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lundi 10 novembre 2025

7.40 - MON AVIS SUR LE FILM L'ACCIDENT DE PIANO DE QUENTIN DUPIEUX (2025)


 Vu le Film l’Accident de Piano de Quentin Dupieux (2025) avec Adèle Exarchopoulos Jérome Commandeur Sandrine Kiberlain Karim Leklou Clara Choi  

Magalie est une star du web hors sol et sans morale qui gagne des fortunes en postant des contenus choc sur les réseaux sociaux. Après un accident grave survenu sur le tournage de l'une de ses vidéos, Magalie s'isole à la montagne avec Patrick, son assistant personnel, pour faire un break. 

Quentin Dupieux, éternel sprinter du cinéma français, tourne souvent plus vite que son ombre. Ici, avec L’Accident de Piano, il tourne surtout plus vite que son propre film. Le résultat, censé être une satire contemporaine, ressemble davantage à un brouillon fiévreux, une expérimentation lancée en urgence, sans réelle phase de vérification. Essayer des choses, oui. Mais encore faut-il que le tout tienne debout, soit cohérent, drôle ou à défaut intelligent. Rien de cela ne se manifeste vraiment ici. 

Le film pose une intrigue minimaliste : un banal accident impliquant un piano déclenche une avalanche médiatique, un emballement absurde, comme un point de départ pour interroger la société du buzz, ses dérives, ses avidités. Sur le papier, l’idée pouvait fonctionner. Sur l’écran, c’est une autre histoire. Dupieux installe un dispositif brut, presque brutal, qui se veut acide et contemporain, mais qui finit par ressembler à un geste théorique dépourvu de corps. La culture du vide que le réalisateur prétend dénoncer devient paradoxalement celle qu’il met lui-même en scène. 

La mise en scène, réduite à sa plus simple expression, semble tourner en rond. Dupieux coupe court, coupe vite, coupe sec, mais sans rythme interne : le film n’a pas de tempo, tombe à côté de ses propres gags, se prive d’élan. On sent le tournage éclair, l’équipe qui court derrière un concept qui n’arrive jamais à maturité. L’effet visé – le chaos comique – se transforme en agitation peu maîtrisée. La cruauté voulue manque de précision ; la satire manque de nerf. 

Le scénario, lui, multiplie les situations absurdes mais rarement inspirées. Les personnages ne sont pas construits : ils sont esquissés, poussés dans des directions grossières, puis abandonnés aussitôt. On perçoit la volonté de pointer du doigt une époque où tout devient performance, mais Dupieux ne creuse pas, il effleure. Résultat : une suite de sketchs qui s’annulent les uns les autres, sans progression dramatique, sans montée, sans pay-off. La finesse n’est pas au rendez-vous ; la vulgarité, en revanche, s’invite régulièrement, parfois gratuitement. 

Côté casting, c’est le chantier le plus instable. Adèle Exarchopoulos, dans un rôle casse-gueule, s’en sort étonnamment bien. Elle tient le film quand tout vacille autour d’elle, injecte un peu de vérité dans une entreprise qui en manque cruellement. Sa présence donne un poids, une profondeur, un minimum de chair à un univers trop désincarné. Mais pour le reste, c’est compliqué. Jerôme CommandeurSandrine KiberlainKarim Leklou : trois acteurs pourtant solides, mais ici livrés à des personnages écrits en deux minutes, sans direction claire, coincés dans un ton qui ne leur convient pas. Ils semblent perdus, coincés dans une mécanique qu’ils ne maîtrisent pas. À tel point qu’on pourrait comprendre qu’ils aient envie d’effacer ce titre de leurs filmographies pour éviter quelques rougeurs. 

Le propos voulu par Dupieux – régler ses comptes avec les réseaux, les écrans, le spectacle permanent, l’obsession du like – méritait un traitement plus ciselé. Ici, ce qui devait être un miroir critique devient une caricature floue. Le film pense taper fort ; il tape à côté. Il espérait viser juste ; il tire dans le décor. Le message se dilue, devient martelé plutôt qu’analysé, et finit par assommer plus qu’éveiller. 

On reste donc partagé. L’idée de départ n’est pas inintéressante. Le potentiel critique existait. Mais l’exécution, trop rapide, trop brute, trop peu travaillée, rend le tout peu avenant. Dupieux, qui peut être brillant lorsqu’il canalise son absurdité, livre ici un exercice de style qui ressemble davantage à une esquisse non finalisée qu’à un film abouti. 

Un Dupieux tourné trop vite, sans tempo, sans relief, où seule Exarchopoulos réussit à limiter les dégâts, tandis que les autres acteurs se retrouvent embarqués dans une entreprise qui ne les valorise jamais. La satire tourne court, le film tourne à vide. 

NOTE : 7.40

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION


 

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