, mais qu’il faut aimer quand même.
Et puis, comment ne pas parler de la partie de cartes ! Ce moment d’anthologie, où Pagnol capture toute l’âme de Marseille : le bruit des cartes qui claquent, les tricheries d’honneur, la colère sacrée de César — et ce « Tu me fends le cœur ! » devenu légendaire. Une scène d’école, d’une vérité comique et tragique à la fois, où tout Pagnol est déjà là : la vie, la parole, la comédie humaine.
La mise en scène, simple et droite, laisse place à la musique des accents, à la chaleur du verbe. Le scénario, sans artifice, touche à l’universel : l’amour, la famille, le départ. Tout est là, à fleur de peau, sans effet, mais avec une vérité qu’aucun décor en carton ne pourrait étouffer.
Marius, c’est la Méditerranée filmée par un poète : le sel de la mer, le goût des mots, le souffle du large. Un film qui, près d’un siècle plus tard, n’a pas pris une ride — ou alors, comme Raimu, une belle ride expressive, pleine d’humanité. Un monument, oui, mais un monument qui rit, qui pleure, qui vit.
Et si César dit que son fils est un fada, on se dit, nous, que la folie, c’est de ne pas aimer Marius.
Et au fond, Marius avait raison : il fallait partir. Mais César, lui, avait raison aussi : il fallait rester.
C’est un film de rires et de larmes, où chaque scène semble sortie d’une légende populaire. Un théâtre de la vie, où l’on apprend que grandir, c’est choisir — et perdre un peu de soi. Raimu, Fresnay, Demazis, Charpin : quatre visages gravés dans la mémoire du cinéma français.
Un Cinéma Français qui avait de la gueule
NOTE : 16.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Alexandre Korda
- Supervision : Marcel Pagnol
- Scénario : Marcel Pagnol, d'après sa pièce de théâtre
- Musique : Francis Gromon
- Photographie : Ted Pahle
- Décors : Alfred Junge et Vincent Korda
- Montage : Roger Spiri-Mercanton[3]
- Production : Robert Kane[et Marcel Pagnol pour Paramount Pictures
- Tournage : extérieurs à Marseille (Vieux-Port), intérieurs aux Studios de Saint-Maurice (Val-de-Marne), nouvellement acquis par la société américaine de cinéma « Paramount ».
- Raimu : César Ollivier, patron du Bar de la Marine
- Pierre Fresnay : Marius Ollivier, son fils
- Orane Demazis : Fanny Cabanis, petite marchande de coquillages
- Alida Rouffe : Honorine Cabanis, sa mère
- Fernand Charpin : Honoré Panisse, maître voilier du Vieux-Port
- Paul Dullac : Félix Escartefigue, capitaine du ferry boat
- Mihalesco : Piquoiseau, ancien marin devenu mendiant
- Robert Vattier : Aldebert Brun, vérificateur des douanes
- Édouard Delmont : Le Goëlec, second de la Malaisie
- Lucien Callamand : le capitaine de la Malaisie
- Milly Mathis : Claudine Foulon, tante de Fanny
- Zé Digiovanni : Innocent Mangiapan, le chauffeur du ferry boat

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