Vu le Film 13 Jours 13 Nuits de Martin Bourboulon (2025) avec Roschdy Zem Lyna Khoudri Sidse Babett Knudsen Christophe Montenez Yan Tual Jean Claude Muaka Nicolas Bridet Grégoire Le Prince Ringuet Sina Parvaney
Le 15 août 2021, Kaboul tombe face à l'offensive des talibans ; tandis que les troupes américaines organisent leur retrait, des milliers de Kaboulis redoutent ce que serait pour eux un pouvoir taliban, et cherchent à prendre pied à l'ambassade de France, la dernière ambassade occidentale qui n'ait pas été évacuée. Les Français qui s'y trouvent encore espèrent bien pouvoir, avec peut-être les Afghans qui voudraient les suivre, atteindre l'aéroport de Kaboul, où se trouvent déjà l'ambassadeur David Martinon et quelques diplomates.
Avec 13 Jours 13 Nuits, Martin Bourboulon continue son étonnant parcours de réalisateur touche-à-tout, passant du vaudeville (Papa ou Maman) à la fresque historique (Eiffel), puis au film de cape et d’épée (Les Trois Mousquetaires), avant de s’attaquer ici à un fait réel et contemporain : la chute de Kaboul en 2021. Ce passage du divertissement populaire au film d’action dramatique sur fond de crise internationale prouve, s’il en était besoin, que Bourboulon aime les défis. Mais il confirme aussi une impression : celle d’un réalisateur plus technicien que visionnaire, plus faiseur appliqué que conteur inspiré.
Le film s’ouvre sur la tension des derniers jours précédant la prise de Kaboul par les talibans. Des diplomates français, aidés par quelques militaires et civils afghans, doivent organiser l’évacuation de centaines de personnes menacées. Le récit suit ces treize jours d’urgence, entre chaos, dilemmes moraux et désespoir. Sur le papier, le matériau est fort, presque cinématographique à lui seul. Dans les faits, le film déroule un récit linéaire, efficace, mais trop lisse pour véritablement captiver ou bouleverser.
Roschdy Zem, dans le rôle d'un Officier de Police, impose sa présence, toujours solide, entre autorité et humanité contenue. Lyna Khoudri, qui incarne une jeune traductrice afghane, apporte la fragilité nécessaire, mais son personnage aurait mérité plus d’épaisseur, plus de contradictions. Christophe Montenez, quant à lui, surprend agréablement : juste, précis, il est sans doute le plus incarné du trio. Le reste de la distribution fait le travail, sans réelle fausse note, mais sans relief non plus.
La mise en scène de Bourboulon, elle, reste classique, presque trop sage. On sent le souci de bien faire, de restituer les faits avec respect et rigueur, mais aussi une peur de salir le cadre, de se confronter à la poussière, au sang, à la sueur. Or c’est justement ce manque de chair, ce refus du désordre et du chaos, qui prive le film d’émotion brute. La caméra, propre, bien cadrée, semble toujours chercher à rendre la guerre regardable, là où on aurait aimé la sentir, la subir presque.
Là où le film aurait pu tutoyer le grand cinéma politique, il reste dans le registre du drame d’action un peu édulcoré. On devine la complexité de la situation – diplomatique, militaire, humaine – mais elle reste à distance, survolée. Les talibans apparaissent à peine, presque comme une ombre sans menace réelle. À aucun moment on ne ressent la peur, la tension, l’électricité d’un siège imminent. Les divergences de points de vue au sein de l’ambassade ou entre Français et Afghans sont esquissées, jamais creusées.
Et pourtant, 13 Jours 13 Nuits évite le piège du spectaculaire gratuit. Pas de surenchère pyrotechnique, pas de patriotisme forcé : Bourboulon reste pudique, presque trop. On aurait aimé qu’il se permette d’aller plus loin, qu’il salisse un peu son cadre, qu’il montre la confusion, la fatigue, la peur. Le film est propre, peut-être trop propre pour un sujet aussi brûlant.
On sort de la projection partagé : impressionné par la maîtrise technique, par la tenue visuelle du film, mais frustré par son absence de fièvre, d’âme, de tension dramatique. 13 Jours 13 Nuits se regarde avec intérêt, jamais avec passion. C’est un film honnête, solide, parfois prenant, mais qui semble s’interdire de déranger, d’interroger ou de bousculer.
un film à mi-chemin entre le devoir de mémoire et le divertissement contrôlé. Bourboulon signe un travail de mise en scène sérieux, carré, mais sans cette flamme qui transforme un sujet fort en œuvre marquante. Roschdy Zem, Lyna Khoudri et Christophe Montenez tiennent le film à bout de bras, mais il manque ce supplément d’âme, cette intensité qui aurait pu en faire autre chose qu’un film « proprement » efficace.
Un film à saluer pour son intention et sa rigueur, mais à regretter pour son manque d’émotion viscérale — un 13 Jours 13 Nuits qui aurait mérité un peu plus de sang, de poussière et d’âme.
Mais n’est pas Costa Gavras qui veut !
NOTE : 13.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Martin Bourboulon
- Scénario : Martin Bourboulon et Alexandre Smia, d'après 13 jours, 13 nuits dans l’enfer de Kaboul de Mohamed Bida
- Musique : Guillaume Roussel
- Décors : Mobsitte Saad et Stéphane Taillasson
- Costumes : Sandrine Bernard
- Photographie : Nicolas Bolduc
- Montage : Stan Collet
- Production : Dimitri Rassam et Ardavan Safaee
- Producteur délégué : Frantz Richard
- Sociétés de production : Pathé Films et Chapter 2
- Société de distribution : Pathé Distribution (France)
- Budget : 27,5 millions d'euros
- Roschdy Zem : commandant Mohamed Bida
- Lyna Khoudri : Eva
- Sidse Babett Knudsen : la journaliste Kate
- Christophe Montenez : Martin
- Yan Tual : JC
- Jean-Claude Muaka : Roméo
- Nicolas Bridet : l'ambassadeur David Martinon
- Shoaib Saïd : Nangialay
- Sina Parvaneh : le général Sediqi
- Athena Strates : Nicole Gee
- Luigi Kröner : Dom
- Fatima Adoum : Amina
- Sayed Hashimi : Haidar
- Avant Strangel : le général Grant
- Benjamin Hicquel : Stéphane Raid
- Grégoire Leprince-Ringuet : le responsable de la cellule de crise à l'Élysée

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