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lundi 17 novembre 2025

14.20 - MON AVIS SUR LE FILM LA MEGERE APPRIVOISEE DE FRANCO ZEFIRELLI (1967)

 


Vu le Film La Mégère Apprivoisée de Franco Zeffirelli (1967) avec Elizabeth Taylor Richard Burton John Cusack Michael Hordern Alfred Lynch Michael York Victor Spinetti Alan Webb Vernon Dobtcheff 

À Padoue, le signore Baptista désespère de trouver un mari qui puisse résister au caractère colérique de sa fille aînée Catharina. Car d'autre part il se refuse à chercher un mari pour sa fille cadette Bianca avant d'avoir trouvé un mari pour la première des deux sœurs. L'un des soupirants de Bianca, Hortensio, reçoit bientôt la visite de Petruchio, un marchand ruiné originaire de Vérone qui lui confie qu'il est venu à Padoue chercher richesse et femmeHortensio lui met alors dans la tête de conquérir le cœur de Catharina, ce qui lui donnerait l'occasion de mettre la main sur une dot de 20 000 couronnes d'or. 

Adapté de la célèbre pièce de Shakespeare, La Mégère Apprivoisée ouvre ses portes sur une Italie renaissante où les nobles troquent la vertu contre les intrigues et les alliances arrangées, un beau panier de pommes où « il y a peu à choisir entre des pommes pourries ». Zeffirelli, avant de faire chavirer le monde avec Roméo et Juliette, s’amuse déjà à disséquer les mœurs de cette aristocratie bourdonnante, ces godelureaux toujours prêts à s’autocongratuler en oubliant que la sophistication n’exclut pas la bêtise. 

Le vieux Baptista doit marier ses filles, mais l’affaire se complique. Certes, la douce Bianca attire les prétendants « comme les abeilles attirées par le miel », mais voilà : selon la règle familiale, impossible de la marier avant sa sœur aînée, Catarina. Et Catarina, c’est autre chose : beauté incendiaire, répartie acérée, et tempérament volcanique. Elizabeth Taylor l’incarne avec une gourmandise palpable, mélange de féline blessée et de reine offensée, une Catarina qui ne se contente pas de mordre : elle dévore, elle griffe, elle renverse tout ce qui ose la contraindre. Mais bien sûr, dans la cour où tout est pourri ou presque, même une femme forte devient problème à résoudre. 

Entre alors Petrucchio. Richard Burton, que l’on devine sans peine très inspiré par sa vie réelle, arrive en conquérant insolent, aussi arrogant qu’imprévisible. Il ne cherche pas une épouse, encore moins l’amour, mais un défi à sa hauteur, et Catarina tombe à point nommé. Zeffirelli capte cette étincelle électrique entre Burton et Taylor : un duel, non pas « à fleuret moucheté », mais à coups de répliques tranchantes et de joutes verbales qui semblent parfois sortir directement de leur propre foyer. Le cinéma devient alors un ring presque intime où la fiction frôle la réalité. 

Le scénario respecte la structure shakespearienne mais Zeffirelli y ajoute une ampleur visuelle. Les décors sont somptueux, les costumes fastueux, le film chatoyant comme un opéra comique où les couleurs éclatent et les tissus bruissent à chaque geste. C’est l’Italie rêvée, l’Italie théâtrale, celle qui ne s’excuse pas d’être excessive. Et ce faste soutient intelligemment ce que Shakespeare a de plus mordant : la guerre des sexes, la satire sociale, l’éternelle comédie du mariage. 

La scène où Petrucchio, revenant de chasse, débarque ivre, mal fagoté, acclamé par la foule le jour même de son mariage est, un moment divin. Un pur cadeau burlesque, à regarder presque en boucle, tant Burton y déploie un sens du chaos maîtrisé. 

Peu à peu, la tigresse s’adoucit. Catarina ne devient pas soumise comme on dresse un cheval sauvage, mais comme une femme qui comprend que ce monde ne lui offrira jamais l’indépendance moderne dont elle aurait eu besoin. Elle apprend la stratégie, la nuance : mieux vaut apprivoiser la cage que la briser, si la cage peut au moins être redécorée selon ses désirs. Zeffirelli glisse une forme de tendresse dans cette « conquête » : à mesure que Catarina se dévoile, Petrucchio cesse lui-même d’être le barbare triomphant. Il découvre qu’aimer demande plus que dompter. 

Et puis il y a ce sourire final, ce nouveau sourire , celui d’une femme qui, consciente de l’époque et de ses règles, choisit l’intelligence plutôt que la solitude. Un sourire de négociation, de complicité peut-être, un sourire qui dit autant « je cède » que « je gagne autrement ». 

Burton et Taylor forment ici un couple mythique, dont la tempête privée trouve un écho parfait dans cette comédie shakespearienne de l’amour vache. Zeffirelli, en maestro, orchestre leurs éclats, leurs colères, leurs regards assassins, leurs silences incendiaires. Le film doit beaucoup à leur présence : lui avec sa grandeur cabossée, elle avec sa beauté fulgurante, tous deux avec cette capacité à faire du cinéma une arène vivante. 

La Mégère Apprivoisée devient une fresque joyeuse, acidulée, épicurienne, drôle et théâtrale. Zeffirelli transforme la pièce en spectacle total où l’on rit autant qu’on admire, où le verbe de Shakespeare ne laisse personne sans armes. Et sous le faste, un portrait piquant de l’amour, celui qui chamaille, qui provoque, qui joue, celui qui griffe avant de caresser. Shakespeare savait tout cela ; Burton et Taylor l’incarnent avec un naturel stupéfiant. 

Une comédie pétillante, un duel délicieux, un décor somptueux : un film à déguster, comme Petrucchio, « presque en boucle ». 

 NOTE : 14.20

FICHE TECHNIQUE

 DISTRIBUTION

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