Vu le Film I Love Peru de Raphael Quenard et Hugo David (2025) avec Raphael Quenard Hugo David Jean Pascal Zadi Gilles Lellouche François Civil Anaide Rozam José Garcia Michel Hazabanicius Gustav Kervern Jonathan Cohen Eric Judor Benoit Poelvoorde Maribna Fois Panayotis Pascot
Lancé dans une course effrénée vers le succès, et une fois césarisé, un comédien abandonne ses plus fidèles amis, devient lourdingue et se fait larguer par sa petite amie. Seul face à lui-même, il rêve qu'il est un condor et décide de se lancer dans une quête spirituelle, qui l'amène au Pérou
I Love Peru, c’est ce film censé se dérouler au Pérou mais qui prend un malin plaisir à esquiver absolument tout ce qu’on attend d’un film qui se déroule au Pérou : pas un lama à l’horizon (même pas Serge), pas un condor pour planer dans le ciel comme dans un documentaire Arte du dimanche soir. À la place, Quenard et Hugo David nous embarquent dans un faux documentaire bancal, bricolé, hilarant, où l’exotisme n’est qu’un décor de fond pour mieux parler de ce qui les intéresse vraiment : eux, leur amitié, leur relation fusionnelle faite d’amour sans sexe, et cette façon très particulière qu’a Quenard d’exister à l’écran depuis quatre ans, véritable météorite du cinéma français, inclassable, incontrôlable, imprévisible.
Le film suit donc ce duo d’abrutis géniaux — oui, c’est un compliment — partis au Pérou pour tourner une sorte de quête initiatique, mais qui passent plus de temps à se chercher eux-mêmes qu’à filmer le paysage. Le scénario, volontairement chaotique, mélange confessions réelles, scènes mises en scène, dialogues improvisés, blagues internes et instants de grâce où la caméra oublie de faire semblant. On comprend vite que le Pérou n’est qu’un prétexte : le voyage est intérieur, et il se fait surtout dans la tête de Quenard, ce type qui refuse la célébrité tout en la provoquant, qui s’en moque tout en l’utilisant, qui avance masqué tout en jouant la transparence totale.
Car au cœur du film, il y a LA scène. Celle où Quenard se livre tel qu’en lui-même, ou plutôt tel qu’il voudrait qu’on le voie : vulnérable, extraverti, sans filtre, mais aussi profondément pudique. Ce moment, qu’on pourrait prendre pour de la provocation pure, n’est en réalité qu’un masque — un masque pour cacher une pudeur immense, presque enfantine, l’envie d’être aimé sans être dévoré, regardé sans être enfermé. Rien de choquant pour moi : au contraire, ça m’a fait énormément rire. Et rire de ce rire rare, celui qui fuse quand quelqu’un ose aller au bout de son idée, même si cette idée ressemble à une cascade sans filet.
La mise en scène d’Hugo David, faussement amateur, fonctionne parfaitement dans ce registre. Il filme Quenard comme un animal étrange, un spécimen qu’on observe sans réussir à le définir. Un jour clown, un jour poète, un jour acrobate de la sincérité, un jour gamin qui fait des bêtises. Les potes qui gravitent autour — et ils sont nombreux — participent tous à cet exercice stylé, jamais vraiment sérieux, mais constamment habité par un vrai désir de cinéma, même si Quenard lui-même semble dire : « ce n’est pas du cinéma à proprement parler ». Et pourtant, si. C’est du cinéma qui se regarde la tête de travers, du cinéma qui se moque de lui-même, du cinéma qui préfère un rire gêné à un plan parfait.
Le casting, lui, fonctionne par éclats : Hugo David en ami-pilier, en équilibriste qui tente de garder le projet debout ; les seconds rôles qui viennent injecter un peu de réalité dans ce délire contrôlé ; et Quenard, évidemment, qui bouffe l’écran sans même le vouloir, comme un type qui ne sait pas faire semblant d’être moyen. Il est partout, il déborde du cadre, il fait riper le film, il l’étire, il le détourne, il le sabote parfois — mais toujours pour le plaisir du spectateur.
Quant au récit, il devient une métaphore limpide de la célébrité : comment on y survit, comment on s’y perd, comment on en rit, comment on s’en protège. Les paillettes qui grattent, les faux culs qui sourient trop large, les rumeurs qui courent plus vite que la vérité — Quenard en est gavé, et il transforme tout cela en matière artistique. Dans I Love Peru, sa trajectoire devient une allégorie : celle d’un homme qui dit tout pour qu’on arrête de lui demander quoi que ce soit.
I Love Peru n’est peut-être pas un film au sens traditionnel, mais c’est un geste, une pirouette, un manifeste, un délire collectif qui affirme une chose : Quenard n’est pas là pour être classé. Il est là pour exister autrement. Et franchement ? Moi, ça m’a beaucoup fait rire.
NOTE ; 12.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Raphaël Quenard, Hugo David
- Musique : Théodore Vibert
- Montage : Méloé Poillevé
- Son : Alexis Place
- Sociétés de production : Lipsum Productions, Chi-Fou-Mi Productions, Wašté Films
- Société de distribution : Le Pacte
- Budget : environ 400 000 euros
- Pays d'origine :
France
- Raphaël Quenard : lui-même
- Hugo David : lui-même
- Anaïde Rozam
- José Garcia
- Jean-Pascal Zadi
- Michel Hazanavicius
- Jonathan Cohen
- Emmanuelle Devos
- François Civil
- Éric Judor
- Benoît Poelvoorde
- Gustave Kervern
- Marina Foïs
- Gilles Lellouche
- Panayotis Pascot
- David Duponchel
- Hugues de Chavagnac
- Grégory Weill
- Lucile Vainstein
- José Antonio Espinal Saijas
- Paul Dugarte
- Amaranta Kun

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