Vu le Film After The Hunt de Luca Guadagnino (2025) avec Julia Robert Andrew Garfield Ayo Edebiri Michael Stuhlbarg Chloe Sevigny Lio Mehiel David Leiber
Une professeure d'université se trouve à la croisée des chemins sur le plan personnel et professionnel lorsqu'une élève vedette porte une accusation contre l'un de ses collègues et qu'un sombre secret de son propre passé menace d'être dévoilé.
After the Hunt est un drôle d’oiseau dans la filmographie de Luca Guadagnino, un film qui arrive avec le parfum d’un événement — Julia Roberts + Andrew Garfield + un réalisateur habitué aux histoires sensuelles — pour finalement s’écraser en salles américaines comme un soufflé raté. En France, il sort directement en SVOD, preuve que personne ne savait trop dans quelle case ranger cette œuvre qui choisit de désarçonner au lieu de séduire. Les spectateurs attendaient le velours, la peau, les regards fiévreux façon Challengers ou Suspiria. Guadagnino leur sert un débat moral, une tension glacée, un drame post-MeToo où personne n’a le bon rôle — et surtout pas nous, les spectateurs.
L’histoire : Alma (Julia Roberts), professeure respectée, voit son univers vaciller quand Margaret (Ayo Edebiri), une étudiante brillante, accuse Gibson (Andrew Garfield), un collègue et… ancien amant d’Alma, d’agression sexuelle. À partir de là, le film cesse d’être un simple « cas d’école » pour devenir un véritable champ de mines émotionnel. Guadagnino filme sans fard — parfois même brutalement — une Julia Roberts loin de son aura glamour, mais plus fascinante que jamais. Alma n’a rien d’une héroïne immaculée, mais Julia transforme l’ambiguïté en discipline olympique. Son sourire — ce sourire mythique, capable de relancer une économie — devient tour à tour bouclier, arme, et cri étouffé. Ce n’est plus un sourire : c’est une stratégie diplomatique.
Andrew Garfield, lui, joue Gibson comme un homme qui a peut-être tort, peut-être raison, peut-être les deux en même temps. Il brouille constamment la frontière entre vulnérabilité et manipulation. Ayo Edebiri est exceptionnelle : un regard suffit pour que la balance morale bascule d’un côté ou de l’autre. On ne sait jamais si elle dit vrai ou si elle joue une partition plus trouble. Et Guadagnino — malin, presque sadique — refuse de trancher. Dans la salle, ou dans notre canapé, on se retrouve comme Alma : le sol se dérobe sous nos certitudes.
Narrativement, le film prend son temps, parfois même trop. Le premier acte avance au rythme d’un métronome cassé, amplifié par ce « tic-tac » sonore stressant qui accompagne l’angoisse croissante d’Alma. Et puisque parler du son dans un film de Guadagnino, c’est parler du cœur du film : Reznor et Ross livrent une partition qui ressemble à votre conscience en pleine attaque de panique, en 5/4, avec ces pulsations sourdes qui donnent l’impression d’être jugé par un tribunal invisible. Le bruit devient tension, la tension devient malaise, et le malaise devient scénario.
Visuellement, on retrouve la patte Guadagnino : un usage somptueux de la lumière, des cadres qui isolent les personnages comme s’ils étaient déjà en procès, et des intérieurs académiques déshumanisés. Chaque plan semble dire : « Ici, personne n’est innocent. » Même la pluie paraît vous regarder de travers.
Le scénario, lui, refuse les réponses faciles. Pas de vérité unique, pas de grand discours final, pas de révélation qui remet tout en ordre. Le film parle de pouvoir, de désir, de génération, de morale mouvante — et surtout de cette vérité universelle : même les plus « éveillés » d’entre nous savent être hypocrites. Guadagnino force chacun à se demander : Que ferais-je, moi, à la place d’Alma ? Et si j’avais tort depuis le début ?
After the Hunt ne résout rien — et c’est tant mieux. C’est un film qui s’infiltre, qui dérange, qui reste collé comme une mauvaise pensée qu’on n’arrive pas à chasser. Pas vraiment un plaisir, mais une expérience. Ceux qui attendaient un Guadagnino sexy se retrouvent avec un Guadagnino moraliste — et pourtant, c’est peut-être son film le plus honnête depuis longtemps.
Un flop commercial ? Oui.
Un film raté ? Non.
Un film inconfortable qui demande du courage au spectateur ? Absolument.
Et Julia Roberts, elle, prouve encore une fois que même quand Guadagnino lui arrache tout glamour, il lui reste son arme nucléaire : ce sourire capable de faire fondre le doute comme il relançait l’économie.
NOTE : 14.60
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Luca Guadagnino
- Scénario : Nora Garrett
- Photographie : Malik Hassan Sayeed
- Montage : Marco Costa
- Musique : Trent Reznor et Atticus Ross
- Production : Brian Grazer, Luca Guadagnino, Jeb Brody et Allan Mandelbaum
- Sociétés de production : Metro-Goldwyn-Mayer, Imagine Entertainment, Frenesy Film Company et Big Indie Pictures
- Sociétés de distribution : Amazon MGM Studios (États-Unis), Sony Pictures Releasing International (Italie et France)
- Julia Roberts (VF : Céline Monsarrat) : Alma Imhoff
- Andrew Garfield (VF : Donald Reignoux) : Henrik « Hank » Gibson
- Ayo Edebiri (VF : Justine Berger) : Margaret « Maggie » Resnick
- Michael Stuhlbarg (VF : Arnaud Bedouët) : Frederik, le mari d'Alma
- Chloë Sevigny (VF : Anneliese Fromont) : Dr Kim Sayers
- Thaddea Graham (VF : Diem Nguyen) : Katie
- Lío Mehiel (en) : Alex
- David Leiber : Dean RJ Thomas

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