Vu le Film Le Complot de René Gainville (1973) avec Jean Rochefort Michel Bouquet Michel Duchaussoy Raymond Pellegrin Robert Castel Marina Valdy Simon Andreu Maurice Biraud Daniel Ceccaldi Abder El Kébir
En 1962, afin d'empêcher le général de Gaulle de céder aux revendications du FLN et de laisser l'Algerie devenir indépendante, les membres de l'OAS décident de faire évader le Général Challe, emprisonné à Tulle. Le commandant Dominique Clavet (Jean Rochefort), succédant à son chef Cyrus qui a été arrêté, organise avec ses hommes un hold-up pour financer l'évasion. Dans le même temps, aidé par des « barbouzes », le commissaire divisionnaire Lelong (Michel Bouquet), loyal au gouvernement mais désabusé, enquête sur cette conjuration, ayant parfois des doutes devant la complexité de la situation.
On replonge ici dans une page sombre et confuse de l’Histoire française, celle des années 60, entre fin de guerre d’Algérie, rancunes politiques et blessures encore vives. Le Complot de René Gainville suit un groupe d’hommes de l’OAS décidés à libérer le général Challe, prisonnier à Tulle. Un scénario qui promettait beaucoup : action, tension, idéaux perdus et ombres de la France post-coloniale. Et pourtant… le résultat laisse une impression étrange, entre film d’espionnage manqué et drame politique trop sage.
Dès le départ, on sent une production ambitieuse, une coproduction franco-italienne où il y a des moyens — mais pas toujours bien utilisés. Les décors, les véhicules, les costumes sentent bon les années 70 et le sérieux d’un tournage « à l’européenne », mais la mise en scène de Gainville manque d’âme. Il y a du potentiel dans ce groupe de conspirateurs, dans leurs débats, dans leurs contradictions, mais le film ne parvient jamais à faire monter la tension. Le complot semble… comploté à moitié.
À la tête du commando, Jean Rochefort campe un personnage plus grave qu’à l’accoutumée, loin de son ironie habituelle. C’est un homme fatigué, désabusé, qui croit encore à un idéal militaire alors que le monde a changé. Rochefort, comme toujours, donne de l’élégance à ce qu’il touche — mais ici, il semble un peu prisonnier d’un scénario qui hésite entre la fresque historique et le polar politique. On sent qu’il voudrait aller plus loin, mais que le film l’en empêche.
En face, Michel Bouquet, fidèle à ses rôles de l’époque, endosse l’uniforme du policier de l’honneur, l’homme de la République qui poursuit les fauteurs de troubles avec calme et détermination. Bouquet apporte sa rigueur, son regard perçant, ce ton presque administratif qui en fait un chasseur d’ombres plus qu’un héros. Mais le duel Rochefort/Bouquet, qui aurait pu être passionnant, reste en surface — dommage, car on tenait là un vrai face-à-face moral.
Les seconds rôles ne déméritent pas, mais peinent à exister au-delà de leurs archétypes : les fidèles, les désabusés, les anciens d’Algérie perdus dans une France qui ne les reconnaît plus. Il y avait pourtant matière à un grand film sur la désillusion, sur les restes d’un patriotisme malmené. Au lieu de cela, Le Complot reste coincé dans une narration un peu raide, où les scènes d’action manquent de nerf et les dialogues d’intensité.
Techniquement, la mise en scène est correcte sans être inspirée : des plans classiques, une lumière terne, des scènes nocturnes peu lisibles. Le rythme, lui, peine à décoller. Par moments, on se surprend à attendre le « grand moment » qui ne vient jamais. C’est un film sérieux, presque trop, qui se regarde avec intérêt mais sans passion.
Reste cette atmosphère d’époque, ce parfum de cinéma politique des années 70, où la France se regardait dans le miroir de ses fautes. C’est cela, sans doute, qui sauve le film : cette volonté d’interroger la loyauté, la désobéissance, et ce que l’on fait du mot « honneur ».
Mais soyons honnête : Le Complot n’est pas un grand film, c’est un film qui voulait l’être. On y trouve de belles intentions, de bons acteurs, quelques éclats d’idées… mais tout cela reste un peu lent, un peu figé, comme un drapeau qui ne flotte plus au vent.
On ressort de là avec respect pour Rochefort et Bouquet, ces chevaliers de l’élégance sobre, mais sans émotion durable.
Un film qui se voulait explosif et finit par pétiller gentiment — un complot… sans vraie conspiration.
NOTE : 13.00
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : René Gainville, assisté de Tony Aboyantz et Bernard Grenet
- Scénario : René Gainville et Jean Laborde
- Producteur : Simone Allouche, François de Lannurien et Léla Milcic
- Société de production: 14 Luglio Cinematografica (Rome), Eguiluz Film (Madrid), Les Films de La Boétie
- Musique : Michel Magne
- Son : Robert Beauchamp
- Photographie : Étienne Szabo
- Montage : Monique Kirsanoff
- Décors : André Labussière
- Jean Rochefort : le commandant Dominique Clavet
- Michel Bouquet : le commissaire divisionnaire Lelong
- Michel Duchaussoy : le lieutenant Leblanc, de l'OAS
- Raymond Pellegrin : Paraux, conseiller spécial
- Marina Vlady : Christiane Clavet
- Simón Andreu (VF : Claude Giraud) : le lieutenant Baudry, de l'OAS
- Maurice Biraud : Brunet, de l'OAS
- Robert Castel : Saporo, de l'OAS
- Daniel Ceccaldi : Carat, de l'OAS, avocat
- Dominique Zardi : Hans, de l'OAS, ex-légionnaire
- Raymond Gérôme : l'avocat Vignaud, de l'OAS
- Michel Fortin : le garagiste pro-OAS
- Yves Barsacq : le médecin militaire pro-OAS
- Henri Lambert : le policier dans le café
- André Rouyer : l'indicateur, ingénieur sorti de l'École centrale
- Gabriele Tinti (VF : Bernard Murat) : Moret, inspecteur pro-OAS
- Angel del Pozo : Marchand, inspecteur
- Teresa Rabal : Evelyne, la parfumeuse
- Abder El Kebir : Abder, l'ami de Saporo (crédité El Kebir)

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