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mercredi 19 novembre 2025

13.20 - MON AVIS SUR LE FILM LE SURVIVANT DE BARRY LEVINSON (2021)


 Vu le film Le Survivant de Barry Levinson (2021) avec Ben Foster Billy Magnussen Danny De Vito Vicky Krieps Peter Sarsgaard Saro Emirze Laurent Papot Dar Zuzovksy John Leguizamo  

Harry Haftboxeur polonais, est transféré dans le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz. Harry va devoir littéralement se battre pour survivre : s'il gagne ses combats, il est nourri, s'il perd il est conduit à la chambre à gazAprès la guerre, Harry devient boxeur professionnel en Allemagne avant de s'installer aux États-Unis. Hanté par la culpabilité et les traumatismes de ses combats dans le camp, il va reprendre peu à peu goût à pratiquer son sport. Il va même faire des combats très médiatisés comme celui contre Rocky Marciano. 

Il y a des films qui glissent sous le radar sans bruit, et Le Survivant fait clairement partie de ceux-là. Et pourtant, quel sujet : la vie de Hertzko “Harry” Haft, boxeur polonais juif, rescapé des camps de concentration, un homme qui a dû se battre littéralement pour rester vivant — et quand on parle de survivance dans l’univers concentrationnaire, “vivant” devient un mot à manier avec des pincettes. Le film met d’emblée la barre haut, parce que raconter un destin pareil implique une puissance narrative, une mise en scène habitée, quelque chose qui rende justice à l’impensable. Et c’est là, précisément, que Barry Levinson joue un match compliqué contre son propre film. 

L’histoire, elle, est bouleversante. Dans les camps, Hertzko — boxeur doué avant-guerre — est contraint d’affronter d’autres prisonniers sur un ring improvisé pour divertir les Allemands. Combattez, survivez un jour de plus, ou tombez et disparaissez. Un système cruel, une mécanique implacable, et la culpabilité comme seconde peau : comment vivre avec l’idée d’avoir “joué le jeu”, même sous la contrainte absolue ? Le film touche à cela, à cette zone grise où la victime devient malgré lui acteur d’une horreur qu’il subit. On comprend les intentions : un sujet noble, lourd, difficile. Mais encore faut-il que la forme soutienne le fond. 

Et c’est là que Levinson déçoit. Sa mise en scène, d’habitude fluide, attentive, presque invisible, se révèle ici un peu trop… invisible justement. Plate, sans relief, sans souffle. On sent le respect, la retenue, mais pas le lyrisme, pas le vertige que l’histoire appellerait. Le rythme alterne flashbacks en noir et blanc et présent en couleurs, procédé intéressant mais trop sage, trop attendu, comme si le film restait constamment à la lisière de son propre sujet. 

Pourtant, Ben Foster, lui, ne reste pas à la lisière. L’acteur s’engage dans un rôle ingrat, un rôle qui exige une transformation physique mais surtout morale : la honte, la rage, la survie, le mutisme, la culpabilité. Foster a cette capacité à habiter les personnages fracturés, et ici, il livre une performance brute, touchante, parfois même déchirante. On sent qu’il porte le film sur ses épaules, qu’il essaie de l’emmener plus haut, plus loin, plus fort que ce que la mise en scène lui offre. 

Autour de lui, le casting assure avec sérieux : Vicky Krieps apporte une douceur fragile dans le rôle de Miriam, souvenir obsédant et horizon impossible ; Billy Magnussen incarne son officier nazi avec une froideur clinique, presque trop propre ; Peter Sarsgaard, en manager ambigu, apporte ce qu’il faut d’opportunisme et de compassion à géométrie variable. Tous font le travail, parfois brillamment, mais la direction de Levinson semble étrangement timide, comme si le film se retenait sans cesse. 

Le scénario, inspiré du livre retraçant la vie de Haft, s’étire entre guerre et après-guerre, entre traumatisme et reconstruction. Sur le papier, c’est passionnant : comment un homme peut-il se réinventer quand chaque victoire passée est un souvenir honteux, et que l’amour perdu devient une boussole qu’on ne sait plus lire ? Mais là encore, le film manque d’élan. On comprend tout, mais on ressent moins que prévu. On suit, mais on n’est pas saisi. Comme si le film boxait en catégorie lourde avec un jeu de jambe de poids léger. 

Ce qui reste, au final, c’est une impression hybride : un sujet immense, une histoire vraie hallucinante, un acteur principal qui mérite un tonnerre d’applaudissements… dans un film qui ne déploie jamais vraiment les ailes qu’il aurait pu et dû avoir. Une œuvre respectable, mais qui manque d’âme cinématographique, de cette étincelle qui transforme un récit dur en expérience inoubliable. 

Un film osé, oui, un film important dans son intention, mais auquel je n’ai jamais réussi à totalement entrer. Peut-être parce que Levinson, trop respectueux, n’a pas voulu perturber — alors qu’un tel sujet exige justement d’être dérangé, secoué, bousculé. 

Reste Ben Foster, qui lui, ne survivrait pas à un film tiède : il l’emporte, il le nourrit, il lui donne du cœur. Et finalement, c’est grâce à lui que Le Survivant reste un film… survivant. 

NOTE : 13.20

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Barry Levinson
  • Scénario : Justine Juel Gillmer, d'après l'ouvrage Harry Haft : survivant d'Auschwitz, challenger de Rocky Marciano d'Alan Scott Haft
  • Musique : Hans Zimmer
  • Décors : Miljen Kreka Kljakovic
  • Costumes : Marina Draghici
  • Photographie : George Steel
  • Montage : Douglas Crise
  • Production : Aaron L. Gilbert, Matti Leshem, Barry Levinson, Scott Pardo et Jason Sosnoff
Producteurs délégués : Adhrucia Apana, Jason Cloth, Ben Foster, David Gendron, Ali Jazayeri, Richard McConnell et Ron McLeod

  • Sociétés de production : New Mandate Films, Bron Studios, Creative Wealth Media Finance et Pioneer Stilking Films
  • Société de distribution : Kinepolis Film Distribution (Belgique)

DISTRIBUTION

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