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vendredi 31 octobre 2025

MON TOP18 DES FILMS DU REALISATEUR JEAN RENOIR


 Voici le Récupilatif de mon TOP18 des Films de Jean Renoir 

1 La Règle du Jeu 

2 La Grande Illusion 

3 La Bête Humaine 

4 Le Caporal Epinglé 

5 Les Bas Fonds 

6 La Marseillaise 

7 Le Fleuve 

8 Le Testament du Dr Mabuse 

9 French Cancan 

10 Boudu Sauvé des Eaux 

11 Le Crime de M. Lange 

12 Toni 

13 Le Déjeuner sur l’Herbe 

14 Elena et les Hommes 

15 Le Carrosse d’Or 

16 Partie de Campagne 

17 Madame Bovary 

18 On Purge Bébé 

jeudi 30 octobre 2025

13.10 - MON AVIS SUR LE FILM ANGE DE TONY GATLIF (2025)


 Vu le Film Ange de Tony Gatlif (2025) avec Arthur Higelin Maria de Medeiros Mathieur Amalric Suzanne Aubert Christine Citti Dominique Collignon-Maurin 

Ange, voyageur solitaire et ethnologue de profession, doit pour rembourser sa dette, mettre le cap sur les bords de la Méditerranée. Alors qu’il a pris les routes au volant de son vieux van telle n’est pas sa surprise quand il retrouve cachée dans le coffre sa fille de 17 ans dont il vient à peine d’apprendre l’existence. 

Tony Gatlif revient ici à ce qu’il fait de plus beau : filmer les âmes libres, écorchées, nomades, et leur offrir un territoire d’émotion brute. Ange est une errance solaire et douloureuse à la fois, une traversée de la Provence baignée de lumière et de sons, où le réalisateur retrouve sa veine la plus instinctive, celle des routes poussiéreuses, des visages brûlés au vent, et des musiques qui naissent du cœur. 


Arthur Higelin, alias Arthu H., prête à ce personnage d’Ange une présence magnétique. C’est un homme cabossé, fugueur, un peu mystique malgré lui, qui semble chercher un lieu où reposer son regard plus qu’un toit. Dans ce rôle, l’acteur-musicien incarne toute la douceur et la rage du film : sa voix éraillée, son corps nonchalant, sa manière d’écouter les autres, tout en lui respire la vérité d’un homme égaré qui veut encore croire à la fraternité. Rarement un rôle aura autant semblé taillé sur mesure. 


Autour de lui gravitent les figures familières de l’univers de Gatlif : les Gitans, les routards, les vivants de peu, les conteurs de hasard. Chacun porte en lui un fragment de poésie, une blessure, une chanson. Gatlif ne filme pas la misère mais la dignité ; il aime ses personnages et les filme comme des soleils fêlés. On croise sur les routes des visages bouleversants, des dialogues où la simplicité devient éclat de vérité, des silences habités par la musique du monde. 


Le scénario, tout en apparence libre et vagabond, suit pourtant un fil discret : celui de la rédemption. Ange, en marchant, rencontre ce qu’il croyait avoir perdu : la foi dans l’autre. Ses rencontres sont autant de miroirs — certains bienveillants, d’autres traîtres — mais toutes le ramènent vers une humanité qu’il avait mise à distance. Le film est traversé de trahisons, d’élans, de pardons esquissés : une parabole de la vie telle que Gatlif la célèbre depuis toujours, rude et lumineuse à la fois. 


La mise en scène est d’une sensualité rare : la caméra s’attarde sur les mains, les visages, les objets, la poussière soulevée par les pas. On sent la Provence comme un personnage à part entière : la lavande, le romarin, la chaleur écrasante, le chant obstiné des cigales… tout respire le Sud, mais un Sud vivant, habité, loin des cartes postales. Gatlif a ce don de faire de chaque plan une célébration de la terre et des gens qui la foulent. 


Et puis il y a la musique, cœur battant du film. Fidèle à lui-même, Gatlif mêle les rythmes tziganes, les sons méditerranéens, la guitare manouche, les voix du voyage. Arthu H. y ajoute sa propre texture : des notes flottantes, parfois blues, parfois quasi mystiques. Ce dialogue entre les cultures, cette fusion des genres, donne au film une pulsation unique, comme si chaque émotion trouvait sa traduction musicale. 


Ange n’est pas un film de démonstration, encore moins un manifeste. C’est une balade humaine, une ode à la route, à la liberté, à la beauté du désordre. Sa poésie respire la poussière, la fraternité et la douleur de vivre. Dans un paysage cinématographique souvent corseté par le politiquement correct, Gatlif ose encore la sincérité, la ferveur et l’émotion sans filtre. 


À la fin, on quitte Ange le cœur gonflé. On a l’impression d’avoir marché à ses côtés, d’avoir partagé son pain, sa musique, ses silences. Ce film, plein de blessures et de lumière, donne envie de croquer la vie à pleines dents, de croire encore à la rencontre, à l’imprévu, à la beauté des chemins perdus. 


Une œuvre profondément humaine, musicale et vibrante, portée par un Arthur Higelin absolument formidable — à la fois ange déchu et guide terrestre — et par un Tony Gatlif qui signe là, peut-être, l’un de ses films les plus libres et les plus habités. 

NOTE : 13.10

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Tony Gatlif
  • Scénario : Valentin Dahmani, Tony Gatlif, Patricia Mortagne
  • Photographie : Lazare Pedron
  • Montage : Cesar Simonot
  • Musique : Carpotxa, Mazulu
  • Décors : Philippe Kara-Mohamed
  • Production : Tony Gatlif, Arthur H, Delphine Mantoulet, Fiona Monbet
  • Sociétés de production : Princes Production, Pastorale Productions
  • Société de distribution : Les Films du Losange

DISTRIBUTION



15.10 - MON AVIS SUR LE FILM HOUSE OF DYNAMITE (2025)


 Vu le film House of Dynamite de Kathryn Bigelow (2025) avec Idris Elba Jason Clarke Anthony Ramos Rebecca Fergusson Jared Harris Gabriel Basso Tracy Letts Mose Ingram Jonah Hauer King Greta Lee Kyle Allen 

Les États-Unis doivent faire face à une attaque imminente d'un missile nucléaire et l'intrigue se déroule de trois points de vue différents de différents échelons de la défense américaine : d'abord depuis la Maison-Blancheprincipalement dans la Situation Room ; ensuite du point de vue des militaires et en particulier celui du général commandant le STRATCOM ; enfin du point de vue du président des États-Unisen déplacement durant ces instants critiques. Le missile, dont l'origine n'est pas connue, se dirige vers Chicago et doit frapper la ville dans 20 minutes 

House of Dynamite s’ouvre sur une tension sourdepresque abstraite : quelque part au-dessus de l’océan, un missile non identifié se dirige vers les États-Unis, et plus précisément vers Chicago. Dès les premières images, on comprend qu’on n’est pas dans un film d’action classiquemais dans un exercice de précision  chaque minute compte chaque respiration devient une décision. Kathryn Bigelow, fidèle à son goût du réalisme nerveux, fait de cette menace un huis clos à ciel ouvertétalé sur plusieurs points de vue — trois exactement — chacun observant les mêmes dix-huit minutes, mais depuis une position différente : militaire, politique, civile. La même situation, vécue de trois manières, avec trois degrés d’impuissance. 

Ce qui frappe d’abordc’est la rigueur du jeu des acteurs. Rebecca Ferguson, en capitaine de base, est d’une justesse glaciale ; Idris Elba impose une autorité contenuepresque usée, face à la gravité de la situation ; Jared Harris, plus cérébralincarne cette bureaucratie du désastre qui se réfugie dans les procédures pour ne pas céder à la paniqueAucun ne cherche à tirer la couverture à lui. Chacun tient sa lignecomme dans une partition  le moindre excès ferait tout déraillerC’est une distribution solide, sans faille, qui maintient la tension sans jamais la théâtraliserC’est un film d’acteurs dans la mesure  l’émotion passe non par le dialogue, mais par les silences, les regards, les hésitations infimes. 

Bigelow retrouve ici ce qu’elle sait faire de mieux : installer une menace invisible et la rendre plus terrifiante que n’importe quelle explosion. Elle filme les visages, les écrans, les alarmes, les voix dans les casques — tout ce qui précède l’impact. Son cinéma est toujours une question de tension avant l’événement, et rarement de spectacle après. Le suspense monte comme une marée lente, presque insidieuse. On sent l’oppression, la peur collective qui se transforme en vertige. Il n’y a pas de héros, juste des êtres pris dans une machine qui les dépasseC’est , sans doute, que le film prend toute sa force : dans cette impression d’être spectateur d’un engrenage qu’aucun individu ne peut stopper. 

Le scénario repose sur un principe ambitieux : raconter une même séquence de dix-huit minutes à travers trois angles différents. À la première vision, il est vrai que tout peut sembler confus, le spectateur cherchant son fil entre ces changements de perspective. Mais à la seconde, tout s’éclaire. On comprend que l’enjeu n’est pas de suivre une chronologie, mais de ressentir la densité du moment. La première partie, très militaire, plante la logique de la chaîne de commandement. La seconde, plus politique, s’attarde sur le poids du doute, les ordres contradictoires, les débats d’éthique. La troisième, plus périphérique, tente d’ouvrir le regard vers l’extérieur : un civil, ou un technicien en marge, qui vit ces minutes autrement. Et c’est là, effectivement, que le film vacille un peu. Ce dernier point de vue, je le trouve bâclé — c’est aussi ce que l’on ressent. .Une respiration qui affaiblit légèrement la tension accumulée jusque-là. Le film aurait presque gagné à s’arrêter avant, dans cette zone d’incertitude où tout reste suspendu. 

Mais malgré ce léger déséquilibreHouse of Dynamite reste un film haletant, tendu, oppressant. Ce n’est pas un film spectaculairec’est un film d’alerte, de vertige intérieur. Bigelow filme la peur comme une donnée mécanique : on ne la voit pas, mais on la sent circuler entre les personnages, entre les lignes de communication, dans le temps qui s’effrite. Elle s’attarde sur les visages crispés, les protocoles absurdes, les hésitations qui peuvent coûter des millions de vies. Elle ne juge pas ; elle observe. Et dans cette observation naît la terreur la plus pure : celle d’un monde  la procédure remplace la pensée,  la technologie s’enraye sous la pression humaine. 

Le plus intéressantc’est que le film ne cherche pas à être totalement plausible. Il joue justement sur cette frontière entre le réalisme et la simulation : ce que l’on voit pourrait arriver, mais ce n’est pas un documentaireC’est une hypothèse, un cauchemar possible. Et à ce titre, il interroge quelque chose de profondément contemporain : notre capacité à réagir dans un monde  tout peut basculer en dix-huit minutes. Arythme  va le monde, rien n’est impossible. Le film reprend cette idée et la pousse jusqu’à l’étouffement. 

Reste la fin. Frustranteoui — volontairement inachevéecomme un signal qui s’interrompt avant la détonation. On ne saura jamais si le missile frappe, s’il est déviési tout cela n’était qu’une fausse alerte. Et c’est  que réside la perversité du film : il nous laisse dans l’état même qu’il décritL’incertitudeL’attente. Le souffle coupé. On sort de  nerveusement vidépartagé entre soulagement et frustration. Vous l’avez très bien formulé : ne pas savoir est à la fois un manque et un soulagementC’est exactement ce que Bigelow cherche à provoquer. 

Au final, House of Dynamite est un film maîtriséexigeantparfois aridemais d’une intensité rare. On aurait aimé le découvrir en salle, tant sa mise en scène réclame l’obscurité et le silence collectif. Mais même sur un écran domestique, la force du dispositif demeure. Bigelow signe ici un retour sans esbroufeun film d’une lucidité glacialeporté par des acteurs impeccables et un scénario qui ose la répétition et le doute. On peut lui reprocher quelques longueurs, une troisième partie en deçà, un final frustrant — mais ces failles font aussi partie de sa beautéC’est un film qui ne rassure pas, qui ne clôt rien, qui nous laisse avec la conscience que, dans un monde saturé de puissance, il suffit d’une seule erreur pour que tout bascule. 

Et au fond, c’est peut-être ça, le vrai sujet de Bigelow : la fragilitémême au cœur de la toute-puissance. 

NOTE : 15.10

FICHE TECHNIQUE


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