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dimanche 19 octobre 2025

14.40 - MON AVIS SUR LE FILM FANNY DE MARC ALLEGRET (1932)


 Vu le Film Fanny de Marc Allegret (1932) avec Raimu Orane Demazis Fernand Charpin Pierre Fresnay Auguste Mourriès Alida Rouffe Marcel Maupi Robert Vattier Edouard Delmond Milly Matthis 

L'action se déroule entièrement sur le Vieux-Port de Marseille de l'entre-deux-guerres, où Marius (Pierre Fresnay), fils de César (Raimu), a noué une aventure amoureuse avec Fanny (Orane Demazis), la fille de la voisine marchande de poissons, Honorine (Alida Rouffe). Attiré par la mer et peu conscient de ses vrais sentiments amoureux pour sa fiancée, Marius est en train de réaliser son rêve : naviguer sur les mers et parcourir le monde. 

Fanny de Marc Allégret, d’après Marcel Pagnol — sortez vos mouchoirs, car cette deuxième partie de la trilogie sent les larmes, la nostalgie et le sel des absences. Si Marius était le film du départ, Fanny est celui de la blessure. Le fils s’en va, le père reste, et le cœur de la jeune femme se brise entre deux fidélités : celle à l’amour et celle à la vie. Le mistral souffle, et avec lui les émotions tourbillonnent sur la Canebière, effleurant nos propres souvenirs. 

L’histoire, on la connaît, mais elle frappe toujours au même endroit : Marius, parti pour la mer et la liberté, laisse derrière lui Fanny, enceinte. César, son père, ne voit plus son fils et s’enferme dans un chagrin silencieux, orgueilleux, immense. Panisse, le commerçant plus âgé, offre à Fanny une stabilité, un nom, une place dans le monde. Mais derrière cette union de raison, il y a le fantôme de Marius, toujours présent, toujours brûlant. Lorsque celui-ci revient, des mois plus tard, tout vacille. Le bar, le port, les visages : tout se fige dans une émotion suspendue. 

Marc Allégret filme Marseille comme un cœur battant. Les portes ne claquent pas comme au théâtre : c’est le mistral qui s’en charge, jouant la musique des sentiments. La Canebière, le bar de César, les quais, la lumière du Sud — tout respire la vie, la tendresse, l’âme. Ce cinéma sent la mer, le vin blanc, la sueur, la parole qui coule. On est dans un monde où chaque phrase de Pagnol résonne comme une chanson populaire. 

Orane Demazis, plus émouvante que jamais, porte le film de son regard doux et tourmenté. Elle donne à Fanny cette pudeur, cette résignation blessée, qui nous bouleverse sans artifice. Charpin, en Panisse, est plein de tendresse, à la fois maladroit et sincère, homme simple au cœur immense. Pierre Fresnay garde sa diction théâtrale, son port altier, mais derrière le ton parfois un peu raide, on sent le feu du passionné, celui qui a tout perdu. Et puis, au-dessus de tout, il y a Raimu. 

Raimu, colossal, tendre, colérique, désarmé. Il passe par tous les sentiments avec cette vérité de jeu qu’aucun acteur n’a jamais égalée. Quand il évoque son fils, c’est tout un père, tout un pays, tout un siècle qui parle. Sa douleur n’est pas jouée, elle est vécue. Son César, c’est la Provence incarnée, la dignité des humbles, la noblesse des cabaretiers, l’humanité nue. 

Ce deuxième volet prend une tournure plus complexe, plus intérieure. L’humour est toujours là — on le retrouve dans les joutes verbales, dans les parties de pétanque endiablées, dans les dialogues pleins de verve et de malice — mais il cohabite désormais avec le drame, avec la tendresse et la résignation. Pagnol tisse tout cela sans forcer, avec une musicalité unique : ses mots ont l’accent du cœur. 

Pas de baisse de régime, bien au contraire : Fanny approfondit tout ce que Marius annonçait. Les personnages gagnent en densité, la mise en scène d’Allégret en fluidité, et l’émotion atteint un sommet. On rit encore, mais on pleure plus. Le film s’achève sur cette impression d’inachevé, d’attente, de destin suspendu — parce que l’histoire n’est pas terminée, parce que la vie continue. 

Fanny, c’est la Canebière, le bar, le mistral, le soleil qui chauffe les esprits et les cœurs. C’est l’âme du Sud, vibrante, humaine, éternelle. Une œuvre indémodable, à la fois simple et bouleversante, où le verbe de Pagnol, l’œil d’Allégret et la chair de Raimu s’unissent pour créer ce miracle rare : du cinéma qui respire la vérité. 

 NOTE : 14.40

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