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vendredi 21 novembre 2025

12.40 - MON AVIS SUR LE FILM A BICYCLETTE DE MATHIAS MLEKUZ (2025)


 Vu le Film A Bicyclette de Mathias Mlekuz (2025) avec Mathias Mlekuz Philippe Rebbot Josef Mlekuz Adriane Gradziel Marzieh Rezaee Laurent Jouault 

En hommage à son fils qui s'est donné la mort quelques années après un voyage à vélo de La Rochelle à Istanbul, son père reprend son trajet de voyage à bicyclette, en compagnie de son chien et son ami de longue date, à partir de l'Atlantique jusqu'à la mer Noire 

A Bicyclette est de ces films qui, sans tambour ni trompette, préfèrent vous prendre par la main plutôt que par les lacrimes. Matias Mlekuz aurait pu verser dans le mélo tonitruant, tant la matière intime — la perte d’un fils, la quête d’un père — appelle naturellement les violons. Mais non : ici, on pédale, certes avec un cœur lourd, mais le réalisateur préfère la route aux sanglots, les silences aux démonstrations, les regards aux discours. Et c’est justement ce qui donne au film sa dignité et son éclat discret. 

L’histoire s’inspire directement de ce que Mlekuz a vécu : son fils Youri s’est suicidé sans explications, laissant un père sans réponses et une blessure qui n’a pas la politesse de cicatriser. Alors, comme souvent dans la vie, l’élan vient des amis. Philippe Rebbot, compagnon de route au sens propre comme au figuré, embarque Mlekuz dans un périple jusqu’à la mer Noire pour tenter de retrouver, quelque part entre deux vallons et trois nuits en auberge, l’esprit du jeune homme disparu. Pas besoin d’un plan de bataille : juste deux sexagénaires, leurs vélos, un sac à dos, et ce besoin presque animal de remettre du mouvement là où tout s’est arrêté. 

Le scénario, d’apparence simple, se construit comme une succession de petites braises émotionnelles. Rien d’ostentatoire : quelques dialogues qui touchent juste, des silences qui disent plus, et ces instants minuscules où un regard fait tout le travail. Mlekuz joue son propre rôle avec une retenue qui force le respect. Il ne cherche ni à magnifier le père éploré, ni à se fabriquer un masque héroïque : il joue juste, avec ce mélange d’hébétude et de douceur triste qu’ont ceux qui portent encore le poids des questions sans réponse. À ses côtés, Philippe Rebbot est exactement ce qu’il faut : un complice tendre et bourru, un de ces amis qui n’ont pas besoin de savoir quoi dire pour être indispensables. Leur duo fonctionne parce qu’il ne cherche jamais à fonctionner : il existe, simplement. 

La mise en scène suit la même logique. Pas d’effets, pas de cadrages qui cherchent l’Oscar du drame, pas de musique à vous pousser la larme sous menace. Mlekuz filme à hauteur d’homme, à hauteur de selle aussi. Les paysages traversés ne sont jamais là pour faire carte postale, mais pour devenir le terrain mouvant de la mémoire : une côte trop raide, c’est un souvenir qui remonte ; un virage, c’est une vérité qui se dérobe. Et parfois, la route déroule comme un ruban qui apaise. On avance comme eux : doucement, parfois péniblement, mais avec cette petite lumière au fond qui dit qu’on finira peut-être par comprendre quelque chose — ou au moins accepter de ne pas comprendre. Car oui, comme tu le dis : il y a des films où il n’y a rien à comprendre, seulement à se laisser porter. 

Ce qui marque, ce sont ces instants suspendus entre nostalgie et pudeur, où le film pourrait céder au pathos mais se retient toujours — un peu comme quelqu’un qui pleure en silence, juste pour lui. Les regards des deux acteurs sont souvent plus éloquents que leurs paroles ; la tendresse s’installe sans prévenir, la nostalgie fait son nid sans demander l’autorisation. On sent une véritable amitié, un vrai vécu, une vérité qui dépasse la fiction sans jamais écraser le récit. 

A Bicyclette devient moins un road movie qu’une sorte de rituel cinématographique, un voyage nécessaire, imparfait, modeste, qui cherche à réparer sans promettre de guérir. On y rit doucement, on y sourit en coin, on a la gorge qui pique — mais jamais parce qu’on nous pousse. Parce que la vie, parfois, c’est juste deux hommes à vélo qui essaient de comprendre comment continuer quand tout s’est arrêté. Et parce qu’il y a des films où l’essentiel n’est pas de saisir, mais d’accompagner : une quête de mémoire paternelle qui avance « à bicyclette », avec la fragilité et la dignité qui vont avec. 

NOTE : 12.40

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Mathias Mlekuz
  • Scénario : Mathias Mlekuz et Philippe Rebbot
  • Musique : Pascal Lengagne
  • Photographie : Florent Sabatier
  • Son : Amaury de Nexon et Gildas Préchac
  • Montage : Céline Cloarec
  • Production : Jean-Louis Livi
  • Sociétés de production : F comme Film et M.E.S. Productions, en coproduction avec Cine Nomine
  • Sociétés de distribution : Ad Vitam (France) ; Entract Films (Québec), Filmcoopi (Suisse romande), Vertigo Films Distribution (Belgique)
  • Budget : 520 000 

DISTRIBUTION

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