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mardi 18 novembre 2025

12.10 - MON AVIS SUR LE FILM LA SIRENE DU MISSISSIPI DE FRANCOIS TRUFFAUT (1969)


 Vu le Film La Sirène du Mississipi de François Truffaut (1969) avec Catherine Deneuve Jean Paul Belmondo Michel Bouquet René Thénot Nelly Borgeaud Yves Drouet Marcel Berbert Martine Ferrière 

Louis Mahé, riche planteur réunionnais et fabricant de cigarettes, a épousé Julie, rencontrée par petite annonce et arrivée par le paquebot Mississippi. Il s'aperçoit bientôt que ce n'est pas sa ravissante épouse qui écrivait les lettres qui l'ont séduit. Alors qu'il s'apprête à l'interroger, Julie disparaît, non sans l'avoir au préalable dévalisé. Il engage un détective privé tout en menant sa propre enquête. Julie, en France, est devenue Marion, une artiste de cabaret. 

En voyant l’affiche, Deneuve et Belmondo enlacés, j’étais prêt pour un film un peu vif, un peu joueur, un peu dans l'esprit “Belmondo-L’Homme de Rio” avec une pointe de Dorléac — bref, je m’attendais à la légèreté, au charme, à l’aventure romantique. Mais non : Truffaut, fidèle à lui-même, souffle le froid, et pas seulement celui de la désillusion amoureuse. Dès les premières minutes, on comprend que la joie suggérée par la promesse du casting se teinte de cette fameuse souffrance que Belmondo jette à Deneuve : 
« Quand j’te regarde, c’est une souffrance. » 
La veille, il disait que c’était une joie. 
Eh bien voilà : c’est exactement mon rapport au film. 

L’histoire, pourtant, avait de quoi embrasser quelque chose de plus audacieux. Un planteur de La Réunion, Louis Mahé (Belmondo, pas encore “Bebel”), attend une femme qu’il a promise d’épouser sans même la connaître autrement que par lettres — les réseaux sociaux de l’époque, mais en plus lent et avec plus d’orthographe. Il pense accueillir Julie, mais débarque Marion, une femme superbe, blonde, mystérieuse, avec l’allure presque glacée d’une Deneuve ici volontairement murée dans son jeu minimaliste. On pourrait croire à un drame torride, à une manipulation fiévreuse, à un thriller sentimental qui chauffe — mais non. Truffaut choisit la route de la retenue, du ton plat, des regards figés façon Godard, ce qui, pour moi, crée un filtre opaque entre le film et le spectateur. 

Belmondo joue son rôle avec cette élégance absente et un peu docile d’un homme perdu dans sa propre vie, mais on le sent bridé. Deneuve, reine du mystère, cultive la froideur, presque jusqu’à la vitrification. Leur duo, qui promettait de l'étincelle, se transforme en braise tiède qui met beaucoup de temps à rougir. On comprend l’intention : la passion qui se dépose, se fissure, s’use, se tord. Mais l’exécution manque parfois d’élan, de souffle, de chair. 

La première partie, à La Réunion, veut installer un exoticisme trouble : la chaleur, les plantations, la solitude de Mahé, le mensonge de Marion. Mais l’exotisme n’est pas assez assumé, presque étouffé par cette mise en scène rigide, où Truffaut semble chercher un climat qu’il n’atteint jamais totalement. L’ambiance pèse, s’étire, et certaines scènes paraissent tout simplement longues — trop longues pour le peu qu’elles racontent. 

Puis vient la seconde partie, le couple en fuite, et là, miracle : Truffaut respire mieux. Les déplacements, les hôtels, les identités qui se défont, les poursuites silencieuses… Le film trouve enfin sa dynamique, son battement, sa tension. C’est là qu’on sent la maîtrise du cinéaste, son intérêt pour les tourments du couple, pour cette passion qui se consomme comme une cigarette qu’on ne veut pas finir, même si elle brûle les doigts. 

Le scénario, lui, navigue entre suspense sentimental et étude psychologique, mais sans jamais choisir franchement son camp. Le résultat est parfois hybride, parfois bancal : on est entre la carte postale détournée et le drame de mœurs. Entre clichés et souffle romanesque, comme si le film ne parvenait pas à régler son propre thermostat émotionnel. On sent ce qu’il cherche à atteindre, mais on le voit rarement pleinement éclore. 

Reste l’audace formelle, indéniable. Truffaut expérimente, désamorce, joue contre le décor, contre le casting, contre l’attente du public. On peut admirer la volonté, même si l’ensemble manque de cette flamme que le trio semblait promettre. 

La Sirène du Mississipi laisse cette impression étrange d’un film qui avait toutes les cartes pour vibrer — un couple mythique, un cadre romanesque, un faux mariage, un vrai mensonge — mais qui préfère la froideur maîtrisée à la passion éclatante. Quelques beaux moments, une seconde moitié plus vivante, mais un ensemble souvent figé, trop sage, presque dévitalisé. Un joli gâchis, oui, mais un gâchis élégant, signé Truffaut. 

 NOTE : 12.10

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

 

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